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Researching the Fortress of Louisbourg National Historic Site of Canada
  Recherche sur la Forteresse-de-Louisbourg Lieu historique national du Canada

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Peinture

by Christian Pouyez

In Historians,
Preliminary Architectural Studies,
Volume 03, Unpublished Report HG 02
(Fortress of Louisbourg, 1972,
Report Number H G 02 03 02)


Dans ce rapport préliminaire, nous aborderons, dans la mesure où la documentation présentement disponible le permet, trois problèmes relatifs à la peinture: la fréquence d'utilisation des peintures, à l'intérieur et à l'extérieur, sur les bâtiments publics et privés, les types de peinture utilisés, et finalement la gamne des couleurs utilisées à Louisbourg.

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FRÉQUENCE D'UTILISATION
DE LA PEINTURE

Des quelques informations dont nous disposons, on peut déduire que la peinture était utilisée aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur.

A l'extérieur, on peinture les bois qui sont exposés aux intempéries: ainsi, dans le bail de la maison Duhaget à Daniel Augier, il est convenu entre les parties:

qu'ils feront peindre lad. te maison, à frais communs; c'est à dire que led. t s r Duhaget fera donner la première couche cette année dans les dehors de lad.te maison, et led.t Sr Augier, la seconde couche l'année prochaine [NOTE 1].

En 1739, Sabatier, commis des fortifications, recommande de faire peinturer tous les bois exposés, sur les propriétés du Roi, tels que "portes, contrevents, barrières, garde-corps, guérittes ... ", et même de peinturer les canons eux mêmes, pour les préserver de la rouille [NOTE 2]. En 1740, Bourville et Bigot recommandent de faire peinturer "en gros rouge", plutôt que goudronner, les batteries de Louisbourg, [PAGE 3:]

ayant ici l'expérience que le bois se conserve mieux peint que goldroné, le goldron tombant par écaille [NOTE 3].

Ces diverses recommandations furent certainement suivies, si on en juge par les nombreuses mentions d'huile delin, d'huile de noix et de couleurs, dans les inventaires du magasin des vivres [NOTE 4]. Il semblerait même qu'à partir des années 1740, on ait fait régulièrement usage de peinture, sur les bois extérieurs; c'est ce que laisse à entendre une lettre de Bigot à Maurepas dont nous citerons ici un extrait:

l'huille que j'avois demandé pour peindre les affuts des cannons des batteries a entièrement coulé a peu de choses près. Il est facheux qu'on ne prenne pas à Rochefort les précautions nécessaires pour éviter ces accidents. Le seul moyen de conserver les bois exposés à l'air dans ce pays cy est de leur donner régulierement touts les ans une couche de peinture ce qu'on ne poura faire l'année prochaine [NOTE 5].

Les peintures intérieures, d'autre part, étaient utilisées davantage dans un but décoratif que pour la protection des matériaux: dans les deux seuls cas que nous connaissons, la peinture, qui était en fait un lait de chaux, fut appliquée sur un revêtement de mortier. Ainsi, la maison du Sr Pierre Aurieu, aubergiste, était, au premier étage,

bien listellé et crépy en chaux et terre grasse Blanchie à la Letense de chaux [NOTE 6].

De même, dans la maison que construisit Dubenca pour Mr Beaubassin en 1756, il était prévu que le pourtour de la cuisine devait être [PAGE 4:]

garni de piquets equarri crépi de terre grasse, et pardessus de mortier, et blanchi à la chaux,

et quant au premier étage, il devrait être

pareillement piqueté comme celuy du Rez de Chaussée enduit de terre grasse et crépi de mortier et Blanchyau lait de chaux... [NOTE 7].

Il ne faudrait cependant pas conclure, de ces quelques exemples, que l'emploi de la peinture était généralisé à Louisbourg. En fait, on ne peut qu'être surpris du petit nombre de renseignements, et même de simples mentions, concernant la peinture: mis à part les documents concernant les bâtiments publics, on n'a trouvé que quatre mentions plus ou moins explicites de peinture, alors qu'on sait que la documentation dépouillée à ce jour englobe plus d'une centaine de maisons. Cette situation tient-elle à la nature des sources utilisées? Nous endoutons, car dans l'ensemble, inventaires aprés décés et devis de construction sont des documents très précis très détaillés, et il est probable que si la peinture avait été largement utilisée, on y ferait référence, directement ou indirectement, beaucoup plus souvent. La situation est évidemment différente pour les bâtiments du Roi, comme nous l'avons signalé plus haut.

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TYPES DE PEINTURES UTILISÉES

Peinture à l'eau et peinture à l'huile sont également utilisées à Louisbourg. En ce qui concerne la peinture à l'eau, on doit distinguer soigneusement entre bâtiments publics et maisons privées. Dans les premiers, on employait fréquenunent la peinture en détrempe, peinture à l'eau à base de blanc d'Espagne et délayée dans une colle ou toute autre matière gélatineuse qui la rend adhérente: on trouve, dans les inventaires du [PAGE 5:] Magasin des Vivres pour 1738 et 1739, deux articles consacrés au "blanc d'Espagne": on en signale un stock de 217 livres pesant en 1738, de 25 livres pesant en 1739 [NOTE 8]. Dans les maisons privées, il semble qu'on ait employé une peinture moins coûteuse et qui demandait moins de travail: le lait de chaux. On ne peut cependant généraliser, car les deux seuls exemples que nous possédions pour le moment sont ceux mentionnés ci-dessus, pour les maisons du Sr Pierre Aurieu et de Mr Beaubassin.

Quant à la peinture à l'huile, on l'employait surtout pour les extérieurs, mais aussi pour diverses piéces d'équipement militaire - les caisses des tambours des Compagnies Franches, par exemple - et pour la ferronnerie: on ne possède pas de document mentionnant explicitement que les ferronneries étaient peintes, mais on a plusieurs mentions de "noir de fumée" [NOTE 9], couleur qui était principalement utilisée pour les ferronneries intérieures et extérieures [NOTE 10]. On peut sans doute en inférer qu'une partie au moins de la ferronnerie était peinte.

Les peintures à l'huile étaient préparées avec de l'huile de noix ou de l'huile de lin, qu'on faisait bouillir avec de la litharge afin d'en augmenter les qualités siccatives [NOTE 11]. On y mélait ensuite du blanc de céruse pour obtenir la peinture de base. Chose curieuse nous n'avons trouvé dans les documents consultés aucune mention d'essence de théré- bentine, pourtant indispensable pour diluer les peintures: il semble peu probable qu'on ait toujours appliqué de la peinture pure: les premières couches, surtout, devaient être éclaircies à la thérébentine afin de permettre au bois de bien s'imbiber.

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LES COULEURS

La gamme des couleurs était assez variée: on trouvera ci dessous la liste des couleurs mentionnées dans les divers documents utilisés nour cette [PAGE 6:] étude. La plupart des mentions sont tirées de l'inventaire de Charles Yves Duval, menuisier, et des inventaires du magasin des vivres. Nous mentionnons entre parenthèse les quantités totales, et nous les faisons précéder du signe "+ " lorsque les quantités ne sont pas toutes connues.

COULEURS A L'EAU

(1) Blanc d'Espagne: 257 livres pesant

(2) Chaux: n.a.

COULEURS A L'HUILE

(1) Blanc d'Azur: +487 livres pesant

(2) Cendre bleue: n.a.

(3) Ocre jaune: 20 livres pesant

(4) Ocre rouge: +113 livres pesant

(5) Ocre jaune et rouge: 209 livres pesant

(6) Ocre rouge (dilué à l'huile): 929 livres pesant

(7) Mine de plomb rouge: 6 livres pesant

(8) Vert: 6 livres pesant

(9) Noir de fumée (poudre): 4 barils

(10) Noir de fumée (dilué à l'huile): 111 livres pesant

Si tant est qu'on puisse tirer des conclusions de ces quelques indica- tions, il semblerait que les couleurs jaune et rouge étaient les plus fréquemment utilisées, aussi bien sur les bâtiments publics que privés: dans l'inventaire de Duval, on trouve plus d'ocre jaune et rouge que de toute autre couleur. Les grandes quantités de blanc de céruse ne donnent évidemment aucune indication quant aux couleurs, puisque le blanc était la peinture de base.

Signalons en terminant que dans un avenir que nous espérons rapproché, il sera possible de compléter cette étude par une analyse des plans et vues en couleurs de Louisbourg au 18 e siécle.

[PAGE 7:]

On trouvera en annexe

(1) un lexique définissant certains termes techniques utilisés dans ce rapport.

(2). l'inventaire après décès de Charles-Yves Duval.

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ANNEXE 1: LEXIQUE

(1) CENDRE BLEUE

Couleur obtenue en précipitant par de la potasse l'oxyde contenu dans une dissolution de nitrate de cuivre et en broyant le résidu avec de la chaux - (CHABAT, DICTIONNAIRE DES TERMES EMPLOYÉS DANS LA CONSTRUCTION, T.I., ARTICLE "CENDRE").

(2) CÉRUSE (BLANC DE)

Carbonate de plomb obtenu par exposition de plaquettes de plomb à la vapeur de vinaigre. Il se transforme alors en poudre, qui est employée comme base blanche des couleurs à l'huile. (DIDEROT, ENCYCLOPÉDIE, VOL. II, ARTICLE "BLANC DE PLOMB", VOL. III, ARTICLE "CERUSE" - CHABAT, DICTIONNAIRE..., T.I., ARTICLE "CERUSE").

(3) HUILE GRASSE

C'est l'huile que les peintres mêlent à leurs couleurs pour les faire sécher. L'HUILE GRASSE est composée d'huile de noix ou de lin qu'on fait bouillir avec de la litharge; on laisse ensuite reposer la litharge et ce qui surnage est l'huile grasse (DIDEROT, ENCYCLOPÉDIE, VOL. VIII, ARTICLE HUILE).

(4) LAIT DE CHAUX

Peinture obtenue par l'extinction de la chaux dans une grande quantité d'eau. (CHABAT, DICTIONNAIRE..., T. I., ARTICLE CHAUX).

(5) LAITANCE

Synonyme de lait de chaux. [PAGE 10:]

(6) LITHARGE

Oxyde de plomb qui sert à rendre siccatives les huiles dans lesquelles on délaie les couleurs [NOTE 12]. (CHABAT, DICTIONNAIRE..., T. II, ARTICLE LITHARGE).

(7) NOIR DE FUMEE

Une des trois variétés de noir (noirs végétaux, noirs d'os, noirs de fumée). Substance obtenue par la combustion de résidus de résines. Le noir de fumée a l'apparence de la suie. Il se mélange parfaitement aux peintures à l'huile, et on l'utilise le plus souvent pour peindre les fers à l'intérieur des bâtiments. Le noir de fumée se vend en barils de bois. (CHABAT, DICTIONNAIRE..., T. II, ARTICLE NOIR - DIDEROT, ENCYCLOPÉDIE, VOL. XI, ARTICLE NOIR DE FUMEE).

(8) OCRE

Substance argileuse qui est coloriée en jaune, rouge ou brun par divers oxydes de fer qu'elle renferme dans des proportions diverses (DIDEROT, ENCYCLOPÉDIE, VOL. XI, ARTICLE OCHRES).

(9) PLOMB (MINE DE)

Au sens strict, la mine de plomb n'est autre que du graphite, minéral de couleur noire utilisé, selon Blondel, pour peindre les plaques de cheminée. Cependant, le document - unique malheureusement ou on parle de mine de plomb, spécifie qu'il s'agit de mine de plomb rouge. On peut donc se demander s'il ne s'agirait pas, dans ce cas, de minium. C'est ce qui nous semble le plus probable: le minium est un oxyde de plomb de couleur rouge orangée employé pour donner une première couche [PAGE 11:] preservatrice de la rouille aux fers. Le minium s'obtient par la calcination à l'air libre du massicot (protoxyde de plomb qui fournit également, lorsqu'il est chauffé au rouge, la litharge) (BLONDEL, COURS D'ARCHITECTURE, T. 6, P. 444-445. CHABAT, DICTIONNAIRE..., T. II, ARTICLE MINIUM).

ENDNOTES

[NOTE 1:] Bail à loyer: Robert Duhaget à Daniel Augier. Louisbourg, 20 juillet 1753. A.N., Section Outre-Mer, G3, carton 2041 suite, no. 41. [NOTE 2:] Lettre de Sabatier à Maurepas. Louisbourg, 12 novembre 1739. A.N.., Col., CIIB, vol. 21, fol. 179v. [NOTE 3:] Lettre de Bourville et Bigot à Maurepas. Louisbourg, 20 octobre 1740. A.N., Col., CIIB, fol. 43v. [NOTE 4:] Voir le memo rédigé par Blaine Adams le 30 mai 1969. [NOTE 5:] Lettre de Bigot à Maurepas. Louisbourg, 21 novembre 1743. A.N., Col., CIIB, vol. 25, fol. 150. [NOTE 6:] Devis d'une maison. Louisbourg, 26 juillet 1754. A.N., Section Outre-Mer, G3, carton 2042, no. 69. [NOTE 7:] Marché entre Mr Beaubassin et Dubenca. Louisbourg, 30 mai 1756. A.N., Section Outre-Mer, G3, carton 2044, no. 53. [NOTE 8:] Blaine Adams, Memo Sur la peinture, p. 4. [NOTE 9:] (i) Succession de feu Charles-Yves Duval, menuisier. Louisbourg, 19 mai 1733. A.N., Section Outre-Mer, G2, vol. 182, f. 730. (ii) "Balance de la recette et consommation faites dans les magasins du Roy a l'Isle Royalle pendant l'année 1738." Louisbourg, 2 novembre 1739. A.N., Col., CIIB, vol. 21, fol. 196. (iii) "Balance ... pendant l'année 1739." Louisbourg, 1 er janvier 1740. A.N., Col., CIIB, vol. 21, fol. 246. [PAGE 13:] [NOTE 10:] J.F. Blondel, Cours d'architecture (Paris, V ve Desaint, 1777), Tome 6, p. 445. Chabat, Dictionnaire des termes employés dans la construction (Paris, Morel, 1875), Tome 2, Article "NOIR". [NOTE:11] On trouve mention d'huile de lin et de litharge dans l'inventaire des effets de feu Charles-Yves Duval (A.N., Section Outre-Mer, G2 vol. 182, fol. 730); on a une mention d'huile de noix dans un seul document: Compte avec Madame Demaret, Louisbourg, a.d. Archives de la Marine, C7, 184, Dossier Levasseur. L'huile d'oeillette était peut-être utilisée également, mais nous n'en avons pas trouvé de mention. Pour les bâtiments du Roi, les peintures étaient presque toujours à base d'huile de lin (Balance de la recette ... pour 1724 à 1730, Louisbourg, 30 avril 1731. A.N., Col., CIIB, vol. II, fol. 205v. Balance ... pendant l'année 1738. Louisbourg, 2 novembre 1739. A.N., Col., CIIB, vol. 21, fol. 196. Pratiquement toutes les "Balances" mentionnent degrandes quantités d'huile de lin. Trés peu d'huile de noix). [NOTE 12:] En 1756, le sieur Fizel reçut 36 livres pour vingt deux livres et demie de litharge qu'il a fourni pour mettre dans les "peintures qui ont été employées dans les maisons de sa majesté en ce port...." A.N., Col., CIIB, vol. 36, fol. 212.

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