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Researching the Fortress of Louisbourg National Historic Site of Canada
  Recherche sur la Forteresse-de-Louisbourg Lieu historique national du Canada

ETUDE SUR LE COSTUME MILITAIRE A LOUISBOURG: 1713-1758

PAR

GILLES PROULX

APRÈS MAI, 1971

Rapport H-F17R

[Projet de révision de H-F17]

Forteresse-de-Louisbourg

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2e PARTIE

LES TROUPES AUXILIAIRES

A) Les soldats suisses (1722-45)

L'histoire militaire de Louisbourg sera marquée de 1722 à à1745 par la présence de soldats suisses faisant partie du régiment du chevalier de Karrer. Le premier détachement totalisait 50 hommes [1]; ce nombre devait être doublé en 1724 [2] et finalement porté à 150 en 1741. [3] Nourris et loges par le gouvernement français, ces soldats étaient cependant payés et habillés par leur colonel et propriétaire, le chevalier de Karrer. [4] Ce fait explique la rareté des documents dans les archives gouvernementales concernant l'habillement de ces soldats.

La constitution du régiment de Karrer avait été autorisé en novembre 1719, et ces soldats devaient entrer au service de l'infanterie française. [5] Cette création devait probablement répondre aux impératifs de la guerre franco-espagnole de 1719-1721. On peut d'ailleurs noter que le recrutement, par la France, de régiments étrangers fut une mesure assez populaire sous les règnes de Louis XIV et de Louis XV, le recrutement de Suisse s'y affirmant également comme le plus stable. L'engagement d'étran-


1 Conseil de la marine à Beauharnois. Paris, 10 mai 1722. AM, Rochefort, 1E, vol. 99,, fol. 533.
2 Beaucours au ministre de la marine. Louisbourg, 1 août 1724. AN.. Col., C11B, vol. 7, fols. 76-77.
3 Le Roi à Duquesnel et Bigot. Marly, 17 mai 1741. AN, Col., B, vol. 72, fols 431-431v.
4 Conseil de la marine à Beauharnois. Paris, 10 mai 1.722. AN, Col., B, vol. 45, fols 76v-77.
5 Lemau de La Jaisse. Septième Abrégé de la carte générale du militaire de France. Paris, 1741, p. 99.
6 Corvisier, André. L'armée française de la fin du XVIIe siècle au ministère de Choiseul, le soldat. Paris, 1964, t. I, pp. 259-263.


gers, dans l'armée française, offrait des avantages politiques certains. C'était là une excellente méthode pour améliorer les relations entre la France et les pays d'où provenaient ces soldats; on enlevait des soldats potentiels à des nations ennemies, le cas des Suisses est patent à cet égard, et surtout on faisait l'économie de soldats français.

En 1721 le régiment de Karrer était transféré de l'infanterie à la marine. La compagnie colonelle devait continuer son service Rochefort, tandis que les deux autres compagnies étaient affectées aux colonies françaises des Antilles. La décision, d'envoyer un premier détachement de soldats suisses à Louisbourg en 1722, fut la résultante d'un besoin sans cesse croissant de travailleurs pour les fortifications qu'on érigeait à cet endroit. Ainsi, au point de départ, le choix de soldats, membres de la compagnies stationnée à Rochefort, devait être fait par l'ingénieur en charge des fortifications de Louisbourg, Verville. [8] C'est probablement pour respecter de plus prés l'esprit de la capitulation, liant le colonel François-Adam de Karrer au gouvernement français, que cette première décision fut renversée et le choix des soldats fut laissé à Karrer. On lui fit cependant remarquer que les soldats choisis devraient tous être propres au travail.

Pour en arriver à une description plus ou moins complète de l'habillement des soldats de Karrer au début des années 1740, il faut recourir au Septième abrégé militaire de Lemau de La Jaisse publié en 1741.


7 Lemau de La Jaisse. Septième Abrégé... p. 99.
8 Décisions du Conseil de la marine. Paris, 1 avril 1722. AN, Col, F2C, carton 3, fols 168-169.
9 Décisions du Conseil de la marine. Paris 28 avril 1722. AN, Col., F2C, carton 3, fols 213-217.


La description tracée par La Jaisse peut se détailler ainsi:

- Habit rouge.
- Doublure, parements, culottes-bleus.
- Veste bleue croisée avec doubles boutons et boutonnières blanches.
- Manches en bottes et petit colet bleu.
- Boutons d'étain façonnés.
- Chapeau bordé d'argent. [10]

Cette description de l'uniforme des soldats suisses est quasi identique à celle qui est donnée par l'historien Robert de Roquebrune, lequel parle cependant de doublure verte au lieu d'une doublure bleue, ajoute des guêtres, ainsi qu'une cocarde bleue et rouge. [11] On peut confronter cette dernière description à celle de L. Mouillard:

"L'habillement des soldats suisses, avant 1763, était fourni par les capitaines. I1 consistait en un grand habit de drap rouge garance, double de serge bleu de roi, parements, veste, culotte de drap, bleu, boutons d'étain plats. Le Chapeau bordé d'argent. Les sergents portaient l'habit bleu et les parements rouges. Les officiers l'habit rouge".

L'armement et l'équipement étaient semblables à ceux oui étaient en usage dans les régiments français. [12] Détail intéressant à noter concernant les tambours suisses, et que fournit Mouillard lorsqu'il traite des transformations subies par l'uniforme des soldats suisses en 1763:

"Les tambours continuèrent à porter la livrée du colonel, avec des galons cousus selon les ordonnances pour toute l'infanterie, mais leurs revers, parements et collets étaient de la couleur distinctive du régiment." [13]


10 Lemau de La Jaisse. Septième Abrégé... p. 125.
11 Robert La Rocque de Roquebrune, Uniformes et Drapeaux dans les régiments français au Canada sous Louis XIV et Louis XV dans Revue de l'Université d'Ottawa, 1950, p. 334. Contrairement à ce qu'affirme Roquebrune, le reégiment de Karrer ne servit pas à Louisbourg à deux reprises seulement en 1722 et 1737 mais il y tint garnison de façon continue de 1722 à 1745.
12 Lucien Mouillard, Les régiments sous Louis XV, Paris, 1882, p. 62.
13 Idem.


Une ordonnance royale, adoptée en 1726, permet, de se faire une bonne idée des structures hiérarchiques du détachement servant à Louisbourg. "Que le détachement de la Compagnie Colonelle oui sert à l'Ile Royale aura pour officiers un capitaine lieutenant, un lieutenant, un sous lieutenant et quatre sergens". [14] Rien ne permet de croire que cette organisation ait varié avant 1745. Quant au gros du détachement, il devait aussi comprendre en plus des simples soldats, six caporaux, deux trabans et deux tambours. [15] Malheureusement la documentation ne permet pas d'établir les différences pouvant exister entre l'uniforme du soldat et celles des officiers ou même sous-officiers. La seule indication que je possède dans ce domaine est la précision donnée par Lucien Mouillard qui accorde aux officiers un habit rouge, et aux sergents un habit bleu.

Dans les séries de documents que j'ai pu analyser, quelques renseignements, qui s'échelonnent sur la période 1726-1745, permettent de reconstituer au moins partiellement l'habillement et l'équipement des Suisses affectés au service de la forteresse de Louisbourg. La liste de ces éléments, que je joins ici, permet de corroborer les descriptions déjà citées. On y mentionne entre autres de la revêche bleue servant à la doublure des habits, des poires à poudre et des cartouchières. [16] Cela inclut également des chemises, des cravates et des souliers. [17] Et la liste se poursuit avec des camisoles, c'est là une pièce d'uniforme que l'on ne voit pas dans les Compagnies Franches, des culottes, colets, bas de laine, trois chapeaux au bord fin, trois plumets rouges, des guêtres,


14 Le Roi de France. Versailles, 5 février 1726. AN, Col., A, vol. 1, fols. 230-230v.
15 Le Roi de France. Capitulation avec le colonel Karrer. Morly, 9 octobre 1731. AN, Col., A, vol. 2, fol. 133.
lé Ministre. Passeport accordé au Colonel Karrer. 4 mars 1726. AN, Col., B, vol. 49, fols. 743v-744.
17 Ministre. Passeport accordé au Colonel Karrer. 19 mars 1726. AN, Col.,B, vol. 49, fol. 745.


ceinturons, sabres foureaux de sabres et baionnettes, courroies de fusils ainsi que les fournitures nécessaires pour garnir des tambours. [18] Les trois chapeaux à plumet rouge étaient sans doute destinés aux trois officiers commandant le détachement de Louisbourg. Le port de guêtres ainsi que le sabre apparaissent donc comme deux éléments distinctifs entre les Suisses et les membres des Compagnies Franches de Louisbourg. Ces derniers en effet, on le verra plus loin, portaient l'épée.

Un passeport accordé au colonel Karrer le 29 mars 1745, pour lui permettre de faire voiturer jusqu'au port de Rochefort des marchandises destinées à l'habillement des 350 soldats de la compagnie colonelle de son régiment, donne les détails suivants:

"637 aunes 1/2 de serge de Boisseson, bleu de Roy,
462 aunes 1/2 de toile rousse, d'aune de large,
1500 aunes 1/2 de toile blanche, d'aune de large,
300 paires de bas de laine blanche,
900 paires de souliers,
250 chapeaux bordés d'argent faux". [19]

Les Suisses servant à l'Isle Royale faisant partie de cette compagnie colonelle, voilà autant d'éléments qui pouvaient entrer dans la constitution de leur uniforme. On remarquera que la serge de Boisseson était, dans le cas des soldats des Compagnies Franches, utilisée seulement pour la veste et culotte du simple soldat. Quant à la toile rousse, elle servait uniquement pour la chemise et la confection des poches d'habit, et la toile blanche ordinairement pour les cravates. La confection de leurs


18 Gignaux au ministre. Rochefort, 25 mai 1729. AM, Rochefort, 1E, vol. 113, fol. 527.
19 Ministre à M. de Karrer, Versailles, 29 mars 1745. AN, Col., B, vol. 82, fol. 323.


uniformes devait également être réalisée à Rochefort puisqu'on y expédiait du matériel non taillé.

A ces quelques éléments d'information sur l'uniforme des soldats suisses je me permets d'ajouter un extrait d'une procédure criminelle instruite par le Conseil supérieur de Louisbourg en 1739 contre le jeune Jean Larue dit Gascon accuse du meurtre d'un soldat suisse, Anthony Stew. La victime ayant été dépouillée de ses vêtements par son agresseur, la preuve présentée au procès devait donner certains éléments intéressants concernant l'habillement de ce soldat. Lors de sa découverte le cadavre ne portait qu'une chemise et une camisole blanche. L'assassin devait ensuite reconnaître que, s'il n'avait point volé les souliers sauvages du dit Antoine, il lui avait volé ses culottes et qu'il les portait d'ailleurs présentement. "Et à l'instant lui avons fait oter lesd. culottes d'étoffe bleu façon anglaise avec trois boutons d'étain de chaque costé en bas desd. culottes, et un Bouton d'étoffe bleu à, la cinture de lad. culotte a deux boutonnières". [20]

Je ne saurais affirmer avec certitude qu'il s'agissait de vêtements faisant partie de l'uniforme des soldats suisses, puisque Stew se trouvait à la chasse lorsqu'il fut assassiné et qu'il pouvait trés bien porter de simples vêtements de travail. La couleur des culottes, la présence de boutons en étain, tout cela me laisse croire qu'il ne devait pas y avoir une grande différence entre une culotte d'uniforme ou de travail, si différence il y avait. Chose certaine, les renseignements donnés me semble intéresser une histoire du costume à Louisbourg. Aux points de vue de coupe et de style par exemple, les études sur le costume masculin au XVIIIe siècle permettent de réaliser la similitude entre l'habillement


20 Procès au criminel. de Jean Larue dit Gascon. Louisbourg, 18 mars 1739. AN, Section outremer, G2, vol. 185, fols 387-387v.


militaire et civil. [21] De même la mention de souliers sauvages nous donne un exemple de l'adaptation de l'Européen aux rigueurs du climat nord-américain .

Après la défaite de 1745, la forteresse de Louisbourg ne reverra plus les soldats suisses. Ils avaient, de 1722 à 1745, bien remplis leur rôle de travailleurs et de défenseurs, mais ils avaient aussi été causes de friction. L'exercice de l'autorité, par exemple, avait compliqué les relations entre le commandant suisse et les autorités coloniales de Louisbourg; le commandant suisse tenait à affirmer son indépendance et celle de ses hommes vis à vis les autorités de Louisbourg. [22] La participation active des soldats suisses à la mutinerie de décembre 1744 [23] fut finalement la cause majeure de leur non-retour dans la colonie après le traité d'Aix-la-Chapelle. Les autorités métropolitaines ne pouvaient courir le risque de renvoyer à Louisbourg un groupe de soldats qui avaient été jugés comme les instigateurs de la révolte. [24]

B) La compagnie de canonniers

Bien qu'une école de canonniers existât à Louisbourg depuis 1739 [25] et que depuis 1737 deux soldats par compagnie eussent été instruits à l'exercice du canon [26], ce ne fut que le 20 juin 1743 qu'une compagnie de trente (30) canonniers devait être créée par ordonnance royale [27] et

21 Waugh, Norah. The Cut of Men's... London, 1964.
22 Duquesnel à Maurepas. Louisbourg, 19 octobre 1741. AN, Col., C11B, vol. 23, fols. 60-64, 72-73.
23 Lettre d'un habitant de Louisbourg, Edité par George M. Wrong, Toronto, 1897 .
24 Duchambon et Bigot à Maurepas. Louisbourg, 31 decembre 1944. AN, Col., C11B, vol. 26, fols. 231-234.
25 De Forant et Bigot au ministre de la marine. Louisbourg, 30 octobre 1739. AN, C11B, vol. 21, fols. 09-12.
26 Maurepas à De Forant et Bigot. Versailles, 22 juin 1739. AN, Col., B, vol. 68, fol. 356.
27 Le Roi. Versailles, 1 avril 1748. AM, Rochefort 1E, vol. 145, fol. 331.


s'ajouter aux huit Compagnies Franches et au détachement de cent cinquante (150) Suisses qui y étaient déjà stationnés. De la fondation de la forteresse de Louisbourg jusqu'aux années quarante le service de l'artillerie avait été assume par quelques individus, connus habituellement sous les noms de maitre-canonnier et d'aides d'artillerie. En 1727 par exemple ce service était assuré par un maître-canonnier et six aides d'artillerie. [28] A compter de 1739, tout le détail de l'artillerie sera confié à un lieutenant d'une Compagnie Franche, Philippe de Sainte-Marie [29], et c'est à lui qu'incombera la tâche d'organiser systématiquement ce service.

Sa première responsabilité sera donc de former des gens compétents qui seraient en mesure de répondre aux besoins accrus de la défense de la forteresse de Louisbourg. Ces personnes devaient être capables d'utiliser des pièces de différents calibres, et de fabriques française et anglaise. Le tableau, qui suit, permet de donner une idée approximative des différentes pièces d'artillerie utilisées à Louisbourg, à des moments bien précis. Je n'indique dans ce tableau que le nombre de pièces pouvant être utilisées sans faire la distinction entre les pièces de fabrique française ou anglaise. On peut remarquer cependant que les pièces de plus fort calibre étaient généralement de façon française. Ainsi en 1732 tous les canons de calibres 18 à 36 sont français, tous les autres canons et les mortiers étaient eux de fabrique anglaise. [30]

C'est pour des raisons strictement utilitaires que les canonniers de Louisbourg portèrent un uniforme différent des membres des Compagnies Franches. Dès 1740, François le Contre de Bourville, gouverneur


28 De Mézy au ministre de la marine. Louisbourg, 26 novembre 1727. AN, Col., C11B, vol. 9, fols 103-107v.
29 De Forant au ministre. Louisbourg, 14 novembre 1739. AN, Col., C11B, vol. 21, fois. 68-68v.
30 LeGoff, Tim. Artillery at Louisbourg, inédit, Louisbourg, 1967. Le tableau X est base sur les documents de la série AN, Col., C11B, cites per
LeGoff .


 
TABLEAU X
 
ETAT DE L'ARTILLERIE A LOUISBOURG
 
 
CALIBRE DES PIECES 1721 1732 1745 1757
Canon de fer de 36 9 33 40 40
                       de 24 7 48 44 -
                       de 18 19 16 9 15
                       de 12 10 37 7 26
                       de 8 10 6 5 9
                       de 6 11 17 4 21
                       de 4 et 3 - - 34 37
                       de 2 et 1 1/2 - - 7 2
Canons de fonte - 6 6 -
Mortiers en fonte de 12 - 1 3 4
                               de 9 - 2 2 2
                               de 7 - 2 - -
                               de 6 - 1 3 3
Mortiers en fonte (sans spécification) 6 - - -
Mortiers en fer (sans spécification) 1 1 1 1
Mortiers greniers 1 1 - -
Perriers - - 45 -
 
     

[Figure 1: See original in the Fortress of Louisbourg Archives: Proportions des Longueurs & Diametre des Rensorts des Canons de Fer]


intérimaire et François Bigot avaient décrit le genre d'habillement [3l] qu'ils souhaitaient voir adopter pour ce corps, Leurs propositions reprenaient pour l'essentiel l'habillement que toute l'artillerie française avait adopté en 1722, soit l'habit bleu à distinctions rouges qui avait l'avantage d'être plus convenable au service de l'artillerie que l'habit blanc porté auparavant. [32]

En approuvant en 1742 l'idée de créer une compagnie de canonniers, le ministre Maurepas agréait l'habillement propose par les autorités coloniales et promettait de le faire passer dés 1743 à l'Isle Royale. [33] Finalement, ce ne sera qu'au printemps de 1744 que la nouvelle compagnie pourra jouir de l'habillement et de l'équipement qu'on accordait aux soldats de l'artillerie française. [34] Fait assez paradoxal., cet habillement n'était pas conforme à celui qu'avait prévu l'ordonnance créant la nouvelle compagnie, un habit rouge à distinctions bleues. [35] Contrairement à ce qui se passait dans les Compagnies Franches le grand habillement ne devait être fourni aux canonniers qu'à tous les trois ans, le petit habillement leur étant envoyé à tous les ans dans l'intervalle. [36]

La soumission, faite par le Sr. Jacques Framery, munitionnaire général des vivres de la marine, pour la fourniture de l'habillement de la nouvelle compagnie de canonniers et acceptée par Maurepas à l'autonne de 1743, permet de donner une description assez bien détaillée de ce que portèrent sergents, caporaux, tambours et simples canonniers à Louis-


31 Bourville et Bigot au ministre de la marine. Louisbourg, 20 octobre 1740. AN, Col., C11B, vol. 22, fols 47-48.
32 Susane, L.A.U.V. Histoire de l'artillerie française. Paris, 1874, p. 165.
33 Maurepas à Duquesnel et Bigot. Versailles, 15 juin 1742. AN, Col., B, vol. 74, fols. 584-584v.
34 Commis de la marine au ministre. Rochefort, 5 novembre 1743. AN, Col., F1A, vol. 34, fols. 176-181v.
35 Duquesnel et Bigot au ministre. Louisbourg, 7 novembre 1743. AN, Col., C11B, vol. 26, fols. 236-38.
36 Idem.


bourg. [37] Malheureusement comme dans le cas des-officiers des Compagnies Franches, aucun document ne permet de connaître quoi que ce soit de l'habillement du Capitaine Philippe Joseph d'Allard de Sainte-Marie et lieutenant Louis-Félix Vallée, premiers officiers de cette compagnie. [38] La compagnie n'avait pas d'enseigne.

1- L'uniforme du sergent:

Le justaucorps du sergent était confectionné de drap fin bleu, et double de serge de Marvéjols écarlate; les revers de l'habit étaient de drap écarlate. Les manches étaient parées d'un galon d'argent formant un double rang, et l'habit se complétait de trois douzaines de gros boutons de métal d'Allemagne argenté.


TABLEAU XI

Sergent: Métrages des tissus du justaucorps

Matériel Longueur Largeur Poids Prix/Unité
Drap bleu 2 aunes 1 1/4 aune - 16 l.
Drap écarlate 1/3 d'aune - - 16 l. 10s.
Serge 5 1/2 aunes - - 1 l. 5s.
Galon 1 3/4 aune - 2 onces et 1/2 gros 6 l. 10s. l'once

 


La veste était coupée dans du drap écarlate et doublée de serge de Marvéjols aussi écarlate; elle se boutonnait de trois douzaines de petits boutons argentés,


37 Commis de la marine au ministre. Rochefort, 5 novembre 1743. AN, Col., F1A, vol. 34, 176-181v.
38 Maurepas à Duquesnel et Bigot. Versailles, 15 juin 1742. AN, Col., B, vol. 74, fols. 584-84v. Registres paroissiaux, Louisbourg, 19 février et 27 mars 1743, AN, Outremer, G1, vol. 107, reg. II, fols. 13 et 15v.


TABLEAU XII

Sergent: Métrages des tissus de la veste

Matériel Longueur Largeur Prix/Unité
Drap 1 aune 1 1/4 aune 16 l. 10s.
Serge 3 1/4 aunes - 1 l. 5s.

 


La culotte nécessitait une demie aune de drap écarlate, large dune aune et quart, et une aune de toile grise pour la doublure.

L'habillement des canonniers comprenait également un vêtement nouveau: le surtout. Selon Diderot il s'agissait d'un justaucorps que l'on mettait en hiver par dessus les autres habits. [39] L'on peut préciser que les boutonnières de ce justaucorps s'arrêtaient au niveau des poches et qu'il n'y avait que trois boutonnières à l'ouverture du dos. [40] Le surtout du sergent canonnier était fait de quatre aunes de bouracan bleu d'Abbeville et ne possédait qu'une douzaine et demie de boutons argentés. Le bouracan était une étoffe de laine à laquelle on mêlait parfois du chanvre et était généralement utilise pour confectionner des manteaux et des surtouts. [41]

L'uniforme du sergent incluait également deux chemises, deux cravates et deux paires de souliers semblables à ce que portait les membres des Compagnies Franches. Quant à son chapeau, façon de Caudebec, il était bordé d'argent fin, et ses bas étaient d'Estame écarlate. Son ceinturon était en peau de buffle à double piqûre.


39 Diderot, Dictionnaire raisonné, t. XV, article surtout.
40 Waugh, Norah. The Cut of Men's Clothes, London, 1964, p. 89.
41 Weigert, R.A. Les textiles en Europe..., Fribourg, 1964, p. 154.


2- Le caporal:

L'habillement du caporal était, à deux exceptions prés, identique à celui du sergent. Seuls différaient, en effet, le ceinturon qui était à simple piqûre et le galon d'argent bordant les manches de l'habit. On n'utilisait qu'une aune seulement de galon et il était dune qualité inférieure ne pesant qu'une once, un gros, un denier et six grains.

3- Le canonnier et le tambour:

Leurs justaucorps étaient confectionnés de drap bleu et parés de drap rouge. Les doublures étaient en serge de Marvéjols rouge et chaque habit possédait trois douzaines de gros boutons de métal d'Allemagne non argenté. Deux différences cependant: le métrage du drap bleu n'est pas le même dans les deux cas et le justaucorps du tambour est également décoré des galon et bordé de la livrée du Roi.


TABLEAU XIII

Canonnier et tambour: Métrages des tissus du justaucorps

    Longueur  
Matériel Canonnier Tambour Largeur Prix/Unité
Drap bleu 2 1/8 aunes 2 1/4 aunes 1 aune 8 l. 10s.
Drap rouge 1/4 d'aune 1/4 aune - 8 l. 10s.
Serge 5 1/4 aunes 5 1/4 aunes - 1 l. 2s.
Galon - 18 aunes - 18s.
Bordé - 7 aunes - 6s.

 


Leurs vestes, taillées dans de la serge de Boisseson rouge et doublées de serge de Marvéjols rouge, étaient tout à fait identiques. Elles possédaient trente six petits boutons de même qualité que ceux du justaucorps.


TABLEAU XIV

Canonnier et Tambour: Métrages des tissus de la veste

Matériel Longueur Largeur Prix/Unité
Drap rouge 2 aunes - 3 l. 3s.
Serge 3 1/2 aunes - 1 l. 2s.

 


Les culottes étaient elles aussi en serge de Boisseson rouge (une aune et quart), et doublées d'une aune et tiers de toile.

Les surtouts étaient en bouracan bleu (quatre aunes). Dix huit boutons comme ceux du justaucorps y étaient cousus. Le surtout du tambour avait en plus les marches garnies d'un bordé de soie à la livrée du Roi (une aune). .

Les autres pièces de leurs uniformes, chemises, cravates, et souliers, étaient identiques à ce que portaient les sergents-canonniers et soldats des Compagnies Franches. Leurs chapeaux, eux, ne possédaient qu'un galon d'argent faux et leurs bas n'étaient pas écarlates comme pour les sergents mais simplement rouges. Quant à leurs ceinturons ils étaient en peau de buffle à simple piqûre: le ceinturon du tambour était de plus recouvert du galon à la livrée du Roi. On ne possède aucun détail sur l'apparence des caisses de tambour pour la compagnie des canonniers de Louisbourg, mais les porte-caisses étaient recouverts d'un galon de soie à la livrée du Roi comme chez les tambours des Compagnies Franches.

*

*        *

Toutes ces informations sur l'uniforme des canonniers proviennent, comme je le mentionnais auparavant, du marché passé entre le munitionnaire de la marine et le ministre en 1743. Comme il s'agissait d'un premier envoi, la compagnie de canonniers de Louisbourg reçut donc


TABLEAU XV
 
COUT DES UNIFORMES EN 1744
 
 
Uniformes Sergent Caporal Tambour Canonnier
Justaucorps 60 l. 15 s. 8 d. 55 l.          6 d. 47 l. 14 s. 6 d. 28 l. 7 s. 3 d.
Veste 22 l. 13 s. 3 d. 22 l. 13 s. 3 d. 11 l. 1 s. 6 d. 11 l. 1 s. 6 d.
Culotte 9 l. 5 s. 9 l. 5 s. 5 l. 5 s. 5 d. 5 l. 5 s. 5 d.
Surtout 19 l. 10 s. 19 l. 10 s. 14 l. 13 l. 4 s.
Chapeau 15 l. 15 s. 15 l. 15 s. 4 l. 4 l.
Bas 7 l. 7 l. 2 l. 15 s. 2 l. 15 s.
Chemise 3 l. 3 l. 3 l. 3 l.
Cravate 15 s. 6 d. 15 s. 6 d. 15 s. 6 d. 15 s. 6 d.
Soulier 2 l. 16 s. 2 l. 16 s. 2 l. 16 s. 2 l. 16 s.
Ceinturon 3 l. 5 s. 2 l. 15 s. 11 l.* 2 l. 15 s.
Sabre 18 l. 9 l. 9 l. 9 l.
Dragonne 2 l. 14 s. 14 s. 14 s.
Fusil 20 l. 20 l. - 20 l.
Grenadière 17 s. 17 s. - 17 s.
Giberne 8 l. 8 l. - 8 l.
Poire à poudre 1 l. 1 l. - 1 l.
Poulverin 15 s. 15 s. - 15 s.
Façon habit et veste culotte 5 l. 5 l. 5 l. 5 l.
Façon surtout 1 l. 17 s. 6 d. 1 l. 17 s. 6 d. 1 l. 17 s. 6 d. 1 l. 17 s. 6 d.
         
TOTAL 208 l. 4 s. 3 d. 191 l. 13 s. 3 d. 125 l. 10 s. 22 d. 127 l. 9 s. 8 d.
 
* = Ce prix inclut un porte caisse.

un habillement complet en 1744 ce qui incluait la veste. Dès 1746, alors que la compagnie était rentrée à Rochefort par suite des événements de 1745 à l'Isle Royale, un nouvel élément devait être ajouté à l'habillement. I1 s'agissait de guêtres en coutil "garnies de dix à douze boutons et boutonnières avec deux boucles de coutil sous les boutons et boutonnières". [42]

De 1749 à 1758, avec le retour de l'Ile Royale, les canonniers continueront d'y tenir garnison. Les effectifs de la compagnie seront portés de trente à, cinquante soldats à partir de 1750 [43], ce sera d'ailleurs le seul changement majeur à intervenir avant la création d'une seconde compagnie en 1758. [44] En même temps qu'il augmentait les effectifs dans la compagnie de l'Ile Royale, en 1750, le Roi annonçait également la création d'une première compagnie de canonniers pour le service de l'artillerie au Canada. [45] Il est intéressant de noter que la nouvelle compagnie canadienne fut placée sur le même pied que la compagnie servant à Louisbourg. Ainsi, que ce soit aux points de vue de l'uniforme, des salaires, des retenues pour l'entretien ou de l'organisation, tout était identique.

L'augmentation des effectifs en 1750 n'occasionnera point de changement dans l'uniforme. Elle s'accompagnera cependant d'une réorganisation de la compagnie et d'une réduction des salaires dont on peut se rendre compte en comparant les ordonnances du 20 juin 1743 et du 10 avril 1750. [46]


42 Commis de la marine au ministre. Rochefort, 30 décembre 1746. AN, Col., C11B, vol. 27, fols 273-274.
43 Le Roi. Versailles 10 avril 1750. AN, Col., B, vol. 91, fols 326-326v.
44 Ministre de la marine à Drucourt et Prevost. Versailles, 14 février 1758. AN, Col., B, vol. 107, fol. 361v.
45 Le Roy. Versailles, 10 avril 1750. AN, Col., B, vol. 91, fols. 239v.-240v.
46 Duquesnel et Bigot. Texte de l'ordonnance du 20 juin 1743. Louisbourg, 7 novembre 1743. AN, Col., C11B, vol. 26, fols. 236-238. Le Roi, ordonnances du 10 avril 1750. AN, Col., B, vol. 91, fols. 239v-240v et 326-326v.


TABLEAU XVI
 
ORGANIGRAMME DE LA COMPAGNIE DES CANONNIERS
Ordonnances: 20 juin 1743 10 avril 1750
  Retenue   Retenue
Personnel No. Salaires Vivres Habillement No. Salairies Vivres Habillement
Capitaine 1 90 l. - - 1 90 l. - -
Lieutenant 1 60 l. - - 1 60 l. - -
Enseigne 0 - - - 1 50 l. - -
1er Sergent 1 50 l. 5 l. 5 s. 5 l. 12 s. 6 d. 1 40 l. 5 l. 5 s. 4 l. 10 s.
2e Sergent 1 40 l. 5 l. 5 s. 4 l. 10 s. 1 30 l. 5 l. 5 s. 3 l. 7 s. 6 d.
Caporaux 2 30 l. 5 l. 5 s. 3 l. 7 s. 6 d. 3 20 l. 5 l. 5 s. 2 l. 5 s.
Tambours 1 25 l. 5 l. 5 s. 2 l. 16 s. 3 d. 2 18 l. 5 l. 5 s.  2 l.      6 d.
1ers Canonniers 12 25 l. 5 l. 5 s. 2 l. 16 s. 3 d. 22 18 l. 5 l. 5 s. 2 l.      6 d.
2es Canonniers 13 20 l. 5 l. 5 s. 2 l. 5 s. 21 15 l. 5 l. 5 s. 1 l. 3 s. 9 d.
 

Les données chiffrées, salaires et retenues sur la solde, indiquées dans le tableau, précédent sont des données mensuelles. Selon l'ordonnance de 1743 la retenue pour l'habillement devait être de deux sols sept deniers par livre; en fait Maurepas diminuera cette retenue à deux sols trois deniers par livre quelques jours après l'émission de l'ordonnance. [47]

Pour ce qui est des officiers, on constate que, depuis le premier avril 1748, un enseigne avait été ajouté à la compagnie des canonniers. Finalement, à la fin de 1757, on devait proposer pour les officiers-canonniers un uniforme qu'ils n'eurent certainement pas l'occasion de porter, étant donné les événements dramatiques de 1758. L'uniforme décrit par Prévost comprenait:

"8 habits de drap bleu avec les parements, les vestes et les culottes d'écarlatte, les doublures de serge de laine couleur de feu en pièces avec les fournitures.
8 garnitures de boutons d'argent sur bois compris les petits avec une rosette au milieu du bouton et un petit liséré autour.
8 chapeaux demi castors, bordés d'un galon d'argent uniforme.
8 redingotes de drap à doubles broches en pièces." [49]

Compte tenu cependant de la situation chez les officiers des Compagnies Franches et chez les Suissses, le port de l'uniforme par les officiers des compagnies de canonniers semble assez normal: et un uniforme bleu, à distinctions rouges, apparait comme le plus logique.


47 Maurepas à Duquesnel et Bigot. Versailles 30 juin 1743. AN, Col., B, vol. 76, fols. 513-514.
48 Le Roi. Versailles, 1 avril 1748. AM, Rochefort, 1E, vol. 145, fol. 331.
49 Prévost au ministre de la marine. Louisbourg 28 décembre 1757. AN, Col., vol. 37, fols 237-237v.


C- L'infanterie à Louisbourg

De 1755 à 1758, alors que la Forteresse de Louisbourg devait faire face aux visées agressives des colonies et de la métropole anglaises, le gouvernement français, dans un ultime effort pour aider à la défense de ses colonies en Amérique du Nord, dépêchait à Louisbourg quatre bataillons d'infanterie. En 1755, 1050 hommes, membres des régiments d'Artois et de Bourgogne, étaient les premiers à y débarquer. [50], et en 1758, devant la gravité de la situation, c'était au tour de bataillons des régiments de Cambis et des Volontaires Etrangers d'y passer. [51]

Les régiments de l'armée française au XVIIIe siècle revêtaient généralement la tenue blanc-gris, habit à la française ajusté à la taille et culotte collante de tricot. [52] Les quatre bataillons qui tinrent garnison à Louisbourg devaient respecter cette tradition. Dans le cas des régiments d'Artois et de Bourgogne il m'a été possible de retrouver des descriptions contemporaines de leurs uniformes données par quatre différents auteurs. [53] Toutes ne sont pas aussi complètes les unes que les autres mais elles ne contredisent aucunement. La version la plus complète est celle que donne Montandre-Longchamps dans l'Etat militaire de France pour 1758.


50 Ministre à Prévost. Versailles, le 17 mars 1755. AN, Col., B, vol. 101, fol. 216v.
51. Ministre à Drucourt et Prévost. Versailles, 14 février 1758. AN, Col., B, vol. 107, fol. 362.
52. Maxime Weygand, Histoire de l'armée française, p. 107.
53 Ces quatre auteurs sont Lemau de la Jaisse dans son Septième Abrégé militaire, Montandre-Longchamps dans Etat Militaire de la France pour
l'année 1758
, ainsi que William Augustus Gordon et John Montresor dans leurs journaux du siège de Louisbourg en 1758.


Les soldats d'Artois portaient donc: "habit et parements blancs, boutons jaunes, pattes en écusson garnies de neuf boutons, trois de chaque côté et trois en bas presque en triangle, et six sur la manche, chapeau bordé d'or". [54] A ceux de Bourgogne on remettait: "habit, culotte, parements et collets blancs, boutons jaunes, pattes ordinaires garnies de trois boutons, et autant sur la manche, veste rouge, chapeau bordé d'or". [55] L'uniforme de ces deux bataillons étaient donc identiques à l'exception des revers de poche et du nombre de boutons qui y étaient cousus. Les boutons jaunes étaient des boutons en cuivre sur bois selon l'une des quatre versions. [56]

Quant aux soldats de Cambis et des Volontaires Etrangers, la situation est sensiblement la même; on ne possède cependant que trois descriptions du costume des Volontsd.res étrangers. [57] Les soldats de Cambis revêtaient: "habit blanc, culotte de même, veste, collet et parements rouges, boutons jaunes et blancs, pattes ordinaires garnies de trois boutons dont un jaune et deux-blancs, même quantité et couleur sur la manche, chapeau bordé d'or et d'argent". [58] Les Volontaires Etrangers recevaient un: "habit blanc. collet et parements verds, boutons blancs, et chapeau bordé d'argent". [59] Les boutons jaunes sont ici encore, en cuivre et les blancs sont en étain. [60]


54 Montandre-Longchamps. Etat Militaire de France pour l'année 1758. p. 140.
55 Idem, p . 147 .
56 Gordon, Wm. Augustus. dans son journal du siège de Louisbourg, s.p.
57 Les régiments de Cambis et des Volontaires Etrangers sont postérieurs à Lemau de la Jaisse. Et l'on peut noter que la description de l'uniforme du régiment Cambis donnée par Montandre-Longchamps, semble s'inspirer d'une dépêche émanant du ministère de la marine. Commis de la Marine. Versailles 25 février 1758, AM, Rochefort, 1E, vol. 158, fols. 93-97.
58 Montandre-Longchamps, Etat militaire... p. 163.
59 Idem. p. 202.
60 Gordon, W.A. op. cit.


Les descriptions de l'uniforme des Volontaires Etrangers sont assez laconiques: on n'y indique pas, par exemple, la couleur de la veste. Les parements de l'habit étant verts il est logique de penser que la veste était de la même couleur verte ou blanche comme l'habit. L'imprécision des descriptions est probablement due au fait que le régiment des Volontaires Etrangers n'était créé que depuis 1756 et ne possédait point encore de traditions établies. Ainsi en janvier 1758 on pouvait proposer un uniforme, pour les Volontaires Etrangers, aux couleurs tout à fait différentes de celui qu'ils portèrent pendant leur court séjour à Louisbourg. On y proposait un justaucorps et une veste bleus, des parements et doublures rouges et une culotte blanche. [61]

Il semble bien que tous les soldats des quatre bataillons [62] qui servirent à Louisbourg aient porté un costume de coupe identique, les variantes n'existant que dans les couleurs de certaines parties de l'habillement, vestes et parements. Comme dans le cas des Compagnies Franches, le costume des membres de l'infanterie comportait quelques différences selon le grade du soldat. Ainsi, en 1756, Prévost demandait-il pour les bataillons d'Artois et de Bourgogne:

52 habits, vestes, culottes, caleçons et chapeaux pour sergents.

78 idem pour caporaux.

78 idem pour anspessades. A noter que l'anspessade remplissait les mêmes fonctions qu'un caporal, tout en recevant le salaire d'un soldat.


61 Projet d'uniforme des Volontaires Etrangers. Paris, 14 janvier 1758. Archive des Corps de troupe. Xe, carton 87.
62 Selon Roquebrune (op. çit.„ , pp. 334-336) trois autre bataillons, provenant des régiments d'Aunis, de Tournaisis et Volontaires Royaux, au
raient également servi à Louisbourg, respectivement en 1751, 1756 et 1758. Cette affirmation me semble plutôt étonnante, puisque jamais,
dans la correspondance de l'époque émanant des autorités métropolitaines ou coloniales, il n'est fait mention de ces bataillons comme servant à Louisbourg. Aucun document des séries AN, Col., B: Col., C11B: Col. F: AM, Rochefort: ACM, Amirauté de Louisbourg: AN, Outre-mer, G2 et G3, n'y fait la moindre allusion au sujet de Louisbourg.


816 idem pour grenadiers et fusilliers.

26 idem, ceinturons et porte caisses pour Tambour. [63]

Quelques documents de l'époque permettent d'ajouter quelques éléments d'information aux descriptions déjà citées et de donner une bonne idée de l'accoutrement réservé aux soldats d'Artois et de Bourgogne. En ce qui regarde l'habillement, si le caleçon était de toile rousse, la culotte était de drap de romorantin pour le sergent et de tricot blanc de Beauvais pour les soldats. L'habillement comprenait des chemises de grosse toile blanche, des cols noirs de grosse étamine, des mouchoirs de poches, des bonnets de tricot blanc avec retroussis rouges, du ruban de fil noir pour les cheveux, des bas de laine blancs à trois fils, de guêtres de toile blanche, 3 aiguilles et deux onces de fil à coudre pour chaque soldat, et finalement des souliers de cuir fort. [64]

En ce qui concerne les officiers de l'Infanterie, Prévost écrivant au ministre au sujet d'un costume pour les officiers des Compagnies Franches et des canonniers, le 28 décembre 1757, réclamait pour les officiers d'Artois et de Bourgogne:

"62 habits complets de drap gris blanc avec la doublure de serge de laine blanche le tout en pièces avec les fournitures nécessaires.
62 garnitures de boutons de cuivre dorés, y compris grands et petits.
62 chapeaux demi castor bordé d'un galon d'or uniforme.
62 rédingottes de drap à doubles broches en pièces". [65]


63 Prévost au ministre. Louisbourg, 29 novembre 1756. AN, Col., C11B, vol. 36, fols. 170-170v.
64 Prévost au ministre. Louisbourg, 31 décembre 1755. AN, Col., C11B, vol. 36, fols. 93-94. De la Grive des Assises, Louisbourg, 15 décembre 1756. SHA, A1, vol. 3417, fols. 307/1-2-3-4.
65 Prévost au ministre. Louisbourg, 28 décembre 1757. AN, Col., C11B, vol. 37, fol. 237. A noter que le costume réclamé pour les officiers des Compagnies Franches était semblable à celui des officiers de l'Infanterie à l'exception des vestes et culottes qui devaient être de drap bleu et les doublures de laine de serge aussi bleue pour les Compagnies Franches.


On sait que les officiers d'infanterie avaient été obligé au port de l'uniforme par ordonnance royale en 1737 [66]; et un règlement adopté en 1750 devait d'ailleurs renforcer cette obligation.

"Les commandants des places auront attention que les officiers de leur garnison portent toujours les Uniformes de leur corps; et si aucun s'en dispense, ils les feront mettre aux arrêts et en informeront le Secrétaire d'Etat ayant le département de la guerre." [67]

Ecrivant au ministre en juin 1756, Jean Mascle de St-Julhien, lieutenant-colonel du bataillon d'Artois, trace un tableau de la situation pénible ou se trouvaient les officiers sous le rapport de l'habillement:

"... et qu'au surplus les magasins que Le Roy avait eu la bonté de faire pourvoir de draps blancs, serges, toilles, mousselines, batistes et Chapeaux etc. pour l'usage des officiers de nos bataillons, sont a présent (demunis) de tout, de meme que les boutiques des marchands ce qui va nous mettre dans la facheuse extrémité de ne trouver de quoy nous vetir, et d'aller pieds nuds". [68]

On peut constater par là que les officiers utilisaient des tissus assez délicats comme la batiste et la mousseline, ce qui ne semble pas avoir été le cas pour les simples soldats.

Si l'infanterie servant à Louisbourg porta l'uniforme, le tout laissait beaucoup à désirer, particulièrement en 1757 et 1758. Ainsi, Prévost écrivait, en décembre 1757, qu'il y avait plus de deux ans et demi que les bataillons n'avaient rien reçu et qu'au début de l'automne le régiment de Bourgogne était tout nu. II. leur fit distribuer


66 Lemau de La Jaisse, Septième abrégé... Paris, 1741, p. III.
67 Ordonnance du Roi. Compiègne, le 25 juin 1750, p. 163.
68 St-Julhien au ministre. Louisbourg, 15 juin 1756. S.H.A., A1, vol. 3417, fols 146/2-3.


les vieilles vestes et habits déjà utilisés avant leur arrivée et les soldats avaient alors besoin de bas, de chemises, de culottes et de souliers. [69] La situation ne devait pas tellement s'améliorer en 1758 puisque le navire La Diane, portant la moitié de l'habillement des bataillons d'Artois et de Bourgogne, n'avait pu, au 3 mai, se rendre à Louisbourg. [70] A ces remarques de Prévost, on peut ajouter celles du Sr. de La Grive des Assises: "Rue le magasin destine aux deux bataillons d'Artois et de Bourgogne pour leur habillement est presque vuide de sorte que les officiers sont obligés de porter des habits de couleur leurs uniformes étant uses." [71]


69 Prévost au ministre. Louisbourg, le 28 décembre 1757. AN, Col., C11B, vol. 37, fols. 227-236.
70 Drucourt et Prévost au ministre. Louisbourg, 3 mai 1758. AN, Col., C11B. vol. 38, fols. 6-9v.
71 De la Grive des Assises. Louisbourg, 21 décembre 1756. S.H.A., A1, vol. 3417., fol. 305/1.


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