H F 16 - Le Vetement: Le Costume A Louisbourg: 1713-1758

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Researching the Fortress of Louisbourg National Historic Site of Canada
Recherche sur la Forteresse-de-Louisbourg Lieu historique national du Canada

Vêtement d'usage très courant au XVIIIème siècle, la chemise est portée par les hommes et par les femmes, et aussi comme vêtement de nuit. Elle fait partie du trousseau, c'est-à-dire de "tout le linge que les père et mère donnent à leur fille en la mariant et qui comprend tout celui qui est nécessaire en entrant en ménage". [1] Suivant l'usage qui en est fait le modèle varie, mais de façon générale, c'est "la partie de notre vêtement qui touche directement à la peau". [2] L'expression "chemise commune" se retrouve fréquemment dans les listes de vêtements; elle pourrait signifier un modèle très simple qui se prête à tous ces usages, mais quoiqu'il en soit, les documents ne précisent pas d'avantage. Quart à nous, nous n'avons retenu pour l'instant que les renseignements qui concernent spécifiquement les chemises de femmes.

La quantité de chemises au nombre des effets personnels varie considérablement selon les individus, de telle sorte que le choix de cas particuliers sera plus éloquent que l'établissement d'une moyenne qui ne signifierait rien. A l'exception d'un cas, il y a, toujours plusieurs chemises parmi les vêtements, et pour certains individus la quantité s'élève même à 26 [3] ou 28 [4]. Lors d'un procès criminel pour vol, la victime à qui on a volé trois chemises déclare "qu'elle a, même chez elle d'autres chemises de la même qualité de toille". [5] Enfin, la liste de marchandises inventoriées chez un marchand de Louisbourg inclue un total de cinquante-deux chemises pour femmes. [6] D'après ces indications, il n'était donc pas rare de retrouver cet article parmi les pièces communes de l'habillement.

Une chemise faite de "cotton bleuf" [7] est la seule dont le tissu et la couleur soient spécifiés. Cette exception porte à croire que pour les autres, la manière de les fabriquer était tellement commune qu'il ne valait pas la peine de préciser. Au cours du procès cité plus haut, on décrit les chemises volées comme étant fabriquées de toile blanche et garnies de mousseline. [8] Diderot, quant à lui, est catégorique dans sa définition: "elle de est de toile plus on moins fine selon la condition des personnes". [9] On peut donc affirmer qu'en général, on utilisait de la toile.

La seule indication concernant le modèle est la description d'une pièce triangulaire coupée en biais, mentionnée au cours du même procès. Ce détail devient très significatif une fois replacé dans son contexte: le voleur "deguise la verite quand il nous a dit que les morceaux de toille provenoit d'une de ses chemises puisqu'il est constant qu'il paroît que c'est d'une chemise de femme l'un des dits morceaux ayant encore une pointe de chemise de femme." [10] Ce modèle est certainement courant puisqu'une pièce comme la pointe peut servir d'élément de preuve. Ainsi le patron illustré dans Diderot [11] peut être considéré comme une base valable, car pour ce dernier, la pièce triangulaire est aussi la principale différence entre une chemise de femme et une chemise d'homme. Suivant ces indications, le corps de la chemise descend jusqu'à la cheville et consiste en une pièce rectangulaire pliée en deux; une ouverture pratiquée sur le plis forme l'encolure. Les côtés sont cousus ensemble sauf dans la partie du bas où on insère la pièce triangulaire dont il est question plus haut, pour lui donner plus d'ampleur.

S'il s'agit d'une chemise unie, la finition des manches et de l'encolure consiste en un simple ourlet. La manche descend un peu plus bas que le coude, et il semble qu'on avait l'habitude de la rouler; c'est du moins ce qu'on peut constater en observant les personnages représentés dans des scènes quotidiennes. [12]

D'autres modèles plus élaborés seront garnis du tour-de gorge et des manchettes. Les chemises volées par exemple étaient garnies de tour-degorge et de manchettes "qui étaient le tout coupé d'une grosse mousseline"; [13] un inventaire contient onze chemises "partie garnies de mousseline". [14] Le tour-de-gorge consiste en une "petite bande de toille plus fine ou une dentelle" posée à l'encolure, alors que la manchette est une pièce froncée et montée sur un ruban qui sera cousu au bas de la manche, celle-ci étant plissée sur un poignet lorsqu'il s'agit d'une chemise qu'on veut garnir. [15]

Certains documents parlent de "manches", "manchettes" et de "fausses manches" comme s'il-s'agissait d'un article en soi, mais n'indiquent rien quant à leur usage. Les renseignements que nous possédons proviennent donc de sources secondaires. Pour ce qui est des manches elles peuvent se porter attachées "avec des cordons ou des rubans croisés dans le dos", [16] ou avec des lacets qui relient la manche à l'emmanchure du corsage; [17] elles peuvent aussi servir à couvrir les bras lorsqu'on se lave les mains: [18] enfilées par dessus la manche de chemise, cela évite de mouiller le bord de la manchette. I1 est possible que ces diverses utilisations s'appliquent autant pour les fausses manches, au sujet desquelles nous ne possédons pas d'autres indications.

Quant aux manchettes, vu qu'elles étaient de dentelles ou de tissus assez délicats, on les enlevait peut-être pour les laver séparément ou pour les adapter à divers vêtements; quelques modèles de robes par exemple, avaient des manchettes cousues au bord de la manche. [19]

La forme des manchettes varie: elles peuvent être simples ou à plusieurs rangs; à Louisbourg, lorsqu'on précise, on dira "double" [20] ou "a deux rangs". [21] Des gravures de l'époque [22] illustrent un autre modèle: la bande de tissu qui forme la manchette s'élargit de telle façon que lorsque le coude est plié, elle retombe en formant une point.

La mousseline, tantôt unie [23] parfois brodée ou à fleur, [24] et dans un cas, une "mousseline des Indes a fleurs" [25], sert à fabriquer les manchettes. Est-ce qu'on en fait aussi en dentelle? C'est peut étre là une façon d'utiliser les "aunes" de dentelle qu'on voit aussi bien dans des maisons privées que chez des marchands.

Par dessus la chemise, on porte le "corps" ou "corps à baleine", le "corset", ou le "corselet". I1 est difficile d'établir clairement la distinction entre des termes. Selon les définitions, la principale différence serait que le corps comporte des baleines, [26] alors que le corset, fait de toille piquée, souple, est un vêtement "que les Dames mettent lorsqu'elles sont en déshabillé". [27] Ces distinctions ne sont pas considérées ici car l'imprécision avec laquelle on désigne ces vêtements suggère qu'ils devaient se ressembler beaucoup. La même article qui est appelé "corset" dans un inventaire, est vendu sous le nom de "corselet"; [28] le même phénomène se reproduit pour un "corset" qui devient un "corps". [29]

Les détails au sujet du modèle sont assez limités. Il y a un exemple de "corset de damas avec les manches", [30] ce qui serait différent du simple corset qui laisse voir toute la manche de la chemise. Il est question ailleurs de "pièces d'estomac", [31], genre de plastron uni ou garni qui couvre le devant et complète le corsage. [32]

La couleur des corps, corsets ou corselets peut varier, comme en témoignent les trois exemples que sont le "blanc,"[33] le "brun" et le "gris". [34] Il en est de même pour les tissus: on utilise tout autant la soie (damas) et la laine (molleton), que le coton et la mitre; [35] on fait aussi des "corset pique". [36]

Les études du costume au XVIII^e siècle s'intéressent le plus souvent aux modes "officielles" de l'époque et tendent à généraliser le port du corset à baleine. Il y a sans doute là une part de vérité puisque "c'est assez la coutume en France et dans une partie de l'Europe de faire porter des corps aux enfants, aux garçons jusqu'à ce qu'on les mette en culotte; les filles et les femmes en portent presque toute leur vie". [37] Nous doutons que cette généralisation s'applique à la Nouvelle-France. Une vingtaine de mentions de corps, corsets et corselets sont citées dans une étude du "costume civil en Nouvelle-France" [38] qui se concentre surtout sur la vallée du Saint-Laurent; or pas une seule fois en n'y fait allusion à des baleines. A Louisbourg, sur un total de 25 mentions, on ne précise que deux fois l'existence des baleines; en l'absence de cette précision il s'agit probablement de corsets souples puisque dans un même document, on prend la peine de distinguer entre un "corset blanc piece noir" et un "corset baleine." [39]

Il était donc assez courant, semble-t-il, de voir à Louisbourg des femmes vêtu es d'un corsage couvrant la chemise, mais rien ne permet d'affirmer que toutes étaient dans le ton et la ligne de la mode à l'époque, c'est-à-dire avec une taille amincie par le corset rigide.

La mention de deux "gillet de cotton a femme" dans un document de 1735 [40] est énigmatique, car ce n'est pas avant le dernier quart du XVIII^e siècle que les femmes auraient commencé à porter le gilet. [41] Ainsi, on a peut-être simplement voulu désigner de cette façon, un corset avec des manches, ou encore, un vêtement féminin dont on aurait copié le modèle sur les gilets pour hommes de l'époque.

Le manteau de lit "est une espèce d'habillement court que les femmes portent au lit, et qu'elles gardent le matin en forme de déshabillé" et "se fait ordinairement en forme de chemise". [42] Ce vêtement est cité deux fois dans les documents et dans un cas on précise qu'il est sans manches et fait d'indienne. [43]

Dans le même document, on cite une "camisole de grena". [44] Selon Norah Waugh qui se base sur Garsault et traduit le terme par "bed jacket", c'est aussi un vêtement d'intérieur; il est moins ajusté qu'un corset et s'attache sur le devant avec les rubans. [45]

Le gilet, la camisole et le manteau de lit terminent la liste des pièces d'habillement qui revêtent le corsage. Le nombre réduit de références, cinq en tout, porte à croire que l'usage n'en était pas très répandu. Il est toutefois possible que les termes seulement soient originaux. Par exemple les définitions de "corset" et de "camisole" selon les sources de l'époque, sont très analogues. Quoiqu'il en soit, cela permet d'établir un fait: il y avait à Louisbourg certains vêtements dont le port était exclusivement réservé à l'intérieur. Il est possible que l'usage de ces vêtements implique une certaine aisance, car les deux inventaires d'où ils sont tirés contiennent une liste assez abondante de vêtements, ce qui dénote un comfort appréciable.

Il serait arbitraire de présumer que toutes les robes étaient identiques, mais il est toutefois permis de supposer qu'un style prévalait. En France, c'était la "robe à la française" que toutes les femmes portaient, quelque fut leur condition; sa variété résidait surtout dans la qualité et la valeur des tissus utilisés. [46] A Louisbourg, on remarque la même variété pour les tissus, et certains détails du modèle concordent avec le patron, [47] dont nous donnons ici une brève description.

La confection consiste en l'assemblage de quatre laises de tissu pour le dos, et de deux laises pour chaque côté du devant. Ces laises font toute la longueur car il n'y a pas de couture à la taille. Des plis sont formés et cousus des épaules à la taille pour ajuster le corsage alors que le reste du tissu est laissé libre pour donner à la jupe l'ampleur voulue. De chaque côté une couture relie le dos et les devants sur toute la longueur, sauf à la hauteur des manches, et dans le haut de la jupe ob on laisse une ouverture pour les poches. Contrairement à la chemise qui a la forme d'un sac rectangulaire, on coupe des emmanchures dans le corsage de la robe, avant d'y fixer les manches.

La largeur de la jupe varie selon qu'il s'agit d'une "robe ronde" ou d'une robe destinée à être portée sur un panier. L'expression "robe ronde" n'a été relevée nulle part à Louisbourg mais c'est probablement le modèle le plus en vogue car les paniers sont assez rares: un "panier de toille couvert de baleine" vendu en 1741 [48] et deux autres paniers vendus en 1753, [49] sont les seules allusions qui y sont faites. Le port du panier ne semble donc pas courant à Louisbourg, et c'est possiblement la même chose en Nouvelle-France; pour la vallée du Saint-Laurent en tout cas, dans une documentation assez imposante sur le costume, il n'est aucunement question de paniers. [50]

Le devant de la robe est composé de deux parties séparées. Si le corsage est ajusté avec des lacets qui passent en travers, il laisse voir la "pièce d'estomac", genre de plastron fixé au corset; s'il se boutonne, les deux pièces triangulaires qui sont cousues à la bordure de chaque côté du devant s'appellent le "compère".

A partir de la taille, la jupe s'ouvre sur le jupon qui est parfois assorti à la robe. Il en est ainsi pour:

Plusieurs robes ne sont pas citées avec un jupon et vice-versa; leur module n'est pas nécessairement différent, car d'une part, rien n'oblige que les deux soient assortis, et d'autre part, il serait surprenant qu'on ait camouflé sous une jupe fermée des jupons souvent taillés dans de très beaux tissus.

Toujours suivant le même patron, la robe serait montée sur une doublure; mais on le fait rarement à Louisbourg, car à l'exception d'une "robe de perse doublée de soye", C561 on n'y fait jamais allusion.

Enfin, la robe est parfois garnie d'un parement, pièce de tissu qui borde le devant de la robe, faisant le tour de l'encolure et descendant jusqu'au bas de la jupe. [57] Encore une fois, un seul exemple en est tiré de notre documentation: "une Roble detoff a des Aindes a parement
Rouge". [58]

Si dans l'ensemble les modèles de robes se ressemblaient, il en est autrement pour la question des tissus. C'est du moins l'idée qui se dégage de la lecture des documents: il y a un silence presque complet en ce qui concerne le modèle mais pas une seule fois, on n'a manqué de préciser le tissu de confection. (voir tableau no. 1)

TABLEAU NO. 1: TISSUS DES ROBES

PERIODE	COTON	LAINE	SOIE	AUTRES	NON SPECIFIES
1720 à 1745	1 bourg 1 cottonade 2 Indienne	1 crépon	1 damas 1 perse 1 persienne 1 satin flambé	1 "calamine" 1 étamine 1 Grisette de Paris 1 satin sur coton
TOTAL	4	1	4	4	0
1749 à 1758	1 bourg 3 coton 6 Indienne	1 crépon	1 crépon sur soie 2 damas 1 Gros de Tours 2 satin 1 satinade 2 soie 2 taffetas	2 étamine 1 Grisette 2 Saint-Maur * 1 soie et coton 1 toile peinte
TOTAL	10	1	11	7	0
1720-1758	14	2	15	11	0

DOCUMENTATION:

Tout au long de l'histoire de Louisbourg, on n'observe pas de changement quant à la préférence accordée à une sorte ou 'd l'autre; les tissus de soie et de coton prédominent tandis que la laine est peu utilisée ou peut-être pas du tout. I1 y aurait bien deux robes de "crépon" pour faire exception, mais encore là, les opinions varient à ce sujet; pour certains c'est une étoffe entièrement de laine, [59] alors que pour d'autres, elle peut-être faite de laine ou de soie. [60] Les autres tissus qui n'entrent pas dans ces catégories sont en général légers (ex: étamine), ou des mélanges de soies ou coton. En somme, les robes qu'on portait à Louisbourg n'étaient pas différentes de ce qui se faisait ailleurs. "This [the clothe used] was often painted or printed silk or stuff known as indienne, which were produced in increasing quantities." [61]

La quantité étonnante de tissus de valeur témoigne d'un certain luxe qui régnait à Louisbourg. Mais avant de voir là un phénomène généralisé, il est utile de s'attarder un peu pour savoir qui portait ces vêtements et dans quelles circonstances. Le statut social de toutes les personnes concernées n'est pas connu, mais deux exemples donnent à réfléchir. D'abord l'inventaire de la succession de madame Dupont Duvivier, [62] dans lequel il y a un total de neuf robes, nombre supérieur à ce qui existe en général; mais les tissus de confection, presque tous de soie, n'ont rien d'exceptionnel. Ainsi, les autres inventaires que nous connaissons proviendraient de personnes qui peuvent se vêtir de la même façon; elles occuperaient donc un rang social similaire, ou au moins, seraient dans la même situation financière.

Le second exemple est tiré d'une lettre adressée de Nantes à Louisbourg en 1733, où on peut lire: "...Il m'a été Impossible de vous envoyer un damas couleur de feu à Ramage blanc. I1 y a plus de 10 ans qu'on n'En fabrique plus Il y a Bien des ras de Sicile Dans cette couleur mais c'est une Pauvre drogue. J'ay Pris le party de vous envoyer En la place un damas dans le goûst nouveau, Et tel qu'on les Porte a présent en France. Je compte qu'il sera de votre goust Et de celuy de mademoiselle votre fille, J'ay Sapé vos ordres Pour le Prix, et pour l'aunage...La pièce contient 28 aul. 1/2 à 15# L'aul., on ne voullait pas me la donner à ce prix sans prendre toute la pièce, Et j'ai pensé En la prenant que cela vous aurait fait aussie Plaisir, Parce que quand on marie une demoiselle Et qu'on En a d'autres on Doit Leur Donner ordinairement une Livrée de noces, Et Il se trouvera Dans le reste de la Dte Pièce de quoy faire deux Jupons..." [64]

Deux ans plus tard, on dresse le procès-verbal d'inventaire de madame Péré à qui s'adressait cette lettre, et on note: "Item quatorze aune de damas à fond vert que la Dlle Benoist nous a dit que la deffunte mère luy destinoit pour faire son habillement de noce..." [65] Celle-ci avait donc payé environ 210 livres pour une robe de mariage, sans considérer les frais de confection. Ce montant sort vraiment de l'ordinaire car le prix qui s'en rapproche le plus est 55 livres pour une robe de soie et son jupon, vendus dix ans plus tard. [66] Malgré l'écart considérable entre les prix qui indique une différence dans la qualité, on voit qu'un tissu tel que le damas est réservé pour l'occasion spéciale d'un mariage, ce qui ne ferait pas partie de la garde-robe quotidienne.

Que les changements et la variété dans la mode sont davantage reliés aux sortes de tissus qu'à la coupe des vêtements, cet exemple l'illustre assez bien. Au premier coup d'oeil, tous les modèles se ressemblent. "Throughout the century it is possible to note an increasing degree of egalitarianism in costume, although this varied in varied countries and took long to make itself felt. The classes, except for the poor began to dress more and more in the same way." [67] Les robes dont nous avons les descriptions appartiennent donc à des gens qui peuvent suivre la mode, mais nous savons peu de l'habillement des autres sinon qu'il est différent.

A la fin du XVIIIIème siècle en France, l'expression "robe de chambre" désignait un nouveau genre de robe dont le style ample s'opposait aux corsages rigides qu'on avait connus jusqu'alors. [68] L'originalité de cette mode, résidant au début dans la façon de draper le tissus au niveau des épaules, et de laisser tomber librement les plis ainsi formés, donnait à la robe une apparence "négligée". Nous ignorons si une "robe de chambre" a une utilisation spécifique, c'est-à-dire un vêtement pour l'intérieur comme c'est le cas de nos jours, au si c'est simplement une robe dont le modèle est différent. Diderot pour qui ce n'est qu'une variation du modèle de la robe, ne dit pas en quoi elle consiste. [69]

A Louisbourg, deux "robes" sont citées dans un inventaire de 1743, [70] et elles sont désignées sous le nom de "robes de chambre" lorsqu'elles sont vendues; [71] mais en général, les expressions "robe" et "robe de chambre" se côtoient dans un même document, ce qui indiquerait qu'il y avait une différence entre les deux vêtements, si minime soit-elle.

Les détails concernant le modèle se résument à peu; deux robes de chambre sont doublées: une est faite d'indienne et doublée de soie, [72] l'autre de bourg et doublée de flanelle. [73] Une autre robe de chambre de gros-de-tours rayé est assortie à un jupon fait de même tissu. [74] Ces détails n'indiquent rien de spécifique car on pourrait fort bien en dire autant d'une robe ordinaire.

Enfin, il n'y a pas d'originalité non plus dans le choix des tissus; (voir tableau no. 2) ceux qu'on utilise pour la fabrication des robes et des robes de chambre sont les mêmes, c'est-à-dire de la soie et du coton, mais pas de laine.

Le tablier peut servir comme vêtement de travail ou comme vêtement décoratif. Dans ce dernier cas, on le garnit de dentelles ou de broderies, ou encore, on le taille dans des tissus tels que le taffetas. Lorsqu'il est porté pour l'exécution de tâches domestiques, il est alors fait de tissu plus grossier, comme de la toile ou de la serge par exemple.

La pièce rectangulaire qui couvre le devant de la jupe est plissée et s'attache autour de la taille avec des cordons, tandis que la bavette est fixée au corsage au moyen d'épingles. [75] Parfois le tablier n'a pas de bavette; on en voit, faits ainsi, sur des gravures de l'époque. [76]

La documentation de Louisbourg ne donne pas d'indication au sujet du modèle, mais les tissus nous renseignent sur l'utilisation. Un peut supposer que le tablier est un vêtement de travail lorsqu'il est fait de toile commune à carreaux [77] ou de gros coton. [78] Quant aux tabliers d'indienne, de soie et coton, de satin à fleur [79] et un autre "d'indienne fine et neuve", [80] assortis à des robes de même tissu, il s'agit probablement de ces tabliers qu'on "portait autrefois [...] au devant des jupes, de même étoffe que le bas de la robe;' [81] et qui sont davantage un objet de coquetterie qu'autre chose.

TABLEAU NO. 2: "TISSUS DES ROBES DE CHAMBRE

PERIODE	COTON	LAINE	SOIE	QUTRES	NON SPECIFIES
1720 à 1758	1 bourg 1 coton 5 Indienne		2 bourg satiné 1 Gros-de-Tours 1 satin 1 taffetas d'Angleterre	1 écorce 1 mignonette 1 ras
TOTAL	7	0	5	3	0

DOCUMENTATION:


1720 à 1758: 12 documents incluart 15 mentions de robes de chambre.
1720 à 1745: 10 documents incluant 13 mentions de robes de chambre.
1749 à 1758: 2 documents incluant 2 mentions de robes de chambre.

C'est étonnant de constater que seulement 5 documents mentionnent des tabliers; il est possible que, la confection des tabliers étant si simple à réaliser, les gens préfèrent acheter du tissu pour les faire eux-mêmes. Ceci expliquerait qu'on ne vend pas de tabliers dans les magasins, mais qu'il y a des aunes de tissu à vendre. Si c'est le cast le port du tablier aurait été assez courant à Louisbourg, en dépis du pea de documentation à ce sujet.

Le jupon est un "habillement de femme semblable à la jupe, plus court seulement et qui se porte dessous la jupe." [82] Dans ces termes, il y a peu de différence entre l'utilisation de jupon qu'on connait de nos jours et celle qu'on en faisant au XVIII^e siècle . Mais à l'époque, il y a plus: le jupon est parfois assorti à la robe lorsque celle-ci est ouverte sur le devant, ce qui en fait un élément décoratif; on peut aussi supposer qu'il sert à gonfler la robe surtout si celle-ci n'est pas portée sur un panier, ce qui lui donne une fonction bien précise. Nous ne savons pas toutefois si on le porte indifféremment avec tous les genres de jupes; pour les jupes fermées en tout cas, ce n'est pas nécessaire car la chemise est presque aussi longue que la jupe.

Le modèle en est fort simple; [83] cinq laises de tissu assemblées sont plissées et s'attachent autour de la taille avec des cordons; des ouvertures pratiquées de chaque côté laissent accès aux poches. Suivant ce patron, une doublure est fixée à l'envers du tissu; nous en retrouvons deux exemples à Louisbourg en 1741: un jupon de ras de Sicile bran à "fleur aurore", c'est-à.-dire jaune doré, [84] doublé de toile et un autre de damas a fond blanc doublé de taffetas. [85] Les autres sont peut-être doublés mais on n'a pas pris soin de le préciser dans les descriptions.

A ce modèle de base, on ajoute parfois la technique de "pique"; le tissu est alors doublé de ouate de coton et les piqures qui la tiennent en place forment un dessin décoratif. Trois jupons piqués sont mentionnés dans les documents, [86] mais on ne dit pas de quels tissus ils étaient fabriqués.
Durant la période étudiée ici, il y a eu un changement à Louisbourg, dans les sortes de tissu utilisés pour faire les jupons. (voir tableau no. 3). Jusqu'en 1745, ils sont taillés dans des tissus de soie, de laine et de coton, tandis qu'à partir de 1749, il n'y a plus aucune mention de jupon de laine. Par ailleurs dans tous les cas où le jupon est assorti à une robe, les tissus sont en soie ou en coton, mais jamais en laine.

"Habillement de femme qui pend depuis la ceinture jusqu'au piés" [87] la jupe est le vêtement qu'on voit le plus souvent dans les garde-robes à l'époque. [88] Elle est portée plus courte que la robe: en Europe c'est une caractéristique chez la femme de la classe moyenne, dont la jupe laisse le pied à découvért, [89] tandis que dans la vallée du Saint-Laurent on dénote une influence amérindienne dans la façon de la porter à mi-jambe. [90]
A Louisbourg, on retrouve environ le même nombre de mentions de jupes ou de robes dans les documents, mais il semble que les jupes valent moins cher que les robes. (voir tableau no. 4). I1 est donc possible que chez les gens les moins riches, on ait plutôt porté des jupes que des robes, d'autaut plus que les tissus de confection en sont beaucoup plus simples.

Contrairement à ce qui est utilisé pour les robes et le jupons, les tissus de laine servent à la fabrication des jupes. (voir tableau no. 5).

TABLEAU NO. 3: TISSUS DES JUPONS

PERIODE	COTON	LAINE	SOIE	AUTRES	NON SPECIFIES
1720 à 1745	5 basin	7 calamandre 1 calamandre damassée 1 molleton	5 damas 1 Gros de Tours 1 persienne 1 satin flambé 1 taffetas	1 grena 1 ras de Saint-Maur 1 ras de Sicile
TOTAL	5	9	9	3	2
1749 à1758	7 coton 3 basin		4 damas 1 satin 1 soie
TOTAL	10	0	6	0	10
1720-1758	15	9	15	3	12

DOCUMENTATION:

TABLEAU: NO. 4: COMPARISONS DE PRIX DE JUBES ET DE ROBES

VETEMENT	PRICE TEL QUE CITE	PRIX MOYEN A L'UNITE	ANNEE
Jupes	1 jupe à 4 livres 1 jupe à 6 livres 2 jupes à 15 livres 2 jupes à 10 livres	4 livres 6 livres 7 livres 10 sols 5 livres	1743 1743 1756 1756
Robes	1 robe à 12 livres 5 sols 1 robe à 20 livres 1 robe à 24 livres 1 robe à 20 livres 1 robe à 30 livres	12 livres 5 sols 20 livres 24 livres 20 livres 30 livres	1743 1743 1743 1756 1756

DOCUMENTATION:

TABLEEAU NO. 5: TISSUS DES JUPES

PERIODE	COTON	LAINE	SOIE	AUTRES	NON SPECIFIES
1720 à 1745		1 calamandre damassée 1 flanelle		1 "coc" [?]
TOTAL	0	2	0	1	0
1749 à 1758	2 coton 7 coton brodé 1 coton rayé 1 futaine 1 indienne 1 toile de coton	1 cadix d'agneau 5 calamandre 1 camelot 1 flanelle 1 moleton 1 ratine 1 serge	1 satin de Chine 1 satinade 1 taffetas	1 "barrasol" [?] 2 étamine 1 ras de castor
TOTAL	13	11	3	4	5
1720-1758	13	13	3	5	5

DOCUMENTATION:

On en fait aussi beaucoup en coton, mais très rarement en soie. Enfin, il y a un exemple de jupe "piquée". [91]

I1 va sans dire que les conditions climatiques de Louisbourg exigent que l'on ait des vêtements pour se protéger contre le froid. On porte quelquefois le manteau, la mante, le capot, mais le port de la cape ou du mantelet est plus fréquent.

La cape a la forme d'un gros manteau "dont la partie supérieure [est] taillée en sorte qu'on [peut] y fourrer la tête". [92] De 1741 à 1757, on retrouve assez réquliérement des mentions de ce vêtement à Louisbourg, [93] et il existe peu de variété dans les renseignements qui y sont donnés. Les capes ont presque toutes des têtes de capes ou capuchons et sont faites de camelot, c'est-à -dire une étoffe de laine, [94) ou parfois de camelot sur soye; tous les documents qui mentionnent la couleur indiquent du camelot brun. Le seul détail original consiste en une cape qui s'attache avec une agrafe d'argent.

Porté par les gens de mer le capot "fait en forme de robe capuchonnée" [95] est généralement un vêtement masculin. Quoiqu'il en soit, un "capot de femme a la façon normande" est vendu à Louisbourg en 1756. [96]

La mante est parfois faite de tissus comme la gaze [97] "étoffe légère et transparente de soie ou de lin", [98] ce qui n'en fait pas un vêtement très chaud. Mais on la porte probablement comme vêtement d'extérieur lorsqu'elle est faite d'écarlatine; [99] ce matériel doit être assez lourd puisqu'à la même époque, on s'en est servi à Montréal pour faire un chapeau d'homme doublé de fourrure. [100] Une seule autre mention de mante où il n'y a aucune spécification [101] s'ajoute à ces deux exemples. Ce qui dénote la rareté de ce vêtement à Louisbourg.

Le manteau ne semble pas populaire non plus car un seul, fait en peluche, est noté dans la documentation. [102]

Le mantelet est un genre de cape courte qui "descend par derrière en forme de coquille environ jusqu'au coude" et s'attache sous le menton avec un ruban; les femmes le portent pour se tenir au chaud, tant pendant l'été que l'hiver, selon qu'il est fait de tissu plus ou moins lourd. [103]

L'usage de ce vêtement doit être assez répandu à Louisbourg, car on en retrouve une trentaine de mentions dans des documents qui s'échelonnent de 1735 à 1758, et il n'est pas rare qu'une personne en possède plus qu'un. Par ailleurs, les prix lorsqu'ils sont mentionnés se situent généralement entre 3 livres et 6 livres, montants relativement peu élevés.

La plupart des mantelets sont faits avec des tissus de coton (voir tableau no. 6), ce qui n'est pas tellement chaud; mais pour compenser on peut le doubler, comme c'est le cas pour trois mantelets dont les doublures sont en laine (calamandre, flanelle ou frise, molleton). D'autre part, un mantelet avec capuchon, fait de diablement fort, étoffe "qui [a] presque la consistance du cuir" [104] est vendu en 1756.

Suivant ces indications, le mantelet servirait donc de vêtement chaud pour l'extérieur, et dans cette catégorie, c'est celui qu'on porte le plus couramment.

TABLEAU NO. 6: TISSUS DES MANTELETS

PERIODE	COTON	LAINE	SOIE	AUTRES	NON SPECIFIES
1720 à 1745	1 bourg 2 Indienne	1 calamandre		1 grena
TOTAL	3	1	0	1	5
1749 à 1758	4 coton 1 coton des Indes 5 Indienne		1 damas "pour fil" 1 satin	1 diablement fort 3 grena 1 toile
TOTAL	10	0	2	5	1
1720-1758	13	1	2	6	6

DOCUMENTATION: