Search
Website Design and Content © by Eric Krause,
Krause House Info-Research Solutions (© 1996)
All Images © Parks Canada Except
Where Noted Otherwise
Report/Rapport © Parks Canada / Parcs Canada
---
Report Assembly/Rapport de l'assemblée © Krause
House
Info-Research Solutions
Researching the
Fortress of Louisbourg National Historic Site of Canada
Recherche sur la Forteresse-de-Louisbourg Lieu historique national du Canada
Guide d'introduction à l' intention du personnel du parc historique national
Il est souvent difficile pour les visiteurs de saisir la diversité de la société de Louisbourg. Formant une collectivité de quelques millers de personnes à peine, Louisbourg cumulait les qualités de ville fortifiée dotée d'une importante garnison, de port commercial affairé et de base importante pour la pêche française dans l'Atlantique du Nord-Ouest. La société y était de plus très cosmopolite. Naturellement, il y avait le mélange de Français de l'Ancien Monde et de Français du Nouveau Monde, ce qui, déjà, donnait une texture particulière; mais on trouvait aussi des centaines de pêcheurs basques dans le port chaque été, un important contingent de soldats suisses et allemands dans la garnison, quelques douzaines de domestiques irlandais et de nombreux marchands de la Nouvelle-Angleterre en visite.
Comme Louisbourg formait une collectivité oû les traditions européennes se mêlaient aux possibilités qu'offrait le continent nord-américain, il est indispensable de comprendre chacun des principaux courants d'influence. Jetons pour commencer un coup d'oeil sur la France du XVIIIe siècle.
La France de l'Ancien Régime
Prospère sur le plan économique et avancée sur le plan culture!, la France était, dans la plupart des domaines, à la pointe de la civilisation européenne du XVIIIe siècle. La mode et le goût français étaient largement copiés et le français était la langue principale de l'Europe, en particulier dans la noblesse et chez les diplomates. Dans les arts, les sciences et la philosophie, les écrivains et les penseurs français comme Voltaire, Montesquieu, Diderot et Marivaux, étaient les chefs de file du siècle des Lumières.
Du point de vue juridique, la France de l'Ancien Régime était composée de trois ordres : le clergé, la noblesse et le Tiers État. Mais en réalité, la société française était beaucoup plus complexe. On peut subdiviser encore les trois ordres en une multitude de niveaux ou de paliers. Le premier ordre regroupait le haut et le bas clergé, mais les membres du premier étaient pratiquement tous d'origine noble, alors que ceux du second étaient d'origine bourgeoise ou inférieure.
De même, le deuxième ordre englobait une élite de grands aristocrates et de membres de l'ancienne aristocratie terrienne, ainsi que des milliers de nobles ayant acheté leur titre à une date relativement récente. Ceux dont la lignée était déjà ancienne n'acceptaient pas de considérer ces parvenus comme leurs pairs et gardaient jalousement les droits ou les privilèges que leurs families avaient acquis avec le temps.
Le Tiers État, auquel appartenait l'immense majorité de la population, présentait la composition la plus diversifiée. La haute bourgeoisie se composait de fonctionnaires, de financiers et de marchands de la classe roturière et la petite bourgeoisie de médecins, d'avocats, de commerçants et d' artisans possédant leur propre boutique. Au-dessous, on trouvait les travailleurs urbains et les domestiques; enfin, au plu. bas niveau, les millions de paysans qui travaillaient la terre. On estime que la paysannerie représentait quelque 90 pour cent de la population de la France sous l'Ancien Régime.
Pour les défenseurs et les théoriciens de l'Ancien Régime, la structure sociale en vigueur relevait de l'ordre logique de l'univers. Tout comme le soleil était le centre du système solaire, le roi était le centre de la société et l'homme le centre de la famille. De même, tout comme les créatures divines et mortelles étaient réparties en niveaux descendants, de Dieu aux anges, des anges à l'homme, de l'homme aux animaux et ainsi de suite, la société était constituée de différentes classes ou ordres (états). Tenue pour ordonnée et correcte, cette structure sociale passablement rigide aurait donné un sentiment de sécurité à l'individu, du fait que chacun était assuré d'une position précise dans la société. Par conséquent, toute tentative pour modifier la structure des classes ou pour rompre le statu quo était habituellement considérée comme une atteinte aux fondements mêmes de la civilisation.
La tenue vestimentaire et le comportement d'un groupe social donné reflètent la richesse et les aspirations de ses membres. La noblesse francaise du XVIIIe siècle constitue un excellent exemple de ce phénomène. Dans l 'Europe féodale, la noblesse défendait le peuple et fournissait des armées au roi pour faire la guerre. Avec la création d'une armée royale permanente au XVIe siacle, ce rôle militaire perdit de l' importance et, au XVIIIe siècle, la seule trace qui en subsistait était la petite épée de cérémonie que portaient les gentilshommes en guise de parure. Quoi qu'il en soit, même si le roi détenait et exercait la majeure partie du pouvoir dans le royaume, la noblesse possédait tout de même de vastes propriétés terriennes qui lui assuraient une grande richesse. Grâce à ses régisseurs et à ses serviteurs, cette classe privilégiée avait tout le loisir de s'adonner à d'agréables divertissements culturels. Tout, dans son mode de vie et dans ses manières, reflétait la richesse et la position sociale de ceux qui la composaient, en particulier le fait qu'ils n'avaient pas besoin de travailler.
Les vêtements des nobles étaient recherchés et coûteux, fabriqués avec de riches tissue aux couleurs pastel, qui ne convenaient à aucun genre de travail. Les corsets et les baleines serraient et comprimaient le corps, tout comme les vêtements ajustés, interdisant tout effort physique. Les chaussures à haut talon étaient faites de tissue fragiles et de cuirs fins et étaient totalement dépourvues de robustesse. Les hommes comme les femmes, influencés par les canons de beauté exprimés dans la sculpture classique de marbre blanc, se maquillaient et portaient des perruques poudrées. Naturellement, cette mise recherchée nécessitait des heures de préparation, d'où la nécessité de faire appel à des serviteurs, ce qui reflétait encore le rang et la richesse de la noblesse.
Cette tenue vestimentaire surchargée d'ornements faisait partie d'un tout. Les nobles copiaient dans leur vie quotidienne les poses gracieuses représentées dans la sculpture et dans l'art anciens. I1 leur fallait avoir une démarche gracieuse et de la prestance dans tous les mouvements. La conversation se faisait d'une voix grave et était émaillée de reparties spirltuelles, condition indispensable à toute communication civilisée. Les dîners étaient une autre forme de divertissement social; les repas étaient élaborés et complexes et comportaient de nombreux mets exotiques et riches. Les nobles devaient également savoir lire, non seulement le français, mais aussi le latin et d'autres langues européennes, comme l'italien et l'espagnol. La danse, les cartes et le marivaudage complétaient la gamme des loisirs.
Au grand dam de la noblesse, les éléments les mieux nantis du Tiers État easayaient de copier leur mode de vie, sans toutefois faire preuve de la même grâce ou de la même indifférence étudiée. La petite bourgeoisie avait moins de temps et d'argent à consacrer à ces fantaisies, de sorte que ses membres avaient l'habitude de porter des vêtements plus commodes, faits de tissus forts aux couleurs foncées, même s'ils portaient souvent de beaux vêtements pour aller à l'église ou en soirée. Ils ne se maquillaient et ne se poudraient les cheveux qu'en des occasions spéciales, et encore, de façon beaucoup moins recherchée. Les repas étaient plus ordinaires et comportaient moins de services; on y mettait moins de cérémonie, les aliments étant au moins aussi importants que les manières. Naturellement, ce mode de vie nécessitait moins de serviteurs. I1 semble que la vie de la petite bourgeoisie ait été davantage axée sur la famille que celle de la noblesse ou des classes pauvres de la société.
La survie était la principale préoccupation des pauvres de la ville et de la campagne. Les enfants de paysans devenaient paysans; les travailleurs urbains pratiquaient le métier de leurs parents. I1 arrivait souvent que le serviteurs soient des personnes coupées de leur famille du fait de la pauvreté, de la mort et de quelque autre calamité. Par nécessité, ils s'attachaient aux families bourgeoises ou nobles, situation enviable dans un monde ou les choix étaient rares. Pour la plupart d'entre eux, il était rarement question de mode ou de style. Ils portaient ce qu'ils pouvaient se procurer; les vêtements aboutissaient entre leurs mains, soit qu'ils aient été achetés à une vente aux enchères, soit qu'ils aient été cédés par charité. Faisaient exception à la règle ceux qui servaient un maître riche et qui, de ce fait, étaient habillés aux frais de quelqu'un d'autre.
La Société de Louisbourg:
L'orientation résolument commerciale de Louisbourg, l' absence de haut clergé et le nombre relativement restreint de membres de la petite noblesse, tous ces facteurs se sont combinés pour donner naissance à une société dans laquelle les plus riches et les plus prestigieux membres du Tiers État pouvaient évoluer facilement dans les cercles sociaux les plus élevés de la ville. Non seulement les marchands, les financiers et les hauts fonctionnaires d'origine roturière fréquentaient les gouverneurs et les officiers issus de la noblesse, mais ils trouvaient souvent à se marier dans leurs families.
Même si, à Louisbourg, on était plus ouvert qu 'en France - on y avait, en effet, davantage de possibilités de monter dans l'échelle sociale grâce l'argent - les facteurs comme la naissance, le passé et la grâce conservaient une importance énorme. L'élite de la société coloniale partageait avec la haute bourgeoisie ou la petite noblesse de France, le même désir de reconnaissance sociale et l' aptitude à afficher son rang qui caractérisaient ces derniers. Ce désir se manifeste non seulement dans les vêtements qu'ils portaient, mais aussi dans la façon de meubler leur maison, la place qu'ils occupaient à l'église et leur attitude en public.
Situés immédiatement au-dessous de l'élite de Louisbourg dans l'échelle sociale se trouvaient les marchands moins prospères ou de moins bonne famille, les fonctionnaires subalternes et les riches habitants pêcheurs. Au-dessous d'eux se trouvaient les petits propriétaires de boutique, les artisans, les aubergistes et les cabaretiers. Aux échelons inférieurs se trouvaient les pêcheurs, les soldats, les serviteurs et les esclaves, à peu près dans cet ordre.
Pour tous ces gens, la tenue vestimentaire, symbole d'identité et de rang, conservait son importance. I1 était possible de distinguer au premier coup d'oeil le serviteur de son maître ou un riche marchand d'un commerçant. La présence ou l' absence de perruque, de poudre, de maquillage, de soie, de brocart et de douzaines d'autres éléments du costume indiquaient le niveau social dans lequel la personne évoluait ou souhaitait évoluer.
La loi française interdisait le tissage industriel des vêtements dans la colonie; les tissus, comme la plupart des autres biens de consommation, étaient donc importés. Par conséquent, le peuple, tirant avantage du rôle de centre commercial de Louisbourg, parvenait à se tenir au courant de la mode tant pour les vêtements que pour les tissus.
La société qui s'est développée dans l'Isle Royale, et en particulier à Louisbourg, ressemblait à celle de la France et du Canada, mais elle possédait en propre certaines caractéristiques dont voici les plus importantes :
(a) absence de toute espèce de système seigneurial;
(b) faible importance de l'agriculture et du commerce des fourrures sur le plan économique; l'économie reposait sur la pêche et sur le commerce et laissait une place importante aux dépenses gouvernementales;
(c) présence d'un nombre important de gens de passage (pêcheurs saisonniers, marchands, hommes de troupe, etc.);
(d) absence de dîme obligatoire : la taxe destinée à l'église s'établissait habituellement à 1/12 ou à 1/13 du revenu individuel en France et à 1/26 au Canada;
(e) aucune église paroissiale ne fut jamais construite et le Conseil supérieur ne comptait aucun représentant du clergé.
LA POPULATION DE LOUISBOURG AU XVIIIe SIÈCLE
Quelle était la composition de la population de Louisbourg au XVIIIe siècle?
Bon nombre de visiteurs se contenteront de savoir qu'il y avait des Français, catholiques romains, soit pêcheurs ou commerçants, soit au service de l'armée ou de quelques riches familles. D'autres visiteurs voudront en apprendre davantage. Ils voudront savoir quelles étaient (1) la proportion d'hommes et de femmes à Louisbourg, (2) les origines des habitants, (3) leurs convictions religieuses et (4) la langue qu'ils parlaient.
Composition de la population suivant le sexe et l'âge
Dans toute l'histoire de Louisbourg, soit pendant 45 ans, il y a toujours eu un plus grand nombre d'hommes que de femmes, ce qui n'est pas surprenant puisque Louisbourg était à l'origine un village de pionniers, donc avec une population féminine moindre, puis est devenu une ville de garnison et un port prospère, qui attiraient surtout les hommes célibataires. Dans les années 1720, chez les adultes, on comptait proportionnellement de huit à dix hommes pour une femme. L'écart devait diminuer par la suite mais, même en excluant la population militaire, la proportion d'hommes et de femmes ne devait jamais être inférieure à trois hommes pour une femme [note 1]. En raison de cette disproportion, les femmes se mariaient plus jeunes à Louisbourg (en moyenne à 19,9 ans pour un premier mariage) et les hommes à un âge plus avancé (en moyenne à 29,2 ans) que partout ailleurs en Nouvelle-France. Dans les villages français situés le long du Saint-Laurent, les moyennes étaient respectivement 22 et 27,7 ans [note 2].
Pour ce qui est de la population totale, le tableau ci-dessous donne les chiffres recueillis pour différentes années.
AnnéesHommes (chefs de ménage) Pêcheurs Serviteurs domestiques servantes Femmes (chefs de ménage, épouses) Enfants Nouveaux arrivants Ménages du gouverneur et du commissaire-ordonnateur Total - population civile Population militaire Population totale |
172069 372 -- -- -- 50 142 --
633 317 950 |
1724113 377 -- -- -- 84 239 --
813 430 1,243 |
1737163 250 229 -- -- 157 664 --
1,463 543 2,006 |
1752274 674 -- 366 71 299 776 200
2,690 1,250 3,940 |
Origines de la population
Il n'existe aucun document comme tel indiquant les origines des habitants de Louisbourg. On dispose cependant de bon nombre de données de recensements, mais seulement trois de ces derniers précisent l'origine des "habitants" de la ville et encore, ne sont inscrites que les dates de naissance des personnes considérées comme des "habitants", c'est-à-dire les chefs de ménage. Ainsi, les origines de la grande majorité de la population : les centaines de domestiques et de servantes, de pêcheurs et d'hommes de troupe, demeurent inconnues. Les recensements ne donnent pas non plus les dates de naissance des épouses, car seules les veuves et les femmes célibataires étaient considérées comme des chefs de ménage, et à ce titre devaient donner leur date de naissance.
Le premier recensement de la population de Louisbourg à indiquer le lieu de naissance fut celui de 1724 [note 3]. Pour cette année-là, les énumérateurs dénombrèrent 890 habitants civils permanents. Le nom et le lieu de naissance de 113 d'entre eux étaient indiqués [note 4]. Le recensement de 1726 évaluait la population civile de Louisbourg à 951 âmes, dont 153 étaient considérées comme des habitants et, à ce titre, avaient donc leur lieu de naissance précisé [note 5]. Huit ens plus tard, en 1734, la population de la ville était passée à 1 116 habitants; de ce nombre, 163 étaient identifiés par leur nom. Bien qu'on ne sache pas à combien d'habitants s'élevait la population civile de la ville en 1744, on estime qu'il y avait environ 2 000 hommes, femmes et enfants. Cette estimation se situe en gros entre le nombre d' habitants recensés en 1737, soit 1 463, et le nombre d'habitants recensés en 1752, soit 2 690 [note 6]. I1 ne faut pas oublier que ces chiffres n'englobent ni la population militaire ni les pêcheurs et autres travailleurs qui pouvaient habiter la ville en saison seulement.
Tableau 1 : Lieu de naissance des habitants de Louisbourg en 1724, en 1726 et en 1734.
1724
Normandie et |
1726
Normandie et Bretagne
: 20 % |
1734
Normandie et Bretagne
: 19,2 % |
Note : La plupart des habitants nés dans la région Normandie-Bretagne venaient de la baie de Saint-Malo. Le sud-ouest de la France s'entend surtout de la Gascogne et du Béarn, et le centre-ouest de la France du sud de la Bretagne, du Poitou, de l'Aunis, de l'Angoumois, de la Saintonge et de certaines parties de la Guyenne.
Bien que les recensements de 1724, de 1726 et de 1734 ne fournissent que des données incomplètes, ils donnent des renseignements intéressants sur le lieu de naissance des principaux groupes d' habitants de la ville, et ce sur une période de dix ans. Les données montrent en particulier que, à mesure qu'elle grandissait, la ville attirait des habitants-propriétaires, des marchands, des artisans, des cabaretiers, etc., venant de diverses régions de France, de la Nouvelle-France et même de pays étrangers. Même si aucun recensement ne peut appuyer cette affirmation, on peut avancer que dans les années 1740 et 1750, la population de Louisbourg se composait d'un nombre grandissant d'habitants nés dans la ville.
Les données du Tableau 1, très claires, méritent cependant quelques explications. Tout d'abord, presque tous les habitants venus du sud-ouest de la France étaient originaires du Pays Basque, région côtière à la frontière espagnole, et plus particulièrement des villes de Saint-Jean-de-Luz, Hendaye, Bayonne et Bidart. Ensuite, la moitié des habitants venus du centre-ouest de la France étaient originaires de grands centres urbains comme Bordeaux, Nantes, La Rochelle et Rochefort. L'autre moitié venait de villes plus petites et de villages du Poitou, de la Saintonge, de l'Armagnac et du Périgord. De plus, la majorité des habitants venus de l'île-de-France étaient originaires de Paris, ce qui n'a rien de surprenant. Presque tous les habitants venus de la région Bretagne-Normandie étaient originaires d'un village côtier, Saint-Malo étant le plus souvent cité.
Quant aux habitants venant de la Nouvelle-France, on dénombrait en 1734 à Louisbourg dix chefs de ménage nés en Acadie, dont huit de Plaisance et deux de l'Isle Royale. Les habitants venus d'autres régions de la France comprenaient les personnes venues d'autres régions ou villes de France, comme la Picardie, la Champagne, Lyon et Toulon. Limoges est la ville la plus souvent citée dans les trois recensements; il y eut en effet toujours à Louisbourg au moins six habitants originaires de cette ville. Enfin, pour le recensement de 1734, sont comptés dans la catégorie "Étranger" trois habitants venus de Suisse, deux habitants de Belgique, deux de Flandres et deux des états germaniques. I1 ne faut pas oublier que seuls les étrangers chefs de ménage indiquaient leur lieu de naissance et qu'il devait certainement y avoir d'autres étrangers parmi les soldats, les serviteurs, etc.
Comme les trois recensements n'indiquent que le lieu de naissance des personnes désignées comme "habitants", il faut s'appuyer sur d'autres sources pour en savoir davantage sur la population de Louisbourg. Ainsi, on peut lire sur une liste dressée en 1752, et sur laquelle sont inscrits 199 pecheurs de l' Isle Royale, que 48,7 % des pecheurs viennent du sud-ouest de la France, et plus particulièrement du Pays Basque, tandis que 37,6 % sont originaires de ports de Normandie et de Bretagne situés le long du golfe de Saint-Malo [note 7]. Lorsque l'on sait que pendant toute l'histoire de la colonie, la majorité des pêcheurs de l'Isle Royale et de Louisbourg venaient de ces deux régions relativement petites, on a de la population de la ville une idée complètement différente de celle que donnent les recensements.
Les registres de mariages sont une autre source possible de renseignements sur la population. En effet, pour chaque mariage, le prêtre devait écrire, entre autres informations, le lieu de naissance de chacun des futurs mariés. Ici, impossible de subsumer le lieu de naissance de l'épouse sous celui de son mari, comme dans les recensements du XVIIIe siècle. Par contre, ces registres ne donnent aucun renseignement sur les célibataires, ou sur les personnes déjà mariées, et qui viennent s' installer à Louisbourg. Autre point faible : une reprise sommaire de toutes les données recueillies sur les mariages pendant plusieurs dizaines d'années ne donne aucune idée précise de la population de la ville à une quelconque époque. I1 est cependant intéressant de comparer les origines des future mariés de Louisbourg avec les données des recensements présentées plus haut [note 8]. Voici les graphiques obtenus à l 'aide des tableaux dressés par Barbara Schmeieser.
Tableau 2 : Lieu de naissance des futurs mariés de Louisbourg de 1722 à 1745 et de 1749 à 1758
Futures mariées 1722 - 1745
Nouvelle-France :
83,6% |
Futures marieés 1749 - 1758
Nouvelle-France :
59,2% |
Futurs mariés 1722 - 1745
Nouvelle-France :
16,3% |
Futurs mariés 1749 - 1758
Nouvelle-France :
21,2% |
Les deux graphiques concernant le pourcentage des futures mariées diffèrent enormément des données de recensement portent sur les chefs de ménage à Louisbourg (voir Tableau 1). Contrairement aux hommes, les femmes étaient surtout originaires du Nouveau Monde. Afin de peupler la colonie, la plupart des filles qui y étaient nées étaient poussées à se marier très jeunes. Par contre, les graphiques des futurs mariés sont semblables à ceux des habitants, à une exception près : le pourcentage des futurs mariés originaires du centre-ouest de la France est inférieur, tandis que la proportion de futurs mariés venant d'autres régions de la France est supérieure.
Une étude des registres paroissiaux sur lesquels sont inscrits les mariages, les baptêmes et les enterrements qui ont eu lieu de 1722 à 1745 et de 1749 à 1753 permet de recueillir des renseignements sur le lieu de naissance et l'origine des civils habitant à Louisbourg.
Malheureusement, seuls les catholiques romains pratiquants qui étaient mariés à Louisbourg, y faisaient baptiser leurs enfants ou y étaient enterrés figuraient dans ces registres, alors qu'il n'existe aucune trace des nombreux autres habitants de la ville, ou des gens de passage. Quoi qu'il en soit, ces registres donnent une indication du nombre minimal de personnes d'origines diverses installées à Louisbourg. C'est ainsi que les registres révèlent que, par exemple, une poignée de protestants venant d'Angleterre, d'Irlande et d'Écosse se vent convertis au catholicisme. Ils indiquent également que des dizaines de Noirs, la plupart des adolescents, ont été baptisés, et ce pendant plusieurs décennies. En effet, des esclaves noirs des Antilles étaient amenés régulièrement dans la colonie; à moins qu'ils ne se marient ou fassent baptiser leurs enfants, les Noirs qui étaient déjà catholiques pratiquants n'avaient aucune raison de se faire inscrire dans les registres. I1 y eut même quelques Noirs affranchis à Louisbourg, du moins pendant les années 1750 [note 9]. C'est en 1753 que Jean-Baptiste Cupidon dut acheter sa liberté pour obtenir son affranchissement.
Parmi les esclaves de Louisbourg, qui étaient surtout des Noirs, on comptait quelques Amérindiens, surtout des Pawnee, identifiés comme "Panis" dans les registres [note 10]. Quant aux Mi'kmaqs, les autochtones de la région de l'Atlantique, ils restaient en général dans le sud de l'île et au bord des lacs du Bras d'Or, et se rendaient rarement à Louisbourg. Ils y venaient parfois, soit qu'un enfant autochtone se faisait baptiser, soit qu'une jeune Mi'kmaq devenait servante ou que leurs éclaireurs ou leurs chefs se rendaient à la ville [note 11].
Parmi les nombreuses minorités ethniques autres que les Français représentées à Louisbourg, les Irlandais catholiques formaient sans doute le groupe le mieux intégré à la société d'alors. Ils avaient en effet la même religion que les Français et manifestaient à l'égard des Anglais la même méfiance. Les registres paroissiaux de Louisbourg comptent de 40 à 50 noms irlandais qui appartenaient pour la plupart à des domestiques et des servantes, et à quelques artisans. I1 y a même des prêtres irlandais qui ont desservi l'Isle Royale [note 12]. En 1750, au moins huit families irlandaises quittèrent le bateau qui les transportait de Terre-Neuve à Halifax pour trouver refuge à Louisbourg, sans doute afin de pouvoir pratiquer leur religion en toute liberté - ils étaient catholiques romaine.
Louisbourg n'était pas habité que par des pêcheurs, des marchands, des commerçants et des domestiques. C'était aussi une place forte et une ville de garnison qui abritait une population militaire importante. En fonction de la période considérée, les soldats représentaient de un quart à la moitié de la population totale de la forteresse. Malheureusement, à part le fait qu'ils étaient recrutés en France, il est en général difficile de connaître leur lieu exact de naissance. Pour la période de 1720 à 1745, au cours de laquelle il y aurait eu plus de 1 000 hommen de troupe en poste à Louisbourg , Allan Greer a pu déterminer le lieu de naissance de 75 soldats des compagnies franches [note 13]. De ce nombre, trois hommes étaient nés ailleurs qu'en France, soit en Acadie, en Suisse et en Irlande.
Tableau 3 : Origines des soldats des compagnies franches de la marine, 1720-1745 1 homme né dans une paroisse rurale
x1 homme né dans un village ou une ville
Légende :
. soldat né dans une paroisse rurale
. soldat né dans une ville
La présence de quelques étrangers, en l' occurrence des Irlandais et des Suisses, aux côtés de ses sujets n'a rien de surprenant. Il était en effet normal au XVIIIe siècle de recruter des soldats partout et par tous les moyens, du moment que les hommes étaient de la taille voulue et en bonne santé. Il y avait donc beaucoup d'Ecossais et d'Irlandaie dans les rangs français; les Allemands étaient d'ailleurs plus nombreux dans les rangs britanniques. Le mot "mercenaire" n'avait pas encore à cette époque le sens péjoratif qu'il a aujourd'hui.
C'est ainsi que le régiment de Karrer, une unité suisse de mercenaires, servait le roi de France aux côtés de ses sujets à Louisbourg. Le régiment y était installé de 1722 à 1745, et pouvait alors compter jusqu'à 150 hommes, soit 20 % de toute la garnison. Les mercenaires du régiment étaient connus sous le nom de "Suisses", bien que bon nombre d'entre eux, et même la majorité, étaient en fait allemands. Ils étaient presque tous protestants [note 15]. La situation était quelque peu ironique : Louisbourg, bastion français catholique était défendue en partie par des Allemands et des Suisses protestants!
Lorsque l'Isle Royale passa aux mains des Français aux termes du traité d'Aix-la-Chapelle signé en 1748, le régiment de Karrer ne revint pas à Louisbourg l'année suivante. Cela ne voulait pas dire pour autant qu'il n'y avait plus de soldats étrangers dans la forteresse [note 16]. D'après la liste dressée en 1752, il y avait environ 1 000 soldats des compagnies franches en poste à cette date, dont 53 soldats étrangers, ce qui représentait 5 % de la population militaire totale. Voici les pays, les régions ou les villes où ces hommes sont nés :
Espagne
- 21 Catalogne - 1 Portugal - 1 Allemagne - 7 Prusse - 2 Autriche - 2 Brabant - 3 Flandres - 1 Hollande - 1 Suisse - 1 Savoie - 3 |
Irlande
- 1 Saxe - 1 Italie - 1 Piedmont - 2 Naples - 1 Gênes - 1 Hongrie - 1 Luxembourg - 1 Barbare (côte de Barbarie ?) - 1 |
Il semble que les soldats espagnols formaient une sous-culture au sein de la garnison en raison de leur grand nombre. De même, les hommes de troupe allemands étaient suffisamment nombreux pour communiquer entre eux dans leur langue maternelle et peut-être même ont-ils été en mesure de conserver certains traits de leur culture.
Il semble donc que la population militaire de Louisbourg se caractérise ainsi : une majorité constante de soldats français, avec, jusqu'en 1745, un fort pourcentage de soldats suisses et allemands (jusqu'à 20 %). Au début des années 1750, les soldats étrangers formaient 5 % de la population militaire.
Religion
Il ne fait pas de doute que Louisbourg était officiellement, et en grande majorité, une ville catholique romaine. En grande majorité, car la plupart de ses habitants embrassaient la foi catholique romaine. Officiellement, car à cette époque, le roi de France appuyait sans réserve l'église du pays, appelée église gallicane, et le clergé de son côté soutenait pleinement le souverain. C'est ce dernier qui nommait tous les évêques de France, y compris l'éveque de la Nouvelle-France, rémunérait leurs services et leur faisait prêter serment d'allégeance. Seules les cérémonies et les fêtes de la religion catholique romaine étaient autorisées. Qui plus est, seuls les catholiques pratiquants pouvaient assumer des fonctions publiques [note 17]. Guy Frégault, historien, a ainsi résumé l' association de l'état et du clergé : "Les dirigeants de l'État étaient catholiques, et les ecclésiastiques de l'église servaient l'État. (traduction libre)".
Bien que la plupart des habitants de Louisbourg étaient catholiques romains, pratiquants ou non, il y avait des exceptions, et notamment des soldats allemands et suisses du régiment de Karrer, qui étaient protestants. On ne connaît pas leur nombre exact mais ils étaient suffisamment nombreux pour causer quelques problèmes au sein d'une ville à majorité catholique. En 1724, Saint-Ovide, alors gouverneur, prévint le ministre de la Marine que les Mi'kmaqs, alliés de la France, considéraient les troupes protestantes comme «suspectes» [note 18]. Trois ans plus tard, le gouverneur se plaignit que les officiers du régiment de Karrer avaient refusé de participer avec leurs soldats à la procession de la Fête-Dieu qui se déroula dans la ville.
Outre les soldats du régiment de Karrer, il y eut quelques autres protestants à Louisbourg, originaires d'Angleterre, d'Écosse et de Nouvelle-Angleterre, et dont les noms ont été portés dans les registres de baptême au moment de leur conversion au catholicisme [note 19]. I1 est même fait mention dans les registres de la conversion d'une personne de religion juive.
La langue
Le francais était bien entendu la langue dominante dans la ville, mais on y parlait aussi le basque, le breton, l'allemand, le suisse allemand, l'espagnol, l'anglais, l'irlandais et parfois le Mi'kmaq [note 20]. À de rares occasions, on pouvait aussi y entendre le provençal, le néerlandais, l'italien et le portugais.
Les Basques, qui représentaient plusieurs centaines de pêcheurs et quelques marchands, formaient la plus importante communauté de langue autre que le français. D'ailleurs, ils demandèrent à plusieurs reprises, mais en vain, aux frères Récollets, qui desservaient Louisbourg, de faire venir du sud-ouest de la France un prêtre capable de s'exprimer en basque [note 21]. Lorsque des Basques unilingues devaient témoigner devant le tribunal, il fallait faire appel à des interprètes.
Il est impossible de savoir combien de Bretons parlaient en fait le breton, langue celtique apparemment plus proche du gallois que toute autre langue, car il n'existe aucun document mentionnant que ce groupe revendiquait le droit de parler sa langue. C'est sans doute parce que la plupart des Bretons parlaient aussi français, et que tous les prêtres de la paroisse étaient originaires de Bretagne.
Les communautés allemandes et suisses se composaient surtout de soldats, accompagnés parfois de leurs épouses. Les Allemands furent particulièrement nombreux pendant les années 1740, au cours desquelles le régiment de Karrer comptait quelque 150 soldats de cette nationalité. Dans les années 1750, la présence allemande, quoique moins importante, se maintint dans l'île [note 22]. I1 y eut même à cette époque le "village des Allemands", qui fut établi le long de la rivière Mira par des catholiques allemands qui avaient quitté Lunenburg, le nouvel établissement situé dans la partie continentale de la Nouvelle-Écosse.
On ne parla vraiment espagnol à Louisbourg que pendant les années 1750, période où la garnison comptait 21 soldats espagnols. Quant aux autres langues mentionnées, elles n'étaient que rarement utilisées.
Conclusion
Les Français catholiques romains mis à part, qui étaient les habitants de Louisbourg?
La population de Louisbourg se composait d'hommes, de femmes et d'enfants, les hommes étant beaucoup plus nombreux que les femmes. Les pêcheurs venaient soit des côtes de Normandie et de Bretagne, plus particulièrement du golfe de Saint-Malo, soit du Pays Basque, dans le sud-ouest de la France. Les données des divers recensements portent sur les chefs de ménage révèlent que 80 % des habitants de Louisbourg étaient nés en France. Par contre, la grande majorité des futurs mariés étaient nés dans la colonie (Plaisance, Canada, Acadie ou Isle Royale). I1 y avait aussi quelques centaines de Basques et d'Allemands, quelques dizaines d'Irlandais et peut-être un nombre égal d'habitants originaires d'Afrique et une poignée d'Espagnols, d'Anglais et d'Écossais. Les habitants de Louisbourg étaient en grande majorité catholiques romains bien que dans les années 1730 et 1740, on comptait un certain nombre de protestants appartenant au régiment de Karrer. Quant aux langues parlées, bon nombre de pêcheurs parlaient le basque, et d'autres devaient sans doute s'exprimer en breton. Pendant les années 1730 et 1740, il y avait un grand nombre d'Allemands et de Suisses parmi les soldats. Dans les années 1750, l'Espagnol était certainement la langue seconde la plus parlée dans la garnison.
Somme toute, le Louisbourg du XVIIIe siècle, place forte française et ville portuaire, abritait une population formée de nombreuses minorités, qu'il s'agisse de minorités ethniques, religieuses ou linguistiques.
Notes :
1. A.J.B. Johnston, Religion in Life at Louisbourg 1713-1758 (Kingston and Montreal, 1984), 5.
2. Ibid., p.122-4; pour connaître les chiffres portent sur les autres régions de la Nouvelle-France, voir : Hubert Charbonneau, Vie et mort de nos ancêtres : Étude démographique (Montréal, 1975) 158-64; Gisa Hynes, "Some aspects of the Demography of Port Royal), 1650-1755," Acadiensis, 3, no. 1 (Automne 1973): 3-17.
3. Archives Nationales (Paris), Outre Mer, Gl, 466, pièce 67, Recensement ... 1724.
4. Ibib., pièce 68, Recensement 1726.
5. Ibid., pièce 69, Recensement 1734.
6. J.S. McLennan, Louisbourg from its foundation to its fall, 1713-1758 (London: MacMillan, 1913), Appendix III, 371-2.
7. B.A. Balcom, The Cod Fisherv of Isle Rovale 1713-1758, (Ottawa, 1984), 55-6; A.J.B. Johnston, "The Fishermen of Eighteenth-Century Cape Breton: Numbers and Origins" Nova Scotia Historical Review Vol. 9, No. 1 (1989), 62-72.
8. Barbara Schmeisser, The Population of Louisbourg, 1713-1758. (Ottawa : Parcs Canada, 1976) passim.
9. A.N., Outre Mer, G3, 2041-suite, pièce 78, ler mars 1753.
10. Voici d'autres ouvrages pourtant sur l'eaclavage des Amérindiens : Barbara Olexer, TheEnslavement of the American Indian; et J.C. Hamilton, "The Panis - Canadian Indian Slavery," Proceedings of the Canadian Institute New Series, No. l (Févr. 1987) Vol. 1, Part 1, 19-27.
11. Johnston, Religion in Life ...,8-9.
12. Ibid., 8; A.A. MacKenzie, The Irish in Cape Breton (Antigonish, 1979).
13. Allan Greer, The Soldiers of Isle Royale, 1720-1745 History and Archaeology No 28 (Ottawa, 1979), 30-1.
14. Ibid., 13-23; voir également Margaret Fortier, The Ile Royale Garrison 1713-1745. Rapport sur microfiches (Ottawa, 1981).
15. Cette "ironie" semblait ennuyer les Mi'kmaqs, alliés des Français. Voir Johnston, Religion in Life ..., 7-8.
16. La liste des troupes en question est en fait le "Signalement général des troupes ..." établi par Michel Le Courtois de Surlaville. Archives nationales du Canada, MG18, F30, Dossier 1.
17. Guy Frégault, Le XVIIIe siècle canadien : Études (Montréal, 1968), 148.
18. Johnston, Religion in Life ..., 8.
19. Gaston du Boscq de Beaumont éd., Les derniers jours de l'Acadie (1748-1758) Correspondance et mémoires (Genève, 1975), 63.
20. Christopher Moore, "Harbour Life and Quay Activities", dans Street Life and Public Activities in Louisbourg: Four Studies for Animators. Rapport manuscript n 317. (Ottawa, 1977)
21. Johnston, Religion in Life..., 47-8.
22. W.P. Bell, The "Foreign Protestants" and the Settlement of Nova Scotia. The Historv of a Piece of Arrested British Policy in the Eighteenth Century (Toronto 1961), 375-77.
En règle générale, on retient surtout l' aspect temporel de l'histoire de Louisbourg au XVIIIe siècle. Les images de forteresse, de garnison, de port de guerre, de port de pêche ou de centre de commerce et de tranabordement actif viennent naturellement à l'esprit. Il est beaucoup plus rare qu'on pense à la vie religieuse de Louisbourg, collectivité qui comptait plusieurs chapelles, trois groupes religieux passablement différents et plusieurs milliers d'habitants, chacun ayant ses propres besoins d'ordre spirituel. Depuis les prières courantes jusqu'aux questions fondamentales sur la signification de la vie et sur le salut, la vie de la population de Louisbourg était dans une large mesure faconnée et réglée par la foi catholique romaine.
Les religieux
(i) Les Récollets de Bretagne
Le bien-être spirituel de la population de Louisbourg était entre le mains des frères Récollets. Depuis la fondation de la ville, en 1713, jusqu'à sa chute finale en 1758, les Récollets servirent la collectivité de Louisbourg à titre de curés et d'aumôniers. Dans les deux cas, ils poursuivaient le même objectif : diriger le comportement et la conscience de leurs ouailles pour les amener à un comportement moralement acceptable dans ce monde et au salut dans l'autre.
Au cours des années 1740, on trouvait habituellement quatre Récollets à Louisbourg, soit un curé et trois aumôniers, l'un affecté aux hommes de troupe dans la caserne, un autre, aux malades à l'hôpital et le troisième au détachement posté à la batterie Royale. L'histoire des Récollets commence au XVIe siècle, lorsqu'ils formèrent une branche distincte de l'ordre des Franciscains, l'Ordre des Frères Mineurs. C'étaient des mendiants qui modelaient leur vie aussi exactement que possible sur celle du fondateur de l'ordre, Saint-François d'Assise, qui vécut au XIIIe siècle.
Le nom même de Récollet vient de leur volonté de retrouver l'esprit franciscain des origines. À l'époque de la fondation de l'Isle Royale, les couvents des Récollets en France étaient groupés en unités administratives appelées provinces, chacune ayant son propre supérieur appelé ministre provincial.
Jusqu'en 1731, deux ministres provinciaux s'occupaient de l'Isle Royale, celui des Récollets de Paris et celui des Récollets de Bretagne. Par suite d'une décision prise en 1717, on confia aux Récollets de Paris Port Dauphin (Englishtown) et Port Toulouse (St. Peter's), tandis que les Récollets de Bretagne fournissaient des curés et des aumôniers à Louisbourg et aux avant-postes avoisinants. Les Récollets de Paris quittèrent la colonie en 1731 et leurs concurrents de la province de Bretagne assumèrent la responsabilité de toutes les paroisses de l'île.
(ii) Les Frères de la Charité
Au XVIIIe siècle, les oeuvres de charité, l' instruction des jeunes et le soin des malades et des infirmes étaient en général laissés à l'Église. Avec sa population nombreuse, Louisbourg avait naturellement besoin de services d'assistance publique. L'une des premières nécessités était d' assurer des soins hospitaliers convenables aux résidents et à la population de passage. À Louisbourg, le ministre de la Marine avait décidé de confier cette importante responsabilité à un ordre hospitalier renommé, les Frères de la Charité de l'Ordre de Saint-Jean-de-Dieu.
Les Frères de la Charité étaient des mendiants qui se consacraient au soin des malades et des infirmes. Fondé en Espagne au milieu du XVIe siècle par Saint-Jean-de-Dieu, l'ordre se répandit en France et en Italie au XVIIe et au XVIIIe siècle. Chaque frère faisait quatre voeux : pauvreté, chasteté, obéissance et hospitalité. Leurs contemporains les considéraient dans l 'ensemble comme consciencieux et habiles. À Louisbourg, les Frères de la Charité administrèrent d'abord un hôpital rudimentaire sur la rive nord du port. Lorsque l'hôpital du Roi, plus grand et mieux équipé, fut achevé dans un îlot central de la ville en 1730, les Frères y emménagèrent et l'ouvrirent au public. L' administration de cet hôpital de 100 lits, auquel attenaient une boutique d'apothicaire, une boulangerie, une chapelle, une cuisine, une buanderie et une morgue, pouvait être à la fois complexe et exigeante. Les travaux quotidiens étaient exécutés par plusieurs frères, leurs serviteurs et leurs esclaves. Au cours des années 1740, on trouvait généralement à Louisbourg cinq Frères de la Charité : le supérieur, un médecin, un dépensier, un infirmier et un sacristain.
(iii) Les Soeurs de la Congrégation de Notre-Dame
Le troisième groupe religieux à desservir Louisbourg était la Congrégation de Notre-Dame. Les soeurs arrivèrent plus d'une décennie après les Récollets et les Frères de la Charité et elles ne venaient pas de France, mais du Canada. Fondé par Marguerite Bourgeoys au XVIIe siècle, l'ordre des Soeurs de la Congrégation de Notre-Dame était composé de soeurs non cloîtrées qui faisaient voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, tout en se consacrant à l' instruction des jeunes filles. En 1731, les soeurs étaient réparties dans 12 missions différentes en Nouvelle-France, outre la maison-mère de Montréal.
La première soeur, Soeur de la Conception, arrive à Louisbourg en 1727, à la demande de l'évêque de Québec mais contre l'avis de la supérieure de la Congrégation. Six ans plus tard, elle fut rappelée à la maisonmère et remplacée par trois nouvelles soeurs. Deux autres soeurs et une novice vinrent rejoindre ces dernières en 1734. Deux soeurs retournèrent au Canada à la fin de 1744 et une autre mourut en 1745.
Jusqu'à la fermeture de la mission, Louisbourg était desservi, bon an, mal an, par trois Soeurs de la Congrégation.
Durant la majeure partie de leur séjour à Louisbourg, de 1727 à 1745 et de 1749 à 1758, les Soeurs de la Congrégation connurent de graves difficultés financières, qui leur venaient dans une large mesure de l'achat d'une propriété excessivement coûteuse dans l'îlot 20. Les difficultés financières et la pure malchance se liguèrent pour faire du séjour des soeurs à l' Isle Royale une chronique de malheurs autant que de réussites.
C'est de 1742 à 1744 que la mission connut ses meilleures années à Louisbourg. En comparaison avec les difficultés que les soeurs avaient connues dans les années 1730 et qui seraient de nouveau leur lot dans les années 1750, les conditions de vie au cours de cette brève période étaient presque idéales. La communauté comptait six soeurs, sa vaste maison de l'îlot 20 était pratiquement payée, si elle ne l'était déjà, et elle touchait une rente de 1 600 livres par année prélevée à même la succession de feu le gouverneur de Forant.
Les jeunes filles auxquelles les Soeurs de la Congrégation enseignaient étaient de deux catégories s les pensionnaires et les externes. Les deux groupes coexistaient à Louisbourg, les externes étant apparemment très supérieures en nombre à celles qui logeaient dans les chambres très modestes de la résidence de l'îlot 20. Les soeurs procédaient sensiblement de la même manière avec les deux groupes d'élèves, faisant alterner les séances de lecture et d'écriture avec les périodes d'étude ou de travail manuel. Mais quelle que fut l'activité en cours, elle se caractérisait toujours par l' importance de son contenu religieux.
Le calendrier religieux
Partie intégrante du diocèse de Québec, la colonie de l'Isle Royale devait suivre, jusqu'en 1745, le calendrier religieux établi par Monseigneur de Saint-Vallier en 1694. Ce calendrier comptait 37 jours d'obligation, qui, tous, dans l 'esprit de l'évêque, devaient être consacrés à la messe, à la prière et aux dévotions. Avec les 52 dimanches qui s'ajoutaient aux jours chômés, il y avait, en théorie, un quart de l'année consacré à la dévotion plutôt qu'au travail et autres activités temporelles. Conscient du fait que la prospérité de l'Isle Royale reposait en grande partie sur la pêche, Monseigneur de Saint-Vallier autorisa, en 1716, les manquements à l 'observation du calendrier diocésain durant les mois où l'activité de pêche atteignait son sommet. L'évêque donna aux hommes qui partaient en mer, mais non pas à ceux qui travaillaient à terre, la permission de travailler certains jours de fête de juin, juillet et août. Les autres jours fériés, considérés plus importants, la pêche était aussi permise, mais les hommes étaient tenus d'assister à la messe avant de prendre la mer.
On observa des années plus tard une préoccupation semblable pour les exigences pratiques de la vie dans une nouvelle colonie; il s'agissait cette fois des travaux sur les fortifications. La saison de construction à l'Isle Royale était déjà passablement courte, de sorte que lorsque les dignitaires locaux étaient pressés de faire avancer les travaux, ils ordonnaient que ceux-ci se poursuivent les dimanches et jours de fêtes. Aucun indice ne permet de conclure que l'évêque connaissait ou ignorait ces manquements, mais il est probable que, dans le premier cas, il aurait compris et approuvé la chose.
Aspect institutionnel de l'Église
Si importante que fut la religion sur le plan personnel et social, l'Église, considérée sous son aspect institutionnel, avait peu d' influence sur la société de l'Isle Royale. Là, la situation était passablement différente de celle qui régnait au Canada, et à Québec en particulier.
Ainsi, contrairement à ce qui se passait au Canada, le Conseil supérieur ne comptait aucun représentant du clergé. Deuxièmement, il n'y avait aucune église d'importance dans la capitale coloniale, Louisbourg. I1 avait été proposé d'en construire une en 1720, mais le projet n'eut aucune suite. Les constructions les plus grosses et les plus intéressantes du point de vue architectural appartenaient au Roi et avaient une vocation toute temporelle. L'église paroissiale de la ville fut toujours installée dans de modestes chapelles : d'abord celle des Récollets, la chapelle de Sainte-Claire, puis dans la chapelle de Saint-Louis, dans la caserne. Troisièmement, la population de l'Isle Royale ne devait payer aucune dîme obligatoire. En France, celle-ci s'établissait à 1/12 ou à 1/13 du revenu; au Canada, elle était de 1/26; mais à Louisbourg, les contributions versées à l'église étaient strictement volontaires. Enfin, quatrièmement, aucun évêque du diocèse de Québec ne mit jamais les pieds à l'Isle Royale. L'évêque nommait plutôt des religieux de l'Isle au poste de grand-vicaire.
ADMINISTRATION DE L'ISLE ROYALE
Au XVIIIe siacle, la France possédait un immense empire s'étendant à l'Amérique du Nord et du Sud, à l'Afrique, aux Indes, ainsi qu'aux Indes Occidentales et Orientales. Ces colonies, de même que la Marine française, relevaient du ministre de la Marine. Voici une liste partielle des ministres de la Marine en France.
1669-1683 - Jean-Baptiste Colbert, premier ministre de la Marine
1699-1715 - Jérôme Phélypeaux, comte de Pontchartrain
1715-1718 - Conseil de Marine
1718-1722 - Joseph T.B. Fleuriau, comte d'Armenonville
1722-1723 - Charles Jean-Baptiste Fleuriau d'Armenonville, comte de Morville
1723-1749 - Jean Frédéric Phélypeaux, comte de Maurepas
1749-1754 - Antoine-Louis Rouillé, comte de Jouy
1754-1757 - Jean-Baptiste de Machault d'Arnouville
1757 - François-Marie de Moras
1757-1758 - Claude-Louis, marquis de Massiac
Techniquement, la colonie de l'Isle Royale, comprenant à la fois l'Isle Royale et l'Isle Saint-Jean, faisait partie d'un ensemble plus vaste, la colonie de la Nouvelle-France. En théorie, done, l'Isle Royale se trouvait sous la juridiction du gouverneur général et de l' intendant de la Nouvelle-France qui résidaient tous deux à Québec. En pratique cependant, l'Isle Royale était trop éloignée de Québec pour qu'il soit possible de l'administrer efficacement de cet endroit. Les représentants du Roi dans la colonie correspondaient donc directement avec le ministre de la Marine pour toutes les questions importantes, y compris pour faire approuver des projets de fortifications ou des budgets.
Fonctionnaires royaux à Louisbourg
Les deux principaux fonctionnaires de l'Isle Royale étaient le gouverneur et le commissaire-ordonnateur, chargés d'administrer la colonie. Voici quels étaient leur rôle, leurs responsabilités et leur position respective dans la société de Louisbourg.
GOUVERNEUR
- représentant du
roi dans la colonie; place d'honneur à l'église, pendant les cérémonies ou les
processions; anniversaire célébré, etc. |
COMMISSAIRE
|
1714-1717 Philippe
Pasteur de Costebelle
1717-1739 Joseph de Monbeton de Brouillan, dit Saint-Ovide
1739-1740 Isaac-Louis de Forant
1740-1744 Jean-Baptiste Louis Le Prévost Duquesnel
1745 Antoine le Moyne de Châteauguav
1749-1751 Charles Desherbiers, Sieur de Ralière
1751-1754 Jean-Louis, comte de Raymond et seigneur d'Oye
1754-1758 Chevalier Jean-Louis Augustin de Boschenry de Drucour
- 1714 - 1718
Pierre-Auguste de Soubras
- 1718 - 1733 Jacques-Ange Lenormant de Mésy
- 1733 - 1739 Sébastien-François Ange Lenormant de Mésy
- 1739 - 1748 François Bigot
- 1749 - 1758 Jacques Prévost la Croix
Les gouverneurs et les commissaires-ordonnateurs de l'Isle Royale remplissaient leur mandat avec l'aide de nombreux fonctionnaires subalternes. L'état-major et les capitaines des diverses compagnies de la garrison étaient chargés des affaires militaires (v. Louisbourg, la forteresse). Au-dessous du commissaire-ordonnateur se trouvaient les nombreux commis et rédacteurs qui s'occupaient de sa correspondance officielle, du budget de la colonie, de l'entrepôt du Roi, ainsi que divers bureaux s' occupant de l'approvisionnement.
Vers 1740, Louisbourg avait quatre cours de justice, deux pour juger les causes civiles et criminelles, une pour les affaires de la Marine et une quatrième pour les questions militaires.
Droit civil et criminel: Les premières années de son histoire, Louisbourg ne possédait pas de système judiciaire organisé. Toutefois, lorsque la ville fut choisie comme capitale de la colonie en 1717, le ministre de la Marine y pourvut rapidement.
La première cour fut créée en 1717 et portait le nom de Conseil supérieur.
Conseil
- le conseil fut pendant 17 ans la seule cour supérieur civile et criminelle de la ville;
- avec la création du Bailliage en 1734, le Conseil supérieur devint une cour d'appel ou tribunal supérieur;
- à partir de 1727, le Conseil tint ses audiences au rez-de chaussée de la caserne du bastion du Roi; - membres du Conseil supérieur : gouverneur-général (jamais présent), intendant (jamais présent), commissaire ordonnateur (président de la séance, chargé de faire le résumé des débats), gouverneur, lieutenant du roi et quatreconseillers (habituellement de riches marchands et des hauts fonctionnaires royaux);
- assistaient également aux audiences un procureur, un clerc et un huissier;
- les audiences avaient lieu le samedi matin et se poursuivaient au besoin l'après-midi.
Dans les années 1720 et 1730, à mesure que Louisbourg grandissait, il devint évident qu'il fallait instituer une deuxième cour pour juger les affaires civiles et criminelles courantes et pour servir de première instance dans les cas graves. On créa donc le Bailliage.
Bailliage
- créé en 1734;
- chargé des affaires civiles et criminelles;
- cour de première instance, dont le jugement pouvait être présenté en appel au Conseil supérieur; évidemment, tous les jugements du Bailliage ne faisaient pas l'objet d'un appel au Conseil;
- le Bailliage s'occupait également des affaires courantes comme l'enregistrement des testaments, les inventaires après décès, etc.;
- Joseph Lartigue fut juge du Bailliage de 1734 à sa mort en 1743;
- les audiences avaient habituellement lieu dans la demeure du juge;
- Michel Hertel de Cournoyer succéda à Lartigue;
- en plus du juge, la cour employait un procureur, un clerc et un huissier.
Droit maritime
Louisbourg étant un important centre de pêche et de commerce, il y fallait une cour chargée de veiller à l'application des lois et ordonnances régissant le commerce, la pêche et la navigation. Cette cour s'appelait l'Amirauté.
Amirauté
- établie en 1717;
- subordonnée à l'Amiral de France et non au Roi comme le Conseil supérieur et le Bailliage;
- en plus de s'occuper des questions de droit maritime, l'Amirauté enregistrait le nombre des bâtiments construits et vendus dans la colonie, délivrait des permis et émettait des ordonnances;
- les audiences avaient lieu le mercredi et le samedi dans la demeure du président;
- dans les années 1740, le juge de l'Amirauté était Louis Levasseur domicilié au lot A de l'îlot 23. Il portait le titre de lieutenant-général.
- la cour employait également un procureur, un clerc et un huissier.
Droit militaire
La justice militaire procédait surtout par voie sommaire. Par exemple, le soldat qui causait du grabuge à la caserne était simplement puni sans passer en jugement. Selon la nature de l' infection et selon que le coupable en était à sa première, sa deuxième ou sa troisième offense, la punition pouvait varier de l'emprisonnement pendant quelques jours à une punition corporelle quelconque, comme le chevalet, administrée en public.
Les crimes comme la désertion ou la trahison étaient par contre portés devant un Conseil de guerre.
Conseil de guerre
- pas de séances régulières; le Conseil se réunissait en cas de crime militaire grave;
- les membres réguliers du Conseil de guerre étaient le gouverneur, le commissaire-ordonnateur et le lieutenant du roi; quatre autres juges étaient choisis parmi les officiers supérieurs de la garnison;
- le major de place faisait office de procureur; dans les années 1740, ce poste était occupé par Jean-François Eurry de la Pérelle, domicilié dans l'îlot 17.
- les soldats du régiment de Karrer ne passaient pas en Conseil de guerre; aux termes du contrat du colonel Karrer, les soldats auisses devaient être jugés par leurs propres officiers seulement;
- les soldats reconnus coupables par le Conseil de guerre étaient ordinairement exécutés, condamnés aux galères à vie ou graciés. La grâce n'était généralement accordée que lorsqu'un certain nombre de soldats étaient impliqués dans l'affaire, par exemple si huit à dix hommes désertaient en même temps. Certains étaient alors exécutés pour l'exemple, alors que les autres étaient graciés.
Pour clore ce chapitre sur la justice à Louisbourg, nous aborderons maintenant la torture et les exécutions.
Exécutions et tortures
À différentes époques, il y eut à Louisbourg un questionnaire et un exécuteur des hautes oeuvres. En d'autres temps, cependant, on n'y trouvait que l'un ou l'autre.
Le questionnaire avait pour tâche de recueillir les aveux de l'accusé et d'obtenir des renseignements sur ses complices éventuels. S'il recourait à la torture pour ce faire, il devait théoriquement procéder selon des règles strictes, en utilisant par exemple un tisonnier rougi.
Évidemment, on courait le risque qu'un innocent confesse un crime qu'il n'avait pas commis afin d'éviter la question ou qu'un coupable ayant supporté la douleur continue de proclamer son innocence. Conscients de ce danger, les représentants de la justice du XVIIIe siècle recommandaient d'éviter la torture à moins que la culpabilité de l'accusé ne fasse aucun doute.
Une fois reconnu coupable, l'accusé recevait sa sentence. Il pouvait, par exemple, être exécuté après avoir fait des aveux publics, être banni de la colonie, envoyé aux galères ou marqué au fer sur la main ou sur l'épaule.
Toutes les sentences étaient exécutées sur la place publique, car on considérait à l'époque que le châtiment sévère d'un voleur ou d'un meurtrier pouvait dissuader certains de se lancer dans la voie du crime.
Les personnes qui visitent la forteresse de Louisbourg font souvent des réflexions sur son caractère européen et sur le fait que beaucoup des bâtiments qui s'y trouvent semblent avoir été transplantés directement de France. Le contenu de cette section devrait vous aider à répondre aux questions des touristes concernant le tracé de la ville et les bâtiments qui s'y trouvent.
Louisbourg, ville aménagée:
En 1713, à leur arrivée à Louisbourg, alors appelé Havre à l'Anglois, les premiers colons furent laissés libres de s'établir où ils voulaient le long de la rive. Avec le bois qu'ils trouvaient sur place et d'autres matériaux, ils construisirent des maisons et des bâtiments en piquets, c'est-à-dire en poutres debout très rapprochées, cette technique de construction simple et rapide étant très courante à Plaisance.
Lorsque Louisbourg fut choisi comme centre administratif de l'Isle Royale, on mit un frein au développement anarchique de la ville et on prépara un plan détaillé prévoyant 45 îlots d'habitation. Pour réaliser ce plan, on dut déloger certains des premiers habitants qui s'étaient installés le long des quais. La plupart n'eurent guère à souffrir du procédé, car on leur octroya un plus grand lot pour compenser les frais et le dérangement occasionnés par le déménagement. On fit cependant des exceptions pour permettre à certains de demeurer à l'écart des quadrilatères, comme dans le cas de Joseph Lartigue, dont la demeure se trouve à l'extérieur de l'lot nº 1, et des propriétaires des terres de l'Isle du Quay et de la Presqu'Île du Quay.
Le plan d'urbanisme de Louisbourg peut se résumer comme suit :
- à l'origine, on prévoyait 45 îlots d'habitation, plus les exceptions dont nous avons déjà parlé;
- onze de ces 45 îlots furent ensuite supprimés lorsqu'on décida de poursuivre la construction des fortifications tout autour de la ville; à l'origine, ces îlots devaient s'étendre au-delà de la pointe Rochefort;
- la ville n'avait pas de plans de zonage comme on l'entend aujourd'hui, mais certains bâtiments connexes étaient regroupés. On trouvait par exemple un grand nombre d'entrepôts, d'auberges et de tavernes le long des quais et l'îlot n 1 se composait uniquement des bâtiments royaux. Cependant, la plupart des autres îlots renfermaient un mélange de boutiques, de maisons d'habitation et d'entrepots;
- dans la plupart des cas, la façade des bâtiments donnait directement sur la rue. Les cours étaient situées à l'arrière;
- les emplacements réservés à la construction, la hauteur des enseignes et autres questions étaient assujettis à des ordonnances et à la Coutume de Paris.
- on trouvait des pavés le long de certaines rues afin de faciliter l'écoulement des eaux. Certains des pavés originaux sont aujourd'hui visibles dans la partie reconstituée de la ville;
- la rue de Toulouse était la rue principale de la ville et la plus large de toutes.
Les bâtiments
Les bâtiments du Louisbourg du XVIIIe siècle sont de deux types : ceux qui ont été construits aux frais du Roi et ceux qui ont été construits par des particuliers. En général, les bâtiments royaux étaient plus importants et coûtaient plus cher que les habitations privées. On y trouvait des murs en moëllons bruts, des toits en ardoise, des fleurs de lis ornementales, des pierres d'angles et des bordures en pierre. Les résidences privées et les entrepôts étaient nettement moins imposants et bien souvent bâtis sans plan. On cherchait d'abord à s'y abriter des éléments. Toutefois, les plus riches bâtissaient également en fonction de leur position sociale, afin de préserver leur intimité et d'assurer leur sécurité.
Les gens qui visitent les bâtiments reconstitués sont souvent frappés par la variété des styles et par la différence qui existe entre les constructions du XVIIIe siècle et celles d'aujourd'hui. Les pages suivantes contiennent un résumé des principaux points que vous devez connaître en la matière.
(i) Modes de construction
- poutres debout placées dans des foseés ou enfoncées dans le sol et réunies au moyen de liens;
- l'espace entre les poutres était rempli de mousse, d'argile, de terre ou de paille; souvent, les murs étaient ensuite revêtus d'un crépi composé de chaux et de sable;
- exemples : la maison Fauxbourg, l'entrepôt Rodrigue, la maison de Gannes (où les piquets sont recouverts de planches).
- utilisation de bois de dimensions ou de bois dédoublé pour créer des bâtiments aux murs fortement charpentés dont les plèces de bois, à la verticale et à l'horizontale, étaient liées à l'aide de chevilles de bois;
- l'ossature en bois était habituellement montée sur des fondations;
- l'espace entre les poutres était comblé à l'aide de piquets ou de moëllons bruts;
- exemples : les maisons Lartigue, Rodrigue et Carrerot et l'Epée royale.
- moëllons bruts sur des fondations;
- en raison du coût élevé, il y avait relativement peu de maisons ou d'entrepôts privés en pierre. Les représentants du Roi, en revanche préféraient les bâtiments en pierre;
- exemples : le magasin général, la maison de l'ingénieur, la boulangerie;
- les fondations étaient généralement peu profondes et n'avaient souvent que trois pieds;
- en moyenne, les murs avaient deux pieds d'épaiaseur à la base et s'amincissaient vers le haut.
(ii) Mortier
Fabrication
- le principal matériau utilisé était la pierre à chaux provenant des carrières de Port Dauphin (Englishtown), Mira et Sydney;
- la pierre était broyée et calcinée dans un four à chaux comme celui qui se trouve près de la maison Lartigue. On obtenait ainsi de la chaux vive;
- on a joutait ensuite de l'eau à la chaux dans des puits d'extinction afin d'obtenir de la chaux éteinte, qu'on laissait alors reposer dans un autre puits pour obtenir finalement de la pate de chaux;
- pour faire le mortier, on mélangeait une partie de chaux avec deux parties de sable prélevé sur la plage.
Problèmes
-la pierre calcaire locale contenait des traces de grès, ce qui appauvrissait le mortier qu'on en tirait,
- on laisasit du sel marin dans le sable, aussi le mortier était-il plus sujet à craquer au moment du dégel que la normale;
- en raison des problèmes qu'entraînait l'emploi du mortier, on utilisait un revetement de bois (planches et madriers horizontaux employés comme parement à clin) pour protéger certains murs et édifices de maçonnerie, comme par exemple le long des quais.
(iii) Peinture
- on utilisait principalement trois sortes de peinture au XVIIIe siècle : la peinture à base d'argile, d'huile ou d'eau;
- les peintures à base d'argile utilisaient l'ocre comme pigment et offraient un éventail de couleurs du jaune au brun rouge selon leur teneur en oxyde de fer;
- les peintures à base d'huile, comme l'huile de lin et le blanc de céruse, étaient couramment utilisées pour peindre l'extérieur des bâtiments;
- le fait de chaux était l'une des principales peintures à base d'eau;
- la seule maison privée qui ait été peinte est la maison Duhaget; on ignore toutefois si tout le bâtiment était peint ou s'il s'agissait seulement des cadres de portes et de fenêtres;
- les bâtiments que nous avons reconstruits ont été enduits des trois sortes de peinture.
- les portes s'ouvraient généralement vers l'intérieur;
- les portes à emboîture comprenaient des rainures et des languettes en bois mou retenues par des emboîtures horizontales en bois franc au haut et au bas et assemblées au moyen de mortaises et de tenons;
- les portes à tasseaux étaient moins chères et comprenaient des fonds de clouage horizontaux cloués au haut et au bas de la porte, avec parfois un troisième fond entre eux pour plus de solidité;
- au XVIIIe siècle, les planches et les madriers étaient produits sur place ou importés de Nouvelle-Angleterre;
- après 1749, on trouve quelques scieries dans la région, dont deux sur la rivière Mira;
- pour la reconstitution, nous avons acheté les rainures et les languettes au Québec et en Nouvelle-Écosse.
(v) Volets
- utilisés à des fins de sécurité;
- permettaient également aux gens de s'isoler et de préserver leur intimité;
- les fenêtres françaises à battant étaient très populaires; ces fenêtres s'ouvraient de l'intérieur et descendaient parfois presque jusqu'au plancher (maisons Carrerot et de la Plagne);
- on utilisait aussi des fenêtres de style anglais à guillotine qui s'ouvraient vers le haut (maison de la Pérelle);
- au XVIIIe siècle, les cadres de fenêtre étaient fabriqués à Louisbourg;
- les dimensions dea vitres étaient réduites en raison des techniques artisanales de l'époque. Elles étaient tenues en place à l'aide de mastic et de papier collé;
- l'emplacement des fenêtres était régi par la Coutume de Paris;
- il existait trois sortes de lucarnes : à pignon, à croupe ou à redent.
- les toits étaient généralement recouverts de lattes ou de parements à clin;
- on utilisait plusieurs sortes de recouvrement extérieur, comme le bardeau, fabriqué à l'Isle Royale ou importé de Nouvelle-Angleterre (aujourd'hui on utilise du bardeau de pin de la Nouvelle-Écosse);
- des planches horizontales (produites sur place);
- des planches verticales (produites sur place);
- du gazon (produit sur place)
- des dosses (produites sur place)
- de l'ardoise (importée de France au XVIIIe siècle et importée aujourd'hui de Nouvelle-Angleterre);
- les toits étaient à pignon (maison Rodrigue), à croupe (maison du Haget) et en accoyeau (pour faciliter l'écoulement des eaux).
(viii) Cheminées
- capote en brique (maison de la Vallière); les briques étaient fabriquées sur place ou importée de Nouvelle-Angleterre;
- capote en pierre taillée (maison Carrerot); la pierre était importée de France;
- cheminée en brique (Hôtel de la Marine);
- cheminée en moëllons bruts (maison de l'ingénieur); le moëllon était fabriqué sur place.
La brique des batiments reconstitués provient de la L.E. Shaw Ltd, à Lantz, Nouvelle-Écosse; la pierre a été extraite de la carrière de Wallace en Nouvelle-Écosse, mais on a conservé les pierres originales autant que possible. Comme au XVIIIe siècle, le moëllon brut a été produit sur place.
Commençons par l' aspect le plus évident.
L'argent
Au XVIIIe siècle, le système monétaire français était basé sur la livre. La livre était une valeur théorique, car il n'existait pas de pièce portant ce nom ou ayant cette valeur. Si on la compare avec la monnaie anglaise de l'épogue, la livre valait environ 1/20 de la livre sterling, soit un shilling.
La livre se divisait en sols et en deniers, à raison de 20 sols par livre et de 12 deniers par sol. I1 y avait donc 240 deniers dans une livre.
Dans la plupart des documents, on inscrivait les valeurs monétaires en abrégé :
8 livres, 9 sols, 10 deniers : 8# 9s 10d
I1 y avait des pièces de diverses valeurs en sols et en deniers et, naturellement, de nombreuses pièces avaient une valeur supérieure à la livre, comme l'écu et le louis d'or.
À la différence des colons du Canada qui utilisaient souvent le papier monnaie et la monnaie de carton, les habitants de Louisbourg achetaient habituellement leurs biens et services avec des pièces ou au moyen du troc. Outre les pièces françaises, les monnaies espagnoles et portugaises étaient très répandues à Louisbourg.
Salaires
Tout comme aujourd'hui, l'échelle de rémunération du travail dans le Louisbourg du XVIIIe siècle était fort étendue. Voici quelques exemples de revenus annuels :
Salaire Allocations
[Catégoire]
Commandant
(Duquesnel) |
Salaire
9 000 livres
1 080 livres |
Allocations
--
-- |
Coût des biens
Les prix fluctuaient en fonction de l'offre et de la demande. Comme de nombreux biens de consommation étaient importés, les prix avaient tendance à monter après la principale saison de transport, de mai à octobre. De même, le prix d'un bien comme le bois de feu variait selon la saison. En octobre 1735, le bois de corde coûtait de 12 à 13 livres; en décembre de la même année, le prix avait monté et s'établissait à 18 ou 20 livres.
Voici les prix de certains articles tels qu'ils figurent sur une liste d'importation de 1737 :
Vêtements
Bottes de pêcheur (la paire) - 15 livres
Pantalons de toile (la paire) - 3 livres 10 sols
Couverture de laine (1) - 12 livres
Souliers (adulte) - 3-4 livres
Souliers (enfant) - 1 livre
Chemise - (1, ordinaire) 3 livres
Aliments
Saumon (1, salé) - 45 sols
Farine (environ 112 lbs) - 16 livres
Pommes (1 barrique) - 30 livres
Jambon (environ 112 lbs) - 60 livres
Beurre (1 lb) - 10 sols
Chocolat (1 livre) - 3 livres
Biscuits (environ 112 lbs) - 16 livres
Vin (1 bouteille de bordeaux) - 1 livre
Fromage (environ 112 lbs) - 60 livres
Mélasse (1 barrique) - 50 livres
Animaux
Cheval (1) - 300 livres
Vache (1) - 60 livres
Porc (1) - 24 livres
Mouton (1) - 10 livres
Agneau (1) - 6 livres
Poulet (1) - 1 livre
Divers
Esclave (1) - 300 livres
Fauteuil (1, de bonne finition) - 80 livres
Mousquet (1) - 25 livres
Étain (1 lb) - 1 livre 16 sols
Il est difficile de parler des femmes à Louisbourg au XVIIIe siècle sans parler statistique. En effet, les femmes y étaient beaucoup moins nombreuses que les hommes. Pendant les 45 ans de l'histoire de Louisbourg, il y eut toujours un nombre disproportionné d'habitants des deux sexes, les hommes étant toujours beaucoup plus nombreux. Cette situation s'explique lorsque l'on sait que Louisbourg était à l'origine un village de colons, avec donc une population féminine moindre, puis devint une ville de garnison et un port important, attirant ainsi beaucoup d'hommes célibataires. "Dans les années 1720, on comptait huit ou dix hommes pour une femme. Bien que cet écart devait diminuer avec le temps, et même la population militaire mise à part, la proportion d'hommes et de femmes adultes ne devait jamais baisser en-dessous de trois hommes pour une femme." (Johnson, Religion in Life ... (traduction libre).
Ceci étant dit, il serait intéressant de se pencher sur le rôle, ou les rôles, que les femmes jouaient à Louisbourg. Nous nous bornerons ici à étudier les domaines d'activités propres aux femmes de la colonie.
Épouse et mère
Les femmes y jouent les rôles traditionnels d'épouse et de mère. Il est à noter que dans le contexte de la vie à Louisbourg au XVIIIe siècle, le fait que les femmes y soient en petit nombre influe sur les habitudes de mariage dans la colonie. Ainsi, les femmes se marient plus jeunes, - la moyenne d'âge au premier mariage est de 19,9 -, et les hommes plus âgés, - moyenne d'âge : 29,2 -, que nulle part ailleurs en Nouvelle-France. Dans les villages de colons français établis le long du Saint-Laurent, les moyennes d'âge sont respectivement 22 et 27,7. La plus jeune mariée de Louisbourg avait 13 ans et on y a même marié un couple de 14 ans et plusieurs couples de 15 ans, sans compter tous les autres qui avaient de 16 à 19 ans. L'âge des époux variait entre 22 et 36 ans au moment de leur mariage. De toute évidence, il y avait une grande différence d'âge chez la plupart des couples et un bon nombre de jeunes mères de l'époque seraient considérées aujourd'hui comme des adolescentes-mères.
Autre conséquence du petit nombre de femmes en âge de se marier à Louisbourg : il était plus facile de gravir l'échelle sociale qu'il ne l'était en général dans une société de l'Ancien Régime. Ainsi, à Louisbourg, dans toutes les couches de la société, il était plus facile pour une femme d'épouser un homme de condition plus élevée. Une servante pouvait très bien épouser un commerçant; la fille d'un artisan pouvait entrer dans une famille de marchands et une fille de marchands pouvait épouser un officier de nobles origines.
Les servantes
I1 y avait plusieurs centaines de servantes et de domestiques à Louisbourg au XVIIIe siècle. Les données du recensement de 1752 indiquent qu'il y avait presque cinq fois plus de domestiques que de servantes, soit 366 pour 71.
On possède malheureusement peu de renseignements sur les servantes qui travaillaient chez les particuliers de la ville. En fait, il n'est guère fait mention en général des serviteurs, hommes ou femmes. Nous savons cependant que, en 1749, le gouverneur Desherbiers avait à son service huit servantes et que son majordome était François Grabeuil. Les seuls renseignements que l'on possède sur les autres domestiques sont que l'épouse de ce dernier, appelée «la Grabeuil», était la femme de charge et que le gouverneur avait également un maître d'hôtel, un valet de chambre, un cuisinier et trois autres simples domestiques. Tous étaient des hommes, à l'exception de "la Grabeuil".
On sait également que, en 1749, la maison de Jacques Prévost, commissaire-ordonnateur, comptait onze domestiques, appartenant presque tous à la famille de François Durivand. C'est ainsi qu'il y avait François lui-même, Madame son épouse, un fils, une fille, une femme de chambre du même nom et une nièce. Aux membres de la famille s'ajoutaient un cuisinier, une servante, un valet de chambre, deux domestiques et une "négresse".
Dans le cas des servantes, le problème n'est pas tant l'anonymat que souvent l'identification. En effet, le recensement de Louisbourg effectué en 1749 donne les noms et prénoms de dizaines de servantes au service de families de la ville. I1 est cependant très difficile de retrouver ces noms dans les documents d' archives. Ainsi, dans le cas de Marie Pinet, inscrite comme servante chez les Villejouin, ce nom ne figure dans aucun des registres de la paroisse; par contre, on peut lire dans ces registres beaucoup de Marie-Angélique, Marie-Jeanne, Marie-Anne et Marie-Josèphe Pinet. L'un de ces prénoms pourrait très bien être celui de la servante en question, mais ce n'est pas certain. De même, Marie Corporon, inscrite comme servante de la veuve de Couagne dans le recensement pourrait bien être Marie-Madeleine, Marie-Charlotte, Marie-Jeanne ou Marie-Josèphe Corporon.
L'établissement de l'identité des domestiques peut donc être une activité très frustrante. Cette activité fait ressortir un détail que les animateurs aimeront sans doute faire remarquer aux visiteurs. La majorité des prénoms de femmes français au XVIIIe siècle étaient des noms composés commençant par Marie. Le deuxième nom devait être tiré d'une liste de noms chrétiens, dûment acceptés par l'Église. Ces noms figuraient dans la Bible ou remontaient à l'ère pré-chrétienne mais avaient été entérinés par le clergé. C'est ainsi que sous l' influence de l'église, Marie, plus que tout autre prénom, fut donné aux filles, et ce indépendamment de leurs origines sociales.
Les femmes et les affaires
Nous avons jusqu'à présent étudié les femmes dans les rôles traditionnels d'épouse, de mère et de servante. Pourtant, il existe dans les archives de Louisbourg au XVIIIe siècle, de nombreux exemples de femmes d'affaires travaillant dans bon nombre de secteurs. Ainsi, les habitantes pêcheurs exploitaient les entreprises de pêche; certaines femmes tenaient des auberges et des cabarets et beaucoup d'autres, comme les couturières par exemple, mettaient leurs talents à profit.
Parmi les femmes qui ont vécu et travaillé dans le secteur reconstruit de Louisbourg, il y avait Jeanne Galbarette, qui, aidée de son troisième mari, Georges Desroches, dirigeait une entreprise de pêche et une auberge dans le Fauxbourg. (On remarquera qu'elle exploitait un commerce dont elle était elle-même, et non son époux, propriétaire; il l'avait donc épousée alors qu'elle était déjà bien établie dans les affaires). Il y avait également plusieurs veuves qui géraient diverses entreprises. Madame Grandchamps, par exemple, exploita une taverne le long du front de quai après la mort de son époux. Presque à côté se trouvait la boulangerie que Marie Brunet, veuve de Nicolas Pugnant dit Destouches, reprit à la mort de ce dernier en 1741. La veuve Chevalier, quant à elle, était couturière et accueillait chez elle des pensionnaires, entre autres des missionnaires et des Miamacs.
Ces exemples ne sont que quelques-unes des nombreuses femmes débrouillardes qui vivaient et travaillaient à Louisbourg au XVIIIe siècle.
Les femmes et la religion
Jusque vers la seconde moitié du XXe siècle, il était courant, dans les sociétés de l'Ouest canadien, qu'un petit nombre de femmes entrent au couvent. Il n'était donc pas surprenant qu'il y ait des religieuses à Louisbourg. Il s'agissait en fait des Soeurs de la Congrégation de Notre-Dame, dont la maison-mère était à Montréal. La congrégation se composait de soeurs non cloîtrées se consacrant à l' instruction des jeunes filles à qui elles enseignaient la lecture, l'écriture et le petit-point. Le couvent de Louisbourg abritait de trois à six religieuses, bien que le nombre de cellee ci variait d'une année à l'autre.
Il ne s'agit ici que d'un aperçu des activités des femmes qui vécurent à Louisbourg. Pour connaître la vie d'une personne en particulier, par exemple Madame DeGannes ou Marguerite-Thérèse Carrerot, les animateurs sont priés de consulter l'ouvrage approprié.
Une centaine de potagers
Dès leur arrivée à Louisbourg, les Français se rendirent compte qu'ils ne pourraient jamais faire pousser une aussi grande variété et un aussi grand nombre de légumes et d'herbes qu'en France, et ce en raison de la pauvreté du sol et de la durée très courte de l'été. Le sol était tellement pauvre qu'il fallait souvent le mélanger à de la terre apportée d'ailleurs dans l'île. Les Français de Louisbourg cultivaient de petits jardins potagers, dans lesquels ila faisaient pousser des plantes potagères qu'ils utilisaient à des fins culinaires et médicales, ou comme teinture. On peut constater sur les plans de la ville qu'il y avait plus d'une centaine de potagers dans l'enceinte de la forteresse, cultivés surtout pour des raisons utilitaires.
Louisbourg s'approvisionnait essentiellement à l'extérieur et, comme il était souvent difficile de se fier aux modes de ravitaillement établis, la récolte de leurs potagers était en été un heureux surplus pour les habitants de la ville et devenait une nécessité en hiver. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'ils plantaient beaucoup de racines comestibles et d'herbes qui poussaient rapidement et se gardaient bien. I1 était rare que l'on fasse pousser des fleurs uniquement pour le plaisir. Par contre, bon nombre des herbes plantées produisaient des fleurs, ce qui permettait d'allier l'utile à l'agréable.
Parmi les légumes cultivés, citons le chou, le navet, la carotte, le haricot et le pois. Quant aux herbes, elles assaisonnaient les soupes, les ragoûts et autres mets. Elles servaient aussi à des fins médicales. La menthe, le persil, la sauge et le thym étaient fort utilisés. Certaines herbes apportées du Nouveau-Monde par les Européens poussent à l'état sauvage au Cap-Breton, entre autres la ciboulette, le cumin, la chicorée, le panais sauvage et l'angélique.
Le jardin était le reflet du mode de vie et de la condition sociale d'un citoyen. Certains jardins de Louisbourg étaient fort bien aménagés, avec de larges allées de gravier et des parterres symétriques. Souvent, un cadran solaire ou une urne agrémentait le tout. Certains jardiniers planifiaient avec soin les arrangements floraux afin de réaliser les plus heureux mariages de couleurs. D'autres préféraient s'en tenir à l' aspect pratique et leurs potagers, sans doute moins attrayants, étaient cependant plantés d'après les principes de jardinage français.
Les domestiques s'occupaient peu du potager; c'étaient surtout les civils embauchés comme jardiniers qui faisaient le travail. Dans le cas de jardins plus importants, on faisait appel aux quelques jardiniers de métier venus de France.
Comme il n'y avait ni fertilisants ni pesticides chimiques au XVIIIe siècle, nous utilisons aujourd'hui de l'engrais organique dans les potagers de la forteresse.
Les animaux
Bon nombre d'espèces animales d'aujourd'hui n'existaient pas au XVIIIe siècle, à l'époque où Louisbourg était une importante colonie. En effet, les expériences et la sélection génétiques qui devaient donner lieu à la création des espèces que nous connaissons anjourd'hui ne firent leur apparition qu'à la fin du XVIIIe siècle. Les Français de ce siècle accordaient beaucoup d' importance à la couleur des animaux. Ainsi, ils pensaient que les vaches noires produisaient beaucoup de lait ou étaient de bonnes bêtes de somme, et que les bovins au pelage marron étaient des animaux de trait supérieurs mais plutôt mélancoliques. La plupart des animaux de Louisbourg venaient de la Nouvelle-Angleterre, du Québec et de l'Acadie. Les chevaux, eux, venaient directement de France, quoique certains furent importés de Nouvelle-Angleterre et du Québec. Les animaux transportés par bateau arrivaient «sur pied». On les qardait en général jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus produire (du lait, des oeufs, etc.), et on les abattait souvent en automne ou en début d'hiver.
Aujourd'hui les animaux de la forteresse ne sont pas de l'endroit mais rappellent par leur taille et leur couleur les animaux dont font mention les documents d' archives du XVIIIe siècle, à l'exception du cheval acheté en 1990 au Québec, qui descend en droite ligne du cheptel francais constitué au XVIIIe siècle.
La musique constitue l'un des éléments les plus vivants et les plus évocateurs du programme d' animation. Le personnel de la forteresse compte parmi ses membres des musiciens talentueux qui ont à leur disposition une vaste gamme d' instruments, des styles de musique variés et différentes méthodes de présentation de la musique de l'époque aux visiteurs.
Les instruments de musique
La flûte à bec
Les musiciens de la forteresse utilisent la copie d'une flûte en bois de style baroque. La flûte soprano est la plus jouée bien qu'il y ait aussi une flûte alto sur place. Cette dernière est un instrument de dimension supérieure à la flûte soprano et présente un registre plus grave.
Le tambour
Les tambours utilisés au cours des présentations et concerts donnés à la forteresse sont semblables aux instruments utilisés dans l'armée, à l'exception de leur couleur. Le tambourine ressemble beaucoup à l' instrument d'aujourd'hui; sa peau n'est cependant pas en matériau synthétique et ses cymbalettes sont en cuivre.
La vielle
La vielle utilisée à la forteresse est une copie de l' instrument que l'on peut voir dans les appartements des officiers du Bastion du Roi Elle a été exécutée par Daniel Thonon, de Saint-Marc-sur-Richelieu au Québec, en 1989.
Le clavecin
Le clavecin de la forteresse est une copie des clavecins français du XVIIIe siècle. Il a été exécuté par Yves Beaupré de Montréal, en 1990.
Le violon
Le violon est la copie d'un Stradivarius du XVIIIe siècle. La plus grande différence entre cet instrument et le violon moderne est sans doute dans le manche, qui est beaucoup plus large. L'archet est également différent. Le violon est l'oeuvre de Otis Thomas de St Anns, au Cap-Breton.
La pochette
La pochette, ou violon de poche, est semblable au violon de petit format fabriqué au XVIIIe siècle. La copie est l'oeuvre de Johanesse Sturm de Grand Anse, au Cap-Breton.
La guitare
Il s'agit de la copie d'une guitare d'Espagnol exécutée par Otis Thomas de St. Anns.
La flûte à bec
La flûte à bec appartient à la catégorie des bois; elle est percée de huit trous dont un pour le pouce. Elle se compose d'un tuyau démontable en deux ou trois parties et d'un bec dans lequel souffle le joueur.
La flûte est d'abord utilisée dans le répertoire savant en Italie, au XIVe siècle. Pendant la Renaissance (de 1430 à 1600), elle est surtout un instrument d'accompagnement pour faire partie d'ensembles musicaux et devenir soliste à l'époque baroque.
Au XVIIIe siècle, la flûte à bec est remplacée par la flûte traversière plus expressive. Ce n'est qu'au début du XXe siècle, que la flûte à bec sera remise en vogue comme instrument d' initiation musicale des jeunes.
Le tambour
Le tambour est un instrument à percussion composé d'un fût cylindrique en bois, en métal, en terre cuite ou en os, aux extrémités duquel sont tendues deux peaux. On retrouve le tambour dans presque toutes les cultures à travers tous les âges.
Il s'agit en fait de l'un des instruments les plus anciens. Il est représenté dans les oeuvres de l'ancienne Égypte, de l'Assyrie, de l'Inde et de la Perse. Les Grecs et les Romains l'utilisaient également. Il fut introduit en Europe pendant les croisades, au XIIIe siècle, par les Sarrasins et les Arabes qui utilisaient la timbale et le tambourin.
Le tambour militaire à timbre, qui se porte horizontalement en raison de sa longueur, se compose d'un fût cylindrique en bois aux extrémités duquel sont tendues deux peaux en veau parcheminées. La peau inférieure, ou de timbre, est fixée sur le cylindre par des cercles de bois réunis entre eux par au moins huit cordelettes à tension réglable; c'est ce qui donne au tambour son timbre particulier.
Le tambourine
Le tambour se compose d'un cylindre aux extrémités duquel sont tendues une ou deux peaux. Le tambourine se fonde sur le même principe mais ne possède qu'un cylindre et une seule peau, et est muni de cymbalettes.
Le tambourine, aussi appelé tambour de basque, semble avoir été utillsé dans presque toutes les cultures depuis les temps les plus anciens, mais c'est au Moyen-Âge qu'il devient très populaire en Europe, lorsque les poètes lyriques le font passer au répertoire savant.
C'est au début du XIXe siècle, avec l'apparition des personnages espagnols et bohémiens dans les compositions musicales, que le tambourine est intégré à l'orchestre.
Le clavecin
Le clavecin est un instrument à cordes pincées et à clavier qui se distingue du piano. En effet, le son n'est pas obtenu par la percussion d'un marteau contre la corde comme pour le piano, mais provient du frottement de la corde par un sautereau.
C'est dire que la pièce principale du mécanisme du clavecin est le sautereau. Il s'agit d'une languette de bois mobile, munie d'un plectre de plume ou de cuir durci. Lorsqu 'on appuie sur une touche, le sautereau bascule, envoyant le plectre pincer la corde. Grâce à un mécanisme spécial, le sautereau revient à sa position initiale sans pincer de nouveau la corde. Les vibrations sont étouffées au moyen d'un tampon de feutre. L'ensemble des cordes, pincées par un rang de sautereaux, constitue un jeu ou registre.
Bon nombre de clavecins comportent en général deux registres, l'un donnant une sonorité normale et l'autre permettant de jouer à un octave supérieur. Les clavecins d'Europe du Nord exécutés au XVIIIe siècle possèdent deux claviers, soit un clavier inférieur et un clavier supérieur qui lui est accouplé, trois jeux de cordes, et donc trois registres.
Le psaltérion est probablement à l'origine du clavecin dont la première description remonte à 1397. Le clavecin fut en vogue jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, pour disparaître presque complètement au début du XIXe siècle. Il a refait son apparition parmi les instruments en vogue vers les années 1880.
La vielle
La vielle est un instrument à cordes frottées par une roue. Elle se compose de cordes mélodiques et de cordes de bourdons, d'une roue en bois enduite de résine et qui sert d'archet, et d'un clavier muni de touches modifiant la longueur vibrante des cordes. La vielle ressemble à un violon arrondi.
L' instrument fait son apparition au XIIe siècle et sert alors à l'enseignement de la musique religieuse du Moyen-Âge. Les ménestrels le mettent à la mode mais il devient l' instrument des mendiants au XVIIe siècle. Lorsque l'engouement pour le style «rustique», fait son apparition au XVIIIe siècle, la vielle devient fort prisée par l'aristocratie française. C'est aujourd'hui un instrument du folklore de certains pays d'Europe.
Le vielleur
Charles-Yves Duval est le seul joueur de vielle dont il est fait mention dans les documents d' archives de Louisbourg. I1 était menuisier et sculpteur sur bois et habitait chez Louis Levasseur, rue d'Orléans, dans l'îlot 23.
Louis Levasseur, membre du Conseil supérieur et juge en chef de l'Amirauté, avait pris Charles-Yves Duval à son service et le logeait dans son impressionnante demeure, l'une des plus grandes de la ville.
Charles-Yves Duval occupait un appartement au rez-de-chaussée et, dans une petite pièce adjacente, il tenait boutique et vendait, semble-t-il, de la quincaillerie, de la peinture et des matériaux de construction.
I1 avait laissé femme et enfants en Normandie, pour venir à l'Isle Royale exercer son métier.
I1 a sans doute exécuté lui-même sa vielle puisqu'il savait remarquablement bien travailler le bois. I1 avait en effet fabriqué pour le capitaine Degannes une armoire estimée à 12 livres.
Le violon
La famille des violons apparaît au début du XVIe siècle. Bien qu'il soit difficile d'en fixer les origines, on pense qu'elle viendrait du nord de l'Italie.
Le premier violon est issu de la lira da braccio, du rebec et de la viole de bras. Le violon a emprunté à la lyre sa forme et au rebec le chevillier et les chevilles réglant la tension des cordes. La caisse et le manche sont ceux de la viole de bras.
Le violon acquiert peu à peu sa forme actuelle de 1600 à 1750, époque où des luthiers talentueux de Crémone, en Italie, et notamment Amati et Stradivarie, devinrent maîtres de la facture de l' instrument. À la fin de la période baroque (1750), le violon avait atteint la popularité qu'il connaît aujourd'hui.
Le violon à Louisbourg
D'après les documents d'archives, le violon était un instrument très répandu à Louisbourg au XVIIIe siècle. On sait même que, en 1718, Jean Chevalier, un marchand de la ville, avait acheté un violon, un archet et douze cordes à Claude Morin, un aubergiste de Louisbourg.
À en juger par les stocks de cordes de violon que possédaient les divers magasins de Louisbourg et des localités situéee le long du Saint-Laurent, le violon se jouait beaucoup. Rien qu'en 1754, 24 violons furent importés à Louisbourg pour être vendus.
Le succès du violon est dû au fait qu'il pouvait être joué par des musiciens de toute condition sociale, en raison de son prix peu élevé.
De plus, il était facile de se procurer un violon au moment de la liquidation de successions. C'est ainsi qu'en 1741, un violon appartenant à la succession de Élie Thesson de la Fleurie fut vendu pour cinq livres, ce qui correspondait à environ deux jours du salaire d'un pêcheur.
I1 était possible aussi d'acheter des violons neufs, de moins bonne qualité. En 1731, Marie-Anne Perré, habitante pêcheur de Louisbourg, mit son fils de 14 ans, Antoine, en pension à Saint-Servant, village de la côte de Bretagne. Deux ans plus tard, Antoine s'achetait un violon et des cordes pour la modique somme de cinq livres.
On sait également que des femmes possédaient un violon. Ainsi, la dot de Marguerite Desroches, qui épousa Julien Bennett en 1732, comprenait un violon de 22 livres.
Le violoniste
De 1713 à 1758, des centaines de navires du roi et de bâteaux de commerce mouillèrent à Louisbourg et y apportèrent leurs hommes d'équipage, dont certains étaient musiciens, comme Jacques Brulay.
Jacques Brulay arriva de la Martinique à l'Isle Royale en 1741, sur l'Espérance, un navire de 25 tonnes. Ce musicien qui, dans son île, assurait le transport de merchandises avec son propre bâteau, voulait se charger du transport de la cargaison de l'Espérance, au nom de son propriétaire, M. Latapy, de la Martinique. Brulay devait aimer lire car on dénombra parmi ses bagages 21 ouvrages portant sur divers domaines, entre autres la littérature, le droit, le commerce, les sciences, la navigation et la religion.
I1 s'intéressait beaucoup à la musique et possédait un violon, deux archets et une valise pleine de listes de morceaux de musique et de papiers à musique. Comme il devint musicien des rues pendant la reconstruction, il ne lui fut plus possible d'accompagner de son instrument les chansons folkloriques des matelots en mer.
La pochette
La pochette est un violon de petit format, tenant dans une poche, d'où son nom. Elle comporte en général quatre cordes, bien que l'on connaisse des instruments à trois cordes. Elle est apparue au XVIe siècle et s'apparente au rebec, un violon du Moyen-Âge.
La pochette peut avoir la forme d'une poire et un dos bombé ou ressembler au violon, avec un dos légèrement arqué et un long manche. Les Allemands donnèrent à l' instrument le nom de "tangmeistergeige", qui signifie "danser avec les maîtres". En Italie, il était appelé "sordine" et les Anglais en parlaient comme du "kit".
La pochette était jouée dans toutes les couches de la société. Peu de morceaux de musique furent composés spécialement pour cet instrument et on jouait donc des airs connus ou des pièces pour violon.
Le joueur de pochette
D'après les documents d'archives, il y avait au moins trois maîtres de danse à Louisbourg : Simon Rondel, Decoudray Feuillet et Pierre Boziac. Tous trois devaient sans doute bien représenter le joueur de pochette traditionnel.
Simon Rondel, son épouse et ses trois enfants, qui vivaient à Louisbourg depuis les années 1720, s'installèrent en 1734 dans l'îlot 36. Simon Rondel devait quitter Louisbourg de 1729 à 1732.
Decoudray Feuillet et son épouse tenaient une taverne à Louisbourg. Â l'été de 1754, Decoudray Feuillet quitta son épouse pour aller enseigner la musique et la danse à New-York.
Pierre Boziac était à la fois tambour-major et maître de danse dans les années 1750. I1 se faisait payer six livres par mois pour donner des leçons aux enfants, et à ce tarif, seuls les parents très riches pouvaient se permettre de faire appel à ses services.
La guitare d'Espagnol
La première représentation de la guitare apparaît en Italie au début du XVe siècle. Â travers les siècles, la guitare, instrument à cordes, a surtout été utilisée pour accompagner le chant ou pour être jouée au sein d'ensembles musicaux.
Au XVIIe et au XVIIIe siècles, le registre de la guitare est augmenté par l'adjonction d'une cinquième double corde, c'est ce qu'on appelle la guitare «d'Espagnol.» Cette guitare ressemble beaucoup à la guitare classique, bien que plus petite. Ses cordes mesurent 65 cm, et sa sonorité est proche de celle de la guitare classique d'aujourd'hui à 12 cordes, mais ne possède pas le «mi» grave.
Îlot 1
Entrepôt et forge de l'artillerie (l-4)
L'entrepôt de l'artillerie s'étend de la rue du Petit Estang jusqu'au Quay. C'est une construction de pierre à un seul étage, avec toit' en ardoise et plancher de terre. A l'extrémité sud, séparée par une cloison, se trouve une forge. Achevé en 1736, le bâtiment servait d'entrepôt pour les matériaux destinés à la construction d'affûts de canons. Toutefois, il s'est vite révélé inapproprié : le plafond fuyait et, comme la construction se trouvait au-dessous du niveau de la rue, elle était constamment inondée par les infiltrations. Les gens de la Nouvelle-Angleterre n'avaient pas une très haute opinion de ce bâtiment et, si les Français l'utilisèrent durant la deuxième période d'occupation, ils l'abandonnèrent en 1754, à cause de l'humidité. Deux ans plus tard, il fut, comme la boulangerie, la proie des flammes.
Boulangerie du Roi (1-3)
Le pain destiné aux troupes cantonnées à Louisbourg était confectionné dans la boulangerie du Roi, aménagée dans l'îlot 1, secteur à l'usage exclusif de l'adminiatration gouvernementale. Le bâtiment fut construit en 1731 et en 1732 et remplaçait une boulangerie aménagée dans le soul-sol de la caserne du Bastion du Roi, qui était souvent inondée et toujours humide. Équipée de deux fours, la boulangerie produisait des pains de six livres chacun.
Durant l'occupation anglaise (1745-1749), la boulangerie servit de caserne pour les canonniers. Lorsque les Français reprirent possession de Louisbourg, ils constatèrent le mauvais état de la boulangerie et demandèrent qu'on en construise une nouvelle. La demande fut rejetée et deux fours furent ajoutés. Dans la nuit du 29 au 30 septembre 1756, la boulangerie fut rasée par les flammes.
Quatre boulangers travaillaient à la boulangerie. Ils habitaient au premier, recevaient des rations du Roi et touchaient un salaire annuel de 180 livres. I1 fallut engager quatre boulangers supplémentaires en 1744 pour nourrir les prisonniers amenés à Louisbourg après la prise de Canso.
Magasin d'armes (1-3)
Le magasin d'armes est situé au-dessus de la boulangerie. C'est là qu'on entreposait les armes; on pouvait y remiser 3 000 fusils. I1 remplacait le magasin d'armes qui se trouvait auparavant dans la pièce au-dessus du passage, dans la caserne. L'armurier utilisait la petite forge du premier pour l'entretien des armes et pour faire les réparations mineures.
Buanderie et étable de l'ingénieur (1-2)
Le bâtiment est divisé en deux sections. Un coté était aménagé en buanderie et, dans la mesure où on peut le déterminer, l'autre coté servait à abriter du bétail. Des documents indiquent que le coté ouvert était couvert de piquets. On ne connaît pas encore avec certitude la nature du plancher; il pouvait être en terre battue ou en bois.
Les éléments architecturaux d'origine sont des plus intéressants : les fondations, y compris la semelle des piliers, le cadre du puits au niveau du sol, l'emplacement du foyer, la base pour recevoir le chaudron, et une rigole qui traverse le pied du mur pour déboucher sur la rue (Rue Royale).
Maison de l'ingénieur (1-1)
Ce bâtiment, ainsi que l'étable attenante, fut construit en 1732 selon des plans dessinés par Étienne Verrier qui jugeait la maison originale, une construction de bois, insatisfaisante. I1 obtint la permission de construire cette résidence, de dimensions plus importantes, pour la somme de 28 948 livres (soit à peu près quatre fois plus que l'estimation). Cette maison était considérée comme l'une des plus belles de Louisbourg et faisait l'envie de plusieurs, y compris le gouverneur. Les ingénieurs avaient la responsabilité de la conception et de la construction de la forteresse. La disposition générale de la ville fut définie par Verville, mais ce sont Verrier, ses fils et l'ingénieur adjoint Boucher qui établirent les plans et achevèrent les travaux, y compris la Batterie Royale, la Porte du Dauphin et la Porte de Frédéric.
Étienne Verrier naquit à Aix-en-Provence en 1683. I1 entra au corps des ingénieurs en 1707. I1 passe 17 années à Rochefort, en France, interrompues par un bref séjour dans le sud-est asiatique en 1720, et arrive à Louisbourg en 1724. L'année suivante, il succédait à Verville au poste d'ingénieur en chef.
En 1709, il épousa Hélène Papin, qui lui donna au moins trois fils et une fille. Verrier passa la majeure partie des 21 ans de son séjour à Louisbourg sans sa femme. Cette dernière et sa fille vécurent à Louisbourg de 1732 à 1735 puis rentrèrent à La Rochelle pour raisons de santé. Les fils de Verrier restèrent à Louisbourg.
On peut trouver des renseignements supplémentaires sur la famille dans le manuel de l'ingénieur.
Ancien magasin (1-6)
I1 s'agit du premier entrepôt gouvernemental construit dans l' îlot 1. C'est une simple construction de pierre, munie d'un toit' en bardeaux de bois et d'un plancher en terre battue. Les tailleurs de pierre l'utilisèrent brièvement, mais, vers 1725, elle servait d'entrepôt pour les provisions. Une fois achevée la construction de l'entrepôt du Roi, l'ancien magasin servit à l'entreposage de l'artillerie. Après 1736, cette fonction fut dévolue au Hangar d'artillerie, et on croit que le bâtiment fut absorbé dans le complexe de la maison de l'ingénieur.
Magasin du Roi (1-5)
Le magasin du Roi était le point central de réception de toutes les merchandises gouvernementales arrivant à Louisbourg. L'administration du bâtiment appartenait au commissaire-ordonnateur. On conservait dans l'entrepôt du Roi aussi bien de la farine, du beurre et du saindoux, de la mélasse, des biscuits, des légumes et du sel que des uniformes, des cordes et des outils. Les articles étaient disposés sur des supports ou des palettes de bois et couverts d'étain ou de plomb, ou encore placés dans des coffres, des tonneaux ou des armoires, pour les protéger de l'humidité et des rats.
André Carrerot fut garde-magasin, ou commis principal, de 1733 au moins à 1745. Sa maison se trouve dans l'îlot 2, à l' angle de la rue Royale et de la rue Toulouse.
Îlot 2
Hôtel de la Marine (2-A1)
L'hôtel de la Marine est un bâtiment de pierre à deux étages construit de 1741 à 1745 et qui appartenait à Joseph Lartigue, qui l'utilisait comme entrepôt. En 1743, la construction fut louée à Pierre Lorant, pêcheur de 35 ans, qui vivait avec sa femme et ses trois enfants. I1 exploitait un cabaret que fréquentaient les pêcheurs, les marchands et les soldats. En 1744, la bâtisse cessa d'être un cabaret. On y logea plutôt les prisonniers anglais durant l'été.
Pierre Lorant naquit en 1710 à Rouville, en Normandie. À son arrivée à l'Isle Royale, il vécut à Laurembec (Lorraine) avant d'aller s' installer à Louisbourg. En 1739, à 29 ans, il épousa Marie-Louise Granden. Ils eurent sept enfants dont trois seulement étaient nés au moment où ils louèrent l'hôtel de la Marine. Après la prise de la forteresse en 1745, la famille rentra en France. En 1749, à son retour à Louisbourg, elle occupa une résidence de l'îlot 41 qu'elle avait achetée en 1743. Lorant mourut à Louisbourg en 1755, à 45 ans.
L'Epée Royale (2-B1) - ou Auberge de Jean Seigneur
L'auberge Seigneur était une construction d'un étage et demi à charpente et piquets, construite aux alentours de 1720. La famille y habitait et offrait le gîte et le couvert aux clients. L'étude de l'inventaire fait supposer que la famille occupait le rez-de-chaussée, tandis que les clients dormaient au premier, peut-être dans le magasin.
Jean Seigneur exploita l'auberge de la rue Toulouse de 1720 à 1745. I1 était originaire de Lisieux, en France, et avait épousé Marie Carparon, une Acadienne de Port-Royal. À sa mort, en mars 1745, il avait 58 ans. Sa femme était morte en 1735 à 49 ans. Deux de ses filles étaient mortes avant lui, le 15 avril 1733, durant l'épidémie de variole qui frappa Louisbourg. Dans les années 1740, sa fille Françoise, alors âgée de 21 ans, vivait à la maison, tandis que deux autres de ses filles, mariées, vivaient en un autre endroit de la ville. Seigneur était un membre respecté de la collectivité et prenait souvent part aux règlements de successions; il évaluait les biens et les propriétés et remplissait parfois le rôle de tuteur auprès des enfants.
Maison Benoist (2-C1)
Pierre Benoist, officier des compagnies franches, fut propriétaire de cette maison de l'îlot 2 de 1720 à 1758. L'inventaire effectué après la mort de sa femme en 1733 était impressionnant; ses biens comprenaient entre autres une importante garde-robe et un esclave de 18 ans. La maison de piquets de Benoist subit d'importants dommages au cours du premier siège et fut remplacée par une construction de pierre à deux étages en 1753.
En 1745, Benoist était commandant de Port Toulouse et il est possible que sa famille ait vécu avec lui à cet endroit. À l'époque, sa famille se composait de sa deuxième femme, Anne Jacau, de leurs cinq enfants et d'une fille issue de son premier mariage.
La Propriété Carrerot (2-D1, 2-D3)
En 1744, André Carrerot, garde-magasin, occupait la maison à charpente sise à l' angle de la rue Royale et de la rue Toulouse. Vivaient avec lui sa femme, Marie Cheron, et dix des enfants qu'il leur restait, dont l'âge s'échelonnait de un à 18 ans. Une autre de leurs filles, Marguerite, avait épousé Jacques Prévost en février. Prévost revint à Louisbourg à titre de commissaire-ordonnateur en 1749 et promut Carrerot au poste d'écrivain principal avant la mort de ce dernier, la même année.
Auberge et maison Grandchamp (2-Ll, 2-Ml)
Julien Auger dit Grandchamp possédait deux propriétés adjacentes dans l'îlot 2, une auberge et une maison, de piquets toutes les deux, limitées par l'hôtel de la Marine. En 1744, la veuve d' Auger, Marie-Thérèse Petit, y habitait et exploitait l'auberge.Elle revint à Louisbourg en 1749 et continua d' exploiter l'auberge jusqu'à sa mort, en 1753.
Maison Destouches (2-L1)
En 1744, une maison de pierre à deux étages relativement neuve se dressait dans la propriété de Pugnant dit Destouches. La maison avait été construite en 1738 à l'emplacement d'une habitation de piquets qui avait été la proie des flammes en 1737. Nicolas Pugnant dit Destouches, maître-boulanger de son état, soldat venu d'Acadie en 1713, était mort en 1740. En 1744, la maison était occupée par sa veuve, Marie Brunet, et peut-être aussi par un fils de 21 ans. Quatre autres enfants étaient morts vers 1744 et deux étaient mariés et vivaient en un autre endroit de la ville.
Résidence du commissaire-ordonnateur (2-G1)
Les plans originaux de Louisbourg ne prévoyaient aucune résidence officielle indépendante pour le commissaire-ordonnateur. Celui-ci devait habiter dans l'aile nord de la caserne du Bastion du Roi. Le deuxième commissaire-ordonnateur, de Mésy, modifia toutefois ces plans en construisant une maison dans l'îlot 2. Son fils et successeur, Le Normant de Mésy, résida aussi dans l'îlot 2 et parvint à faire acheter sa propriété par le Roi, laquelle propriété devint la résidence officielle des commissaires-ordonnateurs qui lui succédèrent. François Bigot y résida en 1744.
L' aspect de la maison en 1744 raconte son histoire. En 1736, d'importants travaux d'agrandissement furent effectués; on construisit aussi un passage donnant accès à la cour de la propriété adjacente. (Cette maison fut la proie des flammes en 1737).
Des pierres d'attente furent laissées au mur ouest pour permettre le rattachement éventuel d'une autre construction.
La maison abritait l'appartement et les bureaux du commissaire-ordonnateur. En outre, à différentes époques de son histoire, la maison abrita, entre autres, des bureaux d'administration, la Trésorerie et le greffe. Avant 1739, le Conseil supérieur s'y réunissait souvent. On ne possède aucune indication certaine sur la nature des bureaux qui s'y trouvaient en 1744.
François Bigot (1703-1778) venait de France où son père et son grand-père avaient occupé des postes importants. I1 arrive à Louisbourg en 1739 à titre de commissaire-ordonnateur. Cette dignité lui conférait la responsabilité de la rémunération, de l'approvisionnement et de la justice. De 1749 à 1758, il fut Intendant de la Nouvelle-France et vécut à Québec.
Les écuries (2-F1)
En 1744, les écuries attachées à la résidence du commissaire-ordonnateur se trouvaient dans la propriété sise à l' angle de la rue Saint-Louis et de la rue Royale. Le terrain avait été ajouté à la propriété officielle du commissaire-ordonnateur en 1736-1737 et les écuries construites en 1739.
La propriété Dugas (2-E1)
En 1722-1723, Joseph Dugas, charpentier acadien, construisit un duplex rue Royale. Lui et Dominique Detcheverry, forgeron de son état, partagèrent la maison et la propriété jusqu'en 1728, année où Dugas en devint le seul propriétaire. En 1744, la maison avait été transformée en résidence particulière qui fut peut-être occupée par la veuve de Dugas, Marguerite Richard, son deuxième mari, Charles Saint-Étienne de la Tour, officier, et six filles célibataires, deux filles de Dugas, deux de de la Tour et des jumelles de 8 ans issues de l 'union de Marguerite Richard et de de La Tour.
Îlot 16
Propriété de Michel LeNeuf de la Vallière (16D-1 16D-2 16D-3)
La famille de la Vallière fit l'acquisition de cette propriété, qui comprend une vaste maison à un étage et demi et deux entrepôts, en 1736. La famille, d'origine écossaise noble, s'implanta en France au XIVe siècle. En 1740, le chef de la branche de Louisbourg était l'officier militaire Louis LeNeuf de la Vallière (1713-1787), né à Plaisance alors que son père s'y trouvait en garnison. À l'eté de 1744, vivaient aussi avec de la Vallière sa femme enceinte, une fille d'un an et plusieurs de ses frères et soeurs. Au printemps de 1744, de la Vallière participa à la prise de Canso puis fut envoyé en France, porteur de rapports confidentiels. Durant le siège de l'année suivante, il assurait le commandement d'une compagnie postée dans le Bastion Maurepas.
De la Vallière revint à l'Isle Royale et dans sa maison durant les années 1750. Beaucoup plus tard, il fut placé à la tête de troupes françaises à Cayenne, en Guyane française.
Les planchers de pavés des entrepôts sont d'origine.
De la Plagne (16E-1)
Jusqu'en 1738, c'est dans cette propriété que se trouvait le jardin du gouverneur. Un certain après-midi de 1725, un soldat ivre qui y travaillait tomba dans un puits et se noya. En 1738, le capitaine de compagnie Pierre-Paul d'Espiet de la Plagne épousa Marie-Charlotte Delort, fille du riche marchand Guillaume DeLort. Cette alliance avec la famille Delort ainsi que les liens familiaux qui unissaient de la Plagne au gouverneur Saint-Ovide firent que l'officier n'evolua que dans les milieux sociaux les plus élevés. Au cours du siège de 1745, de la Plagne servit près du demi-bastion de la Princesse. Au moment de la capitulation de 1745, de la Plagne, sa femme, leurs quatre enfants et, sans doute, le frère cadet de de la Plagne, officier lui aussi, habitaient la maison.
De la Plagne ne revint pas à Louisbourg en 1749 et la maison fut vendue plus tard.
Propriété Loppinot (16C-1)
Ce sont les ruines de la maison de Jean Chrysostome Loppinot, officier des compagnies franches de la Marine. Durant les travaux d'excavation, les archéologues ont mis au jour les fondations de la demeure, une partie de la cave comportant un plancher de pavés et un tuyau d'écoulement des eaux garni de pierres qui passait sous le mur et sous les pavés de la rue.
En 1744, Loppinot était assistant du commandant de place et, comme beaucoup d'autres officiers, faisait du commerce. I1 vivait dans cette maison avec sa femme, huit enfants, une esclave et son fils et une servante. Trois des fils de Loppinot devinrent des officiers et deux de ses filles épousèrent des officiers. Son fils aîné se rendit à Boston en 1756, soi-disant pour apprendre l'anglais, mais il fut emprisonné pour espionnage et, plus tard, envoyé en Angleterre.
Loppinot était faible, il entretenait des relations amicales avec ses supérieurs; il est représentatif des nombreux officiers qui investirent dans la pêche et le commerce à l' Isle Royale.
La propriété Fizel (16B-2)
On y trouve les ruines de la maison de Julien Fizel. Selon toute évidence, celle-ci fut détruite dans l'incendie qui balaya le centre de Louisbourg en 1762. À ce moment, beaucoup de maisons furent jetées à terre pour empêcher la propagation du feu. I1 semble que la maison de Fizel ait été brûlée et jetée à terre. Les travaux des archéologues ont mis au jour les murs, étalés en majeure partie dans la rue ou dans le sous-sol, lequel était rempli de débris et des restes de deux cheminées et de deux foyers complètement écroulés. L'emplacement de la maison Fizel a permis de recueillir de nombreux renseignements sur l' architecture qu'il n'avait pas été possible d'obtenir dans les maisons laissées à l' abandon ou dont les pierres et les briques avaient été pillées.
Fizel était un homme aux activités multiples, comme la plupart des marchands prospères de Louisbourg. I1 exploitait une grande auberge à même cette propriété et louait d'autres bâtiments en ville. I1 achetait et vendait des navires, possédait une installation de pêche dans le Fauxbourg et possédait un terrain plus haut, où il élevait des moutons et du bétail destinés au lucratif marché local. Les intérêts de Fizel ne se limitaient pas aux affaires. I1était aussi capitaine de milice. C'est d'ailleurs dans l'exercice de cette fonction qu'il trouva une mort tragique en 1757. Alors qu'il se trouvait sans doute à l'extérieur des murs de la ville, durant le printemps tendu de 1757, et que la colonie craignait une attaque des Anglais, il fut pris pour un Anglais et abattu. I1 laissait dans le deuil sa femme enceinte et au moins 10 enfants, tout de même bien pourvus puisqu'il n'avait aucune dette et que sa succession fut évaluée à 52 000 livres.
Îlot 17
Propriété Rodrigue (17A-1-17A-2)
Michel Rodrigue, qui louait cette propriété de son voisin Michel de Gannes, était un marchand prospère. Nés en Acadie, Rodrigue et son père étaient très actifs dans les années 1730 sur la route commerciale qui reliait Louisbourg à Québec. Chaque année, des produits importés de France et des Antilles remontaient le Saint-Laurent tandis que de la farine, du grain, des pois et des biscuits étaient rapportés à l'Isle Royale. Après 1737, Rodrigue raréfia ses voyages. Armateur d'une certaine envergure, il était en mesure de louer les services de capitaines pour faire le voyage à sa place. En 1740, il emménagea dans cette maison et construisit l'entrepôt de poutres verticales adjacent. On peut voir ici certaines des merchandises dont il faisait le commerce.
En 1738, Rodrigue épousa Marguerite Lartigue, fille de Joseph Lartigue, juge et membre du Conseil supérieur. En 1745, ils avaient cinq enfants. Outre la famille, deux frères de Rodrigue, un esclave noir et une servante Mi'kmaq habitaient dans la maison. Durant le siège, Michel Rodrigue servit à titre de capitaine de milice.
I1 est intéressant de noter que la propriété et l'entretien des murs de l'extrémité étaient partagés.
La propriété DeGannes de Falaise {17A-3) Le propriétaire de cette maison, Michel de Gannes de Falaise (1702-1752), naquit à Port-Royal; il etait le fils d'un officier superieur des compagnies franches. Deux de ses frères se destinèrent au sacerdoce mais Michel suivit l'exemple de son père et embrassa la carrière militaire. À 28 ans, il était capitaine de compagnie. Quelques mois après cette nomination, il épousa Élizabeth de Catalogne, fille d'un de ses collègues officier et ingénieur, qui donna son nom au village de Catalogne, où il possédait une maison. Par sa mère, Michel de Gannes était apparenté aux de la Vallière, qui habitaient dans la même rue.
À l'été de 1744, six enfants, qui avaient de quelques mois à douze ens, vivaient dans la maison. Avant son mariage, de Gannes servit de père à un enfant de Marianne Carrerot, une veuve du voisinage qui prétendait que l'officier lui avait fait une promesse de mariage. Le tribunal civil décida que de Gannes devait assurer la subsistance de l'enfant.
Au cours du siège de 1745, de Gannes servit à la Pièce de la Grave et à la Batterie de l'Isle. À son retour de France en 1749, il fut nommé commandant de place, poste que son père avait occupé en Acadie. Trois ans plus tard, il fut nommé lieutenant du Roi à Trois-Rivières, mais fut incapable d'occuper le poste. I1 mourut en octobre 1752 et fut enterré sous le plancher de la chapelle Saint-Louis, dans la caserne.
La maison est moublée selon l'inventaire des biens de de Gannes établi après sa mort.
La propriété de la Pérelle (17-B1 17-B2)
Dans les années 1740, Jean-François Eurry de la Pérelle (v. 1691-1747) occupa l' important poste de commandant de place. À ce titre, il assurait le contrôle d'à peu près toutes les activités de la garnison de Louisbourg. Parlant couramment l'anglais, il remplissait aussi les fonctions d'interprète pour le gouverneur. À la différence d'autres officiers de Louisbourg, il semble que de la Pérelle ait manifesté davantage d'intérêt pour les biens de sa famille en France que pour le commerce local. En dehors de ses activités militaires, sa vie tournait autour de sa femme, fille d'un financier de Québec, et de ses huit enfants. Au moins deux de ses fils embrassèrent la carrière militaire.
L'entrepôt voisin de la résidence fut loué en 1744 pour servir de prison aux Anglais capturés à Canso. Sans doute en raison des désagréments que causait la vie à proximité de la prison, de la Pérelle se vit attribuer, cet été-là, un logement situé à un autre endroit de la ville, et ce, aux frais du Roi.
On trouve dans la cour une étable et un jardin.
La propriété Duhaget (17C-1)
Cette maison, construite par l'officier militaire Robert Duhaget (v. 1702-1757), était l'une des plus qrandes habitations privées de Louisbourg. Construite l'année même du mariage de Duhaget, ses dimensions semblent indiquer que le couple espérait y élever une famille nombreuse. Malheureusement, l'union se révéla stérile et, à partir de 1741, une partie de la maison, donnée en location, abrita des logements et des bureaux gouvernementaux.
Né dans le midi de la France, Duhaget passe près de trente ans de sa vie à servir comme officier sous le dur climat de Louisbourg. Sa carrière fut marquée par des promotions régulières; il s'adonnait occasionnellement au commerce. Après avoir servi à titre de commandant de place durant quatre ans, il rentra en France, la santé ruinée, à la fin de 1757 et mourut peu après.
Réserve de bois (17D-1)
Le bois de feu était indispensable à la survie dans l'Isle Royale. Afin de créer une réserve centrale, les fonctionnaires royaux exproprièrent cet emplacement et y firent construire une haute clôture de piquets percée d'une porte. Durant les années 1740, les achats annuels de bois s'établissaient à 620 cordes, soit une dépense de près de 10 000 livres en fonds royaux. Le bois destiné à la boulangerie, aux chambres des officiers, aux postes de garde, aux batteries, à la caserne et aux bureaux royaux était payé à même cette allocation.
I1 est possible que la petite construction de poutres verticales ait hébergé un tonnelier et un commis de l'entrepôt du Roi.
La glacière (17E-1)
Cette construction étrange, en forme de cône inversé, procédait d'une tentative de réfrigération. On trouve à l'intérieur une fosse qui, durant l'hiver, était remplie de glace couverte de paille. La saison chaude venue, la porte, placée du côté nord, n'était ouverte qu'entre le coucher et le lever du soleil, pour éviter que la glace ne fonde. Rien n'indique si le système fonctionnait ou pas; on cherchait en fait à assurer un approvisionnement en glace et à conserver la fraîcheur de la viande et d'autres denrées périssables aussi longtemps que possible. La glacière fut endommagée durant le siège de 1745.
Îlot 46
Au XVIIIe siècle, cet emplacement ne portait pas le nom d'"Îlot 46". C'est une désignation commode donnée par les fonctionnaires du Service canadien des parcs.
Four à chaux (46-2)
Les fours comme celui-ci étaient chauffés au bois et servaient à produire la chaux, élément de base du mortier au XVIIIe siècle. La pierre à chaux était calcinée et réduite à l'état de chaux vive; celle-ci était ensuite placée dans des puits d'extinction adjacents, et, plus tard, mélangée à du sable, ce qui donnait le mortier utilisé dans les constructions de pierre. À Louisbourg le sol mêlé au sable de la plage empêchait le mortier de durcir convenablement.
Joseph Lartigue se plaignait de ce que les émanations du four nuisaient à sa santé et que le feu menaçait ses bâtiments. Le four fut détruit lors du siège de 1745.
La propriété Lartigue (46-1)
Cette maison était l'une des plus admirées de la ville. Son propriétaire, Joseph Lartigue (v. 1683-1743), était un marchand, membre du Conseil supérieur et juge au tribunal civil inférieur. Parce qu'il était juge, les sessions du tribunal inférieur se tenaient en général chez lui. Venant de Plaisance (Terre-Neuve), Lartigue arrive à Louisbourg en 1713 où il s'établit. Sans doute en raison de sa position sociale, il ne fut pas, contrairement à d'autres citoyens, obligé de se déplacer lorsque Louisbourg fut réorganisé en îlots en 1719.
I1 eut au moins douze enfants, dont une fille, qui épousa Michel Rodrigue, marchand à Louisbourg. Après la mort de Lartigue, ses fils reprirent son commerce à leur compte. La famille s'embarqua pour la France en 1745 et tous ses membres, à l'exception d'une fille, revinrent dans la colonie en 1749. Madame Lartigue vécut jusqu'en 1763; elle était l'un des rares colons à avoir assisté à la fondation et à la chute de Louisbourg.
Îlot 3
C'est dans ces îlots que furent construits certains des plus anciens bâtiments de Louisbourg : une boulangerie, un hôpital ainsi que le couvent et la chapelle des Récollets. La chapelle des Récollets fit office d'église paroissiale jusqu'à ce qu'elle soit remplacée par la chapelle située dans la caserne du Bastion du Roi, dans les années 1730. Près de la résidence des frères se trouve le terrain mis de coté en vue de la construction de l'église paroissiale de la ville, qui ne fut d'ailleurs jamais entreprise.
Deux bâtiments ont été reconstruits dans cet îlot; la maison de Jean La Grange, médecin-major de Louisbourg et de son gendre et successeur Jean Bertin, ainsi que la maison et l'entrepôt de la famille Beauséjour, qui exploitait une taverne appelée "Le Billard", si l'on en croit un plan datant du XVIIIe siècle.
Îlot 4
Après 1720, cet îlot eut une vocation résolument commerciale. Tous ses habitants s'adonnaient au commerce. La diversité des ateliers, des entrepôts et des maisons de commerce témoigne de la vitalité du commerce à Louisbourg et de la richesse de certains de ceux qui s'y adonnaient. La famille Delort avait la richesse ostensible; Louis Delors laissa un héritage évalué à quelque 90 000 livres à sa mort en 1753. Les autres propriétés appartenaient aux marchands Claude Morin, Blaize Cassagnolles et Bernard Detcheverry, ainsi qu'à Maurice Santier, boucher et aubergiste.
Isle du Ouay
Bien que ce soit là qu'on trouve certains des premiers bâtiments construits à Louisbourg, l'Isle du Quay s'est développée presque par accident. On voulait à l'origine avoir un front de quai entièrement ouvert, mais les fonctionnaires royaux modifièrent plus tard leurs plans.
L' Isle du Quay était un secteur commercial. On y trouvait quelques résidents, comme Nicolas Baron, marchand et habitant pêcheur, et la veuve Chevalier, couturière, mais la plupart des bâtiments étaient des entrepôts appartenant à des marchands et à des commerçants qui habitaient en un autre endroit de la ville. Peu avant la chute de la colonie, une partie de ce secteur servait à l'entreposage du charbon.