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Researching the Fortress of Louisbourg National Historic Site of Canada
  Recherche sur la Forteresse-de-Louisbourg Lieu historique national du Canada

AUBERGISTES ET CABARETIERS DE LOUISBOURG
1713 - 1758

PAR

GILLES PROULX

Août, 1972

(Fortress of Louisbourg Report H F 19)

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For these, please consult the original report in the archives of the Fortress of Louisbourg

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Table des Matières

CHAPTRE IV: LES BOISSONS

De par sa position stratégique a la croisée de routes commerciales, la forteresse de Louisbourg occupait une position de choix en ce qui a trait au commerce et à la consommation des vins et alcools. Port de transit entre l'Europe, les Antilles, le Canada et la Nouvelle-Angleterre, Louisbourg pouvait recevoir de grandes quantités comme aussi de simples échantillons de chaque sorte de vins et autres spiritueux consommés à l'époque. La grande inclination d'une bonne partie de la population vers la boisson a déjà éte établie. Si le besoin d'évasion constitue une des raisons majeures de cette tendance, il ne faudrait pas oublier pour autant le facteur culturel. Les Français étaient habitues à consommer du vin en prenant leurs repas, [77] et, l'eau de Louisbourg n'étant pas des meilleures, l'habitude demeurera. Mais quelles étaient les boissons consommées dans les établissements hôteliers et dans les maisons de Louisbourg et d'où provenaient-elles? Comme je l'indiquais en note liminaire, ce chapitre sur les boissons ne s'intéresse pas uniquement à ce qui était vendu dans les auberges et cabarets mais à la boisson en général à Louisbourg.


77 Bauroy, Jacques. "Note sur les boissons et l'importation de vins du Midi et d'Espagne en Nouvelle France" in Annales du Midi, tome 83,
no. 104, oct.-déc. 1971.


Le rhum, les eaux de vie et le vin constituent les trois grandes catégories de boissons importées et consommées à Louisbourg. Il ne subsiste plus que sept des tableaux du commerce [78] dressés au XVIIIe siécle et qui indiquent les quantités de boissons importées et exportées à Louisbourg (tableau X). Bien que cela ne couvre qu'un nombre assez restreint d'années, on peut quand même y voir un certain ordre de grandeur. Ainsi le rhum est la boisson la plus en faveur, les importations atteignent un sommet de 8998 barriques en 1753. Le vin arrive en deuxième position avec un maximum de 4411 barriques en 1754 tandis que les eaux de vie semblent les moins en demande avec seulement 5352 veltes en 1753. Cette boisson n'est cependant pas toute consommée à Louisbourg, une certaine partie étant réexportée vers le Canada et surtout la Nouvelle-Angleterre. Quant à l'origine de ces boissons, le rhum, que l'on semble à l'époque appeler indifférement taffia ou guildive, provient surtout des Antilles et le vin de France. Les eaux de vie se partagent assez également entre ces deux points d'origine.

Les importations et les exportations de ces trois catégories de boissons, compte tenu des données chiffrées que révèlent les tableaux du commerce, atteignent leur apogée vers 1753 et 1754 pour ensuite connaître un déclin assez rapide par la suite. C'est lâ un phénomène qui peut sembler assez étrange puisque la population de Louisbourg est beaucoup plus élevée entre les années 1755-1758, [79] et, partant, la consommation aurait dû être


78 Tableaux du commerce. Louisbourg, 1740 à 1756. AN, Col, F2B, vol. 11, pp. 5-39.

79 C'est en 1755 qu'arrivent à Louisbourg plus de 1000 soldats d'infanterie des régiments d'Artois et de Bourgogne.


Tableau X: COMMERCE DES BOISSONS*
[Editor - Original 1972 H F 19 Table and later MRS 136 Update]

DATES EAU DE VIE RHUM VIN
  I E I E I E
1740 - 200 2308 785 115 -
1750 - - - 2595 - -
1751 - - - - - -
1752 1000 700 4953 632 1932 193
1753 5352 - 8998 664 2781 -
1754 240 440 4476 214 4411 460
1755 - 80 - 55 - 76
1756 431 360 - 10 923 -

* = Toutes les quantités dans ce tableau sont exprimées en barriques à l'exception de celles de l'eau de vie données en veltes


Graphique sur le commerce des boissons

[futur]


plus forte. Il est possible que les stocks accumules en 1753 et 1754 aient été assez importants pour que l'on importe beaucoup moins dans les années suivantes. L'explication la plus logique se trouve probablement dans la tension internationale de l'époque. Louisbourg ne sera assiégée qu'en 1758,
mais la guerre était officiellement déclarée depuis 1756. [80] En fait, avec toute la piraterie de l'époque, [81] le commerce maritime ntait plus très sur depuis la fin de 1754.

En sien tenant strictement à l'aspect consommation de la boisson à Louisbourg, on peut avancer les proportions suivantes pour les trois catégories de boissons: le rhum: 60%, le vin: 37% et l'eau de vie: 3% seulement (tableau XI). Les différentes séries de documents consultées pour ce travail référaient très souvent à des achats, ventes ou simplement entreposages de boissons. Toutes ces références m'ont permi d'établir des tableaux de données brutes où toutes les variétés de boissons ainsi que les quantités disponibles, à Louisbourg de 1713 à 1758, étaient précisées. Ces données furent par la suite regroupées selon les différents types de boissons et vins. Les pourcentages mentionnés plus haut furent calculés a partir de ces regroupements. Comme cela inclut aussi les quantités de boissons importées, il y a sûrement des doubles emplois dans les références que j'ai utilisé. Si par contre l'on ne considère que le solde des importations et exportations les proportions deviennent: 61% pour le rhum, 37% pour le vin et 2% pour l'eau de vie. Ces minimes variations de pourcentage excuseront, je l'espère, ma hardiesse méthodologique.


80 McLennan, J.S. Louisbourg from its foundation to its fall. Sydney, 1969, p. 199.

81 Nombreux sont les navires, allant ou revenant de Louisbourg, qui seront saisis par les Anglais dès 1755. P.R.O., High Court of Admiralty: 30-32.


A ces trois catégories de boisson lion peut ajouter aussi le cidre en provenance de France, mais en quantité limitée, et la bière d'épinette de fabrication locale.

On penserait, a première vue, que la bière, étant produite localement, serait très demandée dans les auberges et cabarets de Louisbourg. Je n'ai cependant relevé que deux références à de la bière dans des cabarets, soit dans l'inventaire de Pierre Lorant, [82] et, second exemple, un client qui boit une chopine de bière en prenant son repas. [83] En conséquence la clientèle demandait surtout du vin, du rhum et de l'eau de vie. La bière à Louisbourg devait plutôt être réservé à la consommation domestique et non à la vente.

A l'exclusion des vins d'Espagne, ceux de Rancio et Malaga, les seuls vins consommés par la population en général sont d'origine française. Il existe pour 1744 des mentions de vins d'Angleterre, d'Italie, d'Afrique du Sud et de l'île de Chypre mais ces vins se retrouvent dans la cave du gouverneur Duquesnel exclusivement. [84] Quant aux vins français, douze régions viticoles françaises sont représentées dans les vins consommés à Louisbourg. A ces douze variétés de vins, il faut ajouter le muscat, dont on ne sait s'il vient du Langedoc, d'Alsace ou d'ailleurs. Le manque de précision des documents interdit de faire un classement des vins selon leurs qualités ou leurs types: rouge, blanc, rose et cuit. C'est mal heureux puisque c'est au XVIIIe siècle que naissent et s'affinent les


82 Cf. note no. 64-16.

83 Cf. note no. 63-1.

84 Inventaire des biens de Duquesnel. Louisbourg, 1744. AN, Section Outremer, G2, vol. 199, d. 189.


Tableau XI: CONSOMMATION DES BOISSONS A LOUISBOURG
[Editor - Original 1972 H F 19 Table and later MRS 136 Update]

I - Rhum, taffia, guildive
- Eau de vie
- Vin

II - Vin
- Vin (sans spécification)
- Vin blanc
- Vin rouge
- Vin d'Angleterre
- Vin Espagnols
- Vin d'Afrique du Sud
- Vin d'Italie (Florence)
- Vin de Bordeaux
- Vin de Rhône
- Vin d!Anjou
- Vin de Cascogne
- Vin du Jura
- Vin de Navarre
- Vin de Provence
- Vin du Languedoc
- Vin de Bourgogne
- Vin de la Loire
- Vin d'Aunis-Saintonge
- Vin de Champagne
- Vin muscat

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16003*
    976
10302

10302
    250
    100
    278
        2
      32
        1
        4
  8019
       8
       5
     68
       6
   100
   775
     25
       1
   197
   428
       3
     25

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58.6598%
03.5775%
37.7625%

100%
02.4226%
00.9706%
02.6985%
00.0194%
00.3106%
00.0097%
00.0388%
77.8392%
00.0776%
00.0485%
00.6600%
00.0582%
00.9706%
07.5228%
00.2426%
00.0097%
01.9122%
04.1545%
00.0291%
00.2426%

* Toutes les quantitées exprimées ici le sont en barriques.


grands crus et qu'apparait la notion de terroir pour distinguer les vins. 85

A Louisbourg, comme en France à la même époque, les vins de Bordeaux sont les plus populaires (tableau XI). Avec un pourcentage de 77% des vins consommés, le Bordeaux laisse loin derrière les vins de Provence avec 7% et d'Aunis-Saintonge avec 4%. F.G. Pariset écrit que le vin de Bordeaux, soutenu par un négoce entreprenant, acquit au XVIIIe siècle une réputation 86 hors de pair. La population de Louisbourg ne semble pas avoir fait mentir cette réputation. Avec les trois déjà mentionnées, les régions viticoles françaises représentées à Louisbourg sont le Rhône, l'Anjou, Gascogne (Tursan et Cap Breton) [87] le Jura, la Navarre, le Languedoc (Frontignan), la Bourgogne, la Loire et la Champagne. A une ou deux exceptions près toutes ces régions sont de l'ouest et du sud de la France. En fait ce sont là les régions les plus immédiatement en contact avec les ports de Marseille, Bayonne, Bordeaux et Rochefort, c'est à dire les ports de mer qui entretiennent des relations commerciales avec Louisbourg et les Antilles. Que ces régions ouest et sud de la France soient les seules représentées à Louisbourg est facilement compréhensible, compte tenu de l'état pitoyable des communications routières en France dans la première moitié du XVIIIe siècle.


85 Pariset, F.G. Bordeaux au XVIIIe siècle. Bordeaux, 1968, pp. 155-165.

86 Cf. note no. 85.

87 Ce Cap Breton est une localité située à une vingtaine de kilomètres au nord de Bayonne, a la frontière de la Gascogne. Institut géographique national, Paris. Carte générale de la France dressée par L. Capitaine. Feuille no. 18.


Les différents types de vin, mis sur le marché, permettent donc aux aubergistes et cabaretiers de Louisbourg de s'approvisionner des vins les meilleurs comme sans doute de vins plus communs. Le vin sans spécification qui représente environ 2% de la consommation est sans doute un vin de cépage assez grossier. A en juger par les données chiffrées, avancées dans ce chapitre, il est permis de croire qu'on trouve à Louisbourg de quoi satisfaire la demande dans le domaine des boissons. Les importations croissent jusqu'en 1754 permettant de satisfaire une population très encline à la consommation de spiritueux; une clientèle plus exigeante peut également choisir entre les différentes variétés et qualités de vins et alcools disponibles.

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