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Researching the Fortress of Louisbourg National Historic Site of Canada
  Recherche sur la Forteresse-de-Louisbourg Lieu historique national du Canada

LE COSTUME CIVIL A LOUISBOURG: 1713 - 1758
LE COSTUME FEMININ

BY

MONIQUE LA GRENADE

OCTOBRE 1971

Report H F 16

Forteresse-de-Louisbourg

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III. LA CHAUSSONS

A. BAS ET CHAUSSONS

Parmi les vêtements féminins, on retrouve des bas et des chaussons, mais l'usage de ces derniers est plutôt rare; nous ne connaissons en effet que deux mentions de paires de chaussons, dont l'une indique le tissu: du fil tricoté. [153] On faisait la distinction entre ces deux articles à l'époque puisqu'on a écrit: "quatre paires de bas de laine, une paire de chossons." [154]

Les bas et les chaussons diffèrent dans leur forme et dans les procédés de fabrication. Le chausson est une espèce de bas ne recouvrant que le pied, et que l'on porte directement sur la peau, c'est-à-dire sous le bas. [155] Les bas sont toujours tricotés, à la main ou au métier, [156] tandis que les chaussons peuvent être tricotés ou cousus. Dans ce dernier cas, on taille deux pièces: la semelle et le dessus, que l'on coud ensemble autour de la semelle; la finition du dessus qui entoure la base de la cheville, consiste en une bordure ourlée. [157]

Tout au long de l'histoire de Louisbourg, il y a des bas faits avec du coton, de la soie, de la laine, ou parfois, des combinaisons de ces fibres, comme par exemple, des bas de coton et soie. (voir tableau no. 7) Dans l'ensemble toutefois, le coton est très rare, la soie un peu moins, et la laine très populaire. Les bas faits en "Saint-Mexant" et en "Ségovie" sont en effet des bas de laine; le premier de ces termes est le nom d'une ville connue comme centre de fabrication de toile et de laine au XVIIIème siècle; [158] le second se réfère à une région d'Espagne réputée à la même époque pour ses laines fines. [159] Nous n'avons rien retracé au cours de nos recherches, qui permette d'expliquer ce qu'est une paire de bas "à trois fils", mais vu qu'il ne s'agit l'à que d'une exception, cela n'affecte pas l'ensemble de nos conclusions.


TABLEAU NO. 7: TISSUS DES BAS
PERIODE COTON LAINE SOIE AUTRES NON SPECIFIES
1720 à 1745 3 cotons 10 laine
10 Saint-Mexant
4 Ségovie
5 soie 5 "à coins de soie"
1 "
à 3 fils"
 
TOTAL 3 24 5 6 12
1749 à 1758   54 laine
14 Saint-Mexant
4 Ségovie
10 soie 16 "à coins de soie"
3 coton et soie
 
TOTAL 0 72 10 19 37
1720-1758 3 96 15 25 49
DOCUMENTATION:
1720 à 1758: 21 documents incluant 188 mentions de paires de bas.
1720 à 1745: 10 documents incluant 50 mentions de paires de bas.
1749 à 1758: 11 documents incluant 138 mentions de paires de bas.
dans 139 cas, le tissu est spécifié.

Il reste enfin la question des bas à "coin de soie" à élucider. Le "coin" est la partie du bas qui se termine en pointe; [160] mais encore faudrait-il savoir laquelle et comme réponse, nous n'avons que des hypothèses à formuler. Lorsqu'il s'agit d'un bas complet de soie, on dit "bas de soie"; mais le tissu n'est pas précisé lorsqu'on écrit "coin de soie"; cela pourrait être du coton ou de la laine et, comme nous l'avons vu, plus vraisemblablement de la laine. La soie ayant une texture plus résistante que celle de la laine, on l'utilisait peut-être pour renforcir une partie du bas portée à s'user plus rapidement: les parties du bas en forme de pointe sont le bout et le talon. Ces indications, à moins d'avis contraire, suggèrent donc fortement que pour le tricot du talon, on ajoutait un brin de soie au brin ordinaire afin d'en augmenter la résistance, et que lorsqu'on appliquait cette technique, on parlait de "coin de soie".

Peu de documents précisent la couleur des bas; pour ce qui est des inventaires, deux d'entre eux mentionnent des bas noirs [161] et des bas de soie noire [162] et trois autres, des bas rouges [163], ou écarlates. [164] I1 est donc possible que les bas rouges ou noirs aient été rares puisque l'on n'a pris la peine de préciser que pour ces deux couleurs. Cela ne veut pas dire qu'ils sont nécessairement plus chers car dans un inventaire d'un marchand, le prix de 13 livres 5 sols ne varie pas pour 6 paires de bas de laine rouge, 6 paires de bas de laine de différentes couleurs, ou 6 paires de bas sans spécification. [165] Quant aux bas noirs, nous n'avons pas d'éléments de comparaison.

Au cours d'un procès pour vol de vêtements, la victime reconnaît parmi les objets qui ont été dérobés, "trois Bas a femme pareillement de laine, dont une paire de verts, et un bas bleu dépareillé...", [166] lesquels étaient étendus à sécher lors du vol, ce qui indique un usage quotidien.

Les bas pour femme sont donc de plusieurs couleurs parmi lesquelles il y a de façon évidente du noir, du rouge, du bleu et du vert; il est cependant possible que les deux premières soient plus rares.

On constate l'existence de diverses qualités de bas en comparant quelques prix (voir tableau no. 8); selon que ceux-ci sont plus ou moins abordables, cela permet d'y voir qui aurait porté telle ou telle sorte de bas.

Les prix peuvent être assez élevés tant pour des bas de laine, que de Saint-Mexant, de Ségovie, ou de soie. Cette dernière étant plus rare, il est concevable qu'elle soit plus chère. Mais pour les autres tissus les prix peuvent varier considérablement; donc, la sorte de tissu ne détermine pas à elle seule la valeur. Ainsi, trois paires de bas de soie, de Saint-Mexant, et de Ségovie qui sont parmi les plus chères ont été payées en 1741 par madame Leroy Desmarets, épouse du notaire et greffier de l'Amirauté à Louisbourg. [167] Par ailleurs, 11 paires de bas de laine évaluées à 24 livres sont tirées de l'inventaire d'un marchand, lequel inventaire inclue 59 paires de bas environ au même prix. Dans ce cas-ci, la quantité disponible pourrait fort bien signifier un usage courant en dépis du prix qui semble élevé.


TABLEAU: NO. 8: PRIX DES BAS
TISSU PRIX TEL QUE CITE PRIX MOYEN D'UNE PAIRE ANNEE
Laine

   7 paires à 2 livres
     11 paires
à 24 livres

0 livres  5 sols 8 deniers
2 livres  3 sols 7 deniers

1738
1756
Saint-Mexant 1 paire à 2 livres
              2 paires
à 7 livres  15 sols
2 livres                              
3 livres 17 sols 7 deniers
1741
1757
Ségovie 1 paire à 5 livres
              3 paires
à 2 livres  10 sols
5 livres                              
0 livres 16 sols 8 deniers
1741
1750
Soie  3 paires à 10 livres
6 paires
à 38 livres
3 livres 6 sols 8 deniers
6 livres 6 sols 6 deniers
1741
1756
DOCUMENTATION:
Pour chaque sorte de bas, deux exemples de prix ont été choisis; le tableau donne le prix tel que cité et le prix moyen, 
car les documents n'indiquent pas toujours le prix à l'unité.

Un bref examen de ces détails nous amène donc â conclure qu'en général, on portait des bas faits de laine. Les prix indiquent cependant une variété dans la qualité et on retrouve les plus dispendieux ainsi que ceux de soie dans les garde-robes les mieux garnies.

B. CHAUSSURES

La documentation consultée permet d'établir de façon certaine l'existence de trois types de chaussures pour femmes à Louisbourg: les souliers, les pantouffles et les galoches.

1. SOULIERS:

On fabrique les souliers avec du cuir par dessus lequel on colle du tissu s'il s'agit de souliers d'étoffe; les semelles taillées elles aussi dans du cuir, sont collées et cousues au reste du soulier ; le talon, élevé pour les souliers de femmes, est fait de bois recouvert de tissu ou de cuir, et se prolonge jusqu'au point où la semelle touche le sol, de telle façon que sa forme donne au soulier sa cambrure. Les dessus du soulier monte assez haut sur le pied et se ferme avec une lisière étroite qui est fixée au moyen dune boucle servant à la fois de garniture. [169]

A ces renseignements d'ordre général, la documentation de Louisbourg, tant archéologique aue historique, vient ajouter quelques renseignements fort intéressants. Des parties de chaussures déterrées lors des fouilles confirment ce qui vient d'être dit au sujet des talons: ceux-ci sont en bois et ils se prolongent le long de la semelle. Un d'eux est marqué de trous sur le dessus et fut déterré en même temps qu'une semelle trouée aux mêmes endroits: la semelle, une fois posée sur le talon, y était donc clouée. Un autre talon a encore un morceau de cuir cloué en dessous; cette pièce a les mêmes contours mais déborde d'environ 1/16 à 1/8 de pouce les dimensions de la pièce de bois; ainsi le talon aurait été recouvert d'un matériel quelconque, plus vraisemblablement du cuir, ayant cette épaisseur; et le dessous, évidemment était en cuir. Ce même talon provient d'un soulier de femme, ce qui ne fait aucun doute à cause de la grandeur de la semelle qui y est assujettie; or, il n'a environ qu'un pouce de hauteur, tandis que deux autres talons ont environ deux à trois pouces. I1 y avait donc à Louisbourg des souliers pour femmes à talons élevés et d talons bas.

La documentation écrite quant à elle, révèle qu'on ferrait les souliers. Dans deux billets, on s'exprime en ces termes: "pour la ferrure de vingt trois paires de Souillers, tant grapinage que bout de tallon a 8 s. pre..." [170]; "pour avoir ferre 5 paires Souillers...a 8 s pre..,". [171] La ferrure du talon est concevable, d'une part, vu que le talon s'use facilement, surtout s'il est en bois; d'autre part, cela contredit jusqu "à un certain point le fait qu'on y aurait plutôt apposé un morceau de cuir, comme l'attestent les artéfacts. Il est donc possible qu'on ait utilisé les deux procédés mais que rien n'ait été retrouvé au cours des fouilles pour confirmer le premier; mais il est aussi possible que le terme "ferrure" se réfère uniquement aux clous qui servaient à fixer le morceau de cuir en place.

Pour ce qui est du grapinage, c'est peut-être une façon de donner au soulier les mêmes propriétés anti-dérapantes qu'on obtiendrait en portant des grapins. De manière plus générale, les termes "ferrure" et "ferrer" pourraient aussi s'appliquer tout simplement à des souliers dont la semelle est garnie de clous.

A Louisbourg, les souliers de tissus sont faits avec les matériels suivants:

- damas brodé [172]
- damas [173]
- damas jaune brodé en argent...
- castor rouge brodé en argent...
- damas rose uni...
- damas [1741]
- "cotille" [?]...
- damas blanc neufs...
- gros de "naple" neufs...
- "rat de Cicile" neufs. [175]

On utilise donc surtout de la soie, entre autres du gros-de-Naples, du ras de Sicile, et le plus souvent, du damas. Le "castor" est une étoffe composée de laine de Ségovie et de poil de castor; [176] pour "cotille", si c'est là, une déformation du terme "coutil", il s'agirait d'une toile de chanvre dont on se servait parfois pour recouvrir des meubles. [177] Quoiqu'il en soit, ces deux derniers tissus font figure d'exception par rapport à l'ensemble.

Excepté 3 paires de souliers de peau peints en rouge, [178] il n'y a aucune mention de cuir parmi les 50 paires de souliers qui ont été notées dans les documents; le fait que seulement les tissus cités plus haut et le cuir rouge dont il est question ici aient été précisés, indique peut-être que l'on n'a insisté que pour décrire ce qui était exceptionnel ou original. Dans ce cas, les autres paires de souliers qui constituent le plus grand nombre, étaient peut-être faits en cuir ordinaire. Ceci n'est qu'une hypothèse, mais elle doit être considérée avant de conclure que la majorité des souliers étaient faits en soie. D'ailleurs, les quelques pièces qui restent des souliers déterrés lors des fouilles archéologiques, sont en cuir; leur couleur est noire, mais il est impossible de déterminer s'il en était ainsi à l'origine ou si c'est là l'oeuvre du vieillissement dans la terre.

Les souliers les plus chers et de meilleure qualité appartiennent à des gens comme madame Levasseur, épouse du juge de l'Amirauté de Louisbourg à qui est livrée une paire de souliers pour la somme de 4 livres 16 sols, en 1735; (179 madame Leroy Desmarets, épouse du notaire et greffier de l'Amirauté, qui paiera 7 livres en 1741, pour une paire faite de damas brodé; [180] ou encore, madame Dupont Duvivier, épouse en première nocs du trésorier de la marine, et en seconde, d'un capitaine d'infanterie, chez qui il y a en 1754 trois paires de souliers neufs de tissus de soie, valant chacune 6 livres. [181] I1 est donc possible que des chaussures d'une telle qualité n'aient pas été à la portée de tout le monde.

Dans le billet adressé à madame Leroy Desmarets, il est aussi question d'effets livrés "à son nègre" et, immédiatement après, de "souliers pour Jeannette livrés a Ladte" à 3 livres 10 sols. Le prix est plus bas pour les souliers de cette dernière qui est probablement une domestique, que pour des souliers de tissu. Toujours dans le même billet, on note aussi six paires de souliers noirs à 3 livres 10 sols chacune. S'agirait-il de cuir noir? Enfin, en 1738, chez un marchand, on retrouve des souliers encore moins chers, c'est-à-dire trois paires pour 7 livres (1 paire = 2 livres 6 sols 4 deniers et cinq paires pour 11 livres (1 paire = 2 livres 4 sols]. [182]

En confrontant ces diverses informations, nous sommes donc forcées de conclure que nous connaissons le type de souliers que les femmes portent dans les milieux aisés de Louisbourg. Celles de la classe moins riche, qui s'approvisionnent chez les marchands, payent moins cher pour des souliers sans doute de qualité inférieure, mais nous n'en connaissons pas le matériel, sinon qu'il s'agit peut-être de cuir noir.

2. PANTOUFFLES

I1 n'est pas nécessaire d'insister sur le procédé de fabrication d'une pantouffle; elle "n'a ni pieds, ni quartier, de manière que le talon est toujours à découvert mais [elle] se fait comme le soulier." [183]

Celles qu'on note à Louisbourg sont en cuir noir, [184] en matériel quelconque "brodé en or et en argent" [185] et en velours. [186] Quant aux prix, ceux qui sont connus sont relativement abordables; 8 livres pour cinq paires dont le tissu n'est pas spécifié en 1738 [1 paire = 1 livre 10 sols]; [187] et 5 livres pour deux paires de pantouffles de velours en 1757 (1 paire = 2 livres 10 sols]. [188]

En plus des cinq paires de pantouffles à 5 livres, une autre paire [189] et trois autres paires [190] sont inclues dans des inventaires dressés chez des marchands. L'usage des pantouffles est donc assez connu à Louisbourg, mais le port n'en est peut-être pas courant puisqu'il y en a si peu parmi les marchandises.

3. GALOCHES

A tout point de vue, la galoche est une chaussure très économique. Elle est faite de cuir avec une semelle de bois, [191] ce qui la rend durable; dans certaines provinces de France, c'est ce que portent les plus dépourvus de la population. [192] A louisbourg, deux documents y font allusion; en 1738, chez un marchand, il y en six paires qui valent ensemble 4 livres [1 paire = 13 sols 4 deniers], [193] et en 1756, vingt-deux paires sont vendues pour un total de 11 livres 5 sols (1 paire = environ 10 sols]. [194]

Suivant ces deux exemples, les galoches sont définitivement le type de chaussure dont le prix est le plus abordable. Non seulement elles sont moins chères que les souliers, mais encore, l'écart de prix est très large, même lorsqu'on considère ce qui est le moins cher pour des souliers. Par ailleurs, si le port en fut commun à Louisbourg, la quantité des mentions en est tout de même assez réduite.

Dans l'ensemble donc, les souliers sont le type de chaussure mentionné le plus fréquemment; plusieurs cependant sont dispendieux et appartiennent à des gens de la classe aisée; d'autres sont moins chers mais nous savons peu de leur fabrication ou des gens qui les possèdent.

Il reste les galoches et les sabots. On retrouve en effet chez un marchand cent-quarante-huit paires de sabots pour 70 livres 6 sols en 1756 [1 paire =environ 9 sols]. [195] Rien n'indique s'ils sont pour homme ou pour femme, mais il est concevable que des femmes en aient portés, et tout comme les galoches, ils ne sont pas dispendieux. Outre la question des prix, des facteurs de commodité sont à considérer; il semble logique que les sabots et les galoches, à cause de leur résistance, aient été plus appropriés aux taches quotidiennes auxquelles se livraient certainement un grand nombre de femmes. Ils s'avèrent aussi les plus confortables pour affronter les temps froids et pluvieux assez fréquents à Louisbourg, d'autant plus que rien n'indique que les femmes auraient adopté l'usage des souliers sauvages pour la neige; certaines portaient peut-être des souliers grapinés, mais à défaut de mieux, les sabots et les galoches peuvent répondre à ce besoin.

Compte tenu de ces divers aspects, il semble donc que les sabots et les galoches étaient les chaussures les plus communément portées chez les femmes du petit peuple à Louisbourg.

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