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Researching the Fortress of Louisbourg National Historic Site of Canada
  Recherche sur la Forteresse-de-Louisbourg Lieu historique national du Canada

LE COSTUME CIVIL A LOUISBOURG: 1713 - 1758
LE COSTUME FEMININ

BY

MONIQUE LA GRENADE

OCTOBRE 1971

Report H F 16

Forteresse-de-Louisbourg

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CONCLUSION

Au terme de cette étude du costume "pièce par pièce", on demeure avec l'impression d'avoir feuilleté un catalogue ou scruté à la loupe les bribes d'un tableau, sars avoir nu visualiser une image globale. Finalement, y avait-il une mode à Louisbourg? Quelle était-elle? Qui la suivait? Comment se traduisent les différences de richesse et de statut social à travers les habitudes vestimentaires? En regroupant les éléments les plus significatifs pour forger un tout, c'est un peu la reconstitution de portraits types que nous suggérons, tant comme réponse à ces questions que comme conclusion à notre exposé.

Il n'existe aucun signe indicatif du développement d'une mode féminine originale à Louisbourg au VIIIème siècle. Ce phénomène aurait pu se manifester par l'innovation dans les couches aisées de la population, ou, chez les plus humbles, par des emprunts au milieu indigène, afin de s'adapter aux conditions locales.

Quelques faits révèlent que chez les plus aisés, on demeure à la remorque de la métropole; en 1754, on expédie un pendant d'oreille en France pour le faire réparer. Vingt ans plus tôt, madame Péré avait commandé du tissu en France pour être au dernier cri de la mode, comme c'est le cas pour une robe de mariage; pourtant, malgré les contacts personnels qui lui permettent de subvenir à ses besoins, la réponse de son correspondant nous la montre déjà en retard de dix ans sur les dernières créations de fabriquants d'Europe. Ainsi, même les privilégiés, pour qui la situation financière ou les relations sociales ne sont pas un obstacle, sont éloignés de la métropole tant dans le temps que dans l'espace.

L'adoption de styles nouveaux ayant évolué sur place, aurait pu combler cette lacune; mais il n'en est rien, puisque ceux qui prévalent à Louisbourg tirent leur origine d'Europe. Toutefois la ressemblance n'est pas totale car le parallèle s'arrête au moment où l'on observe ici un retard, ou encore, l'abandon d'éléments qui sont très populaires là-bas. Après que mademoiselle de Fontange (1661-1678) en eut lancé la vogue au temps de Louis XIV, les dames de France portèrent des coiffes du même nova jusque dans les débuts du XVIIIème siècle. N'est-il pas étonnant alors de retrouver des Fontanges aussi tard qu'en 1741 et 1754 à Louisbourg? Par contre, l'usage des corsets à baleines et des paniers comne partie intégrante de la mode en France, est plutôt exceptionnel à Louisbourg.

Une étude de la société de Louisbourg serait l'instrument idéal où puiser un cadre pour situer ce que nous appelons bien abstraitement la "haute-classe", mais l'inexistence d'un tel travail nous force à conclure au niveau individuel: les garde-robes d'épouses de hauts fonctionnaires ou officiers sont bien garnies et il en est de même pour la veuve Chevalier dont l'époux était marchand, [243] et qui fut par la suite couturière. Quelque que fut leur rang social, il demeure qu'on peut parler pour ces dames, d'un habillement dit "élaboré", c'est-à-dire: la chemise de toile fine tantôt garnie de mousseline ou de dentelle au col et aux poignets; le corset, souple la plupart du temps, parfois garni d'une pièce d'estomac; la robe à la française dont le devant s'ouvre sur un jupon taillé dans le même tissu, soit, de la sole ou du coton; les bas de couleur tantôt de soie mais le plus souvent de laine fine; les souliers à talons élevés en bois recouvert, faits de cuir de couleur ou de tissu brodé; portée sur les cheveux naturels et frisés, la coiffe de mousseline ou de toile fine, garnie de dentelle et parfois de rubans brodés; le mouchoir, de même tissu fin, noué autour du cou; et, recouvrant le tout, pour aller à l'extérieur, la cape longue et son capuchon en laine brune, ou encore, le mantelet court en laine, ou en tissu plus léger doublé.

Quant aux femmes de condition plus modeste, épouses de pêcheurs, d'artisans, ou qui d'autre encore...elles demeurent dans l'ombre des documents qui gardent le silence à leur sujet. Il n'y a peut-être pas lieu de s'en étonner car un inventaire ou une vente à l'encan auraient-ils été nécessaires pour des gens qui ne possédaient presque rien? C'est plutôt dans les listes notées chez des marchands qu'on peut retrouver trace de leur habillement. Qui d'autre, en effet, que ces gens, coupés de leurs liens avec les marchés français, auraient écoulé les marchandises disponibles dans les magasins? Elles peuvent y acheter, entre autre, des vêtements à l'allure beaucoup simple et sans doute plus pratique, ainsi que des aunes que tissu pour les confectionner elles-mêmes.

Leur accoutrement comportera la chemise unie de grosse toile avec les manches roulées jusqu'au coude, recouverte du corset souple fait de laine ou de coton; la jupe, aussi de laine ou de coton, mais qui n'est pas assortie au corsage; la coiffe unie et le mouchoir de col, de même que le tablier, en toile commune; les bas, de grosse laine de couleur, portés dans des galoches de cuir ou des sabots de bois; et enfin, le mantelet court dont le capuchon couvre la tête. Nulle part il n'est fait allusion à des articles comme des souliers sauvages par exemple, qui auraient pu révéler une influence de l'entourage amérindien.

Dégager deux types de costumes dits "simple" et "élaboré", et les associer spontanément à deux groupes sociaux dits "aisé" et "modeste" comporte un piège à éviter, car la réalité n'est pas si simple. D'une part, les goûts individuels nécessairement impliqués dans les habitudes vestimentaires empêchent toute uniformisation; d'autre part, le langage même des faits défend une simplification aussi excessive pour Louisbourg. A ce sujet, la situation en Europe fournit un point de départ pour une réflexion. Dans les campagnes, le costume du peuple n'a pas changé pendant un siècle ou deux; il se maintient au niveau de ce qui est absolument nécessaire, et n'est pas atteint par les variations qui s'opèrent chez les riches. Cependant, "on ne voyait pas à Paris et dans les grandes villes, de pareils contrastes, des anomalies aussi frappantes entre le costume du peuple et celui de la bourgeoisie. La population pauvre avait, pour se vêtir, la défroque de la population riche. I1 en résultait naturellement que toutes les classes sociales portaient tôt ou tard les mêmes habits, ou neufs ou vieux, dans tout l'éclat de la nouveauté ou dans un état plus ou moins avancé détérioration ou de décrépitude." [244] Cette tendance à l'homogénéité est accentuée à Louisbourg, oû l'isolement ne fait qu'ajouter au caractère de milieu urbain clos et refermé sur lui même. Concrètement, les ventes à l'encan sont là pour le confirmer: les vêtements y sont transmis et retransmis "à demi usés" et "aux trois quarts usés" jusqu'à ce qu'ils ne soient plus utilisables.

Une colonie dont l'histoire brève eut pour rythme une implantation artificielle, une interruption brutale, une relève, et une fin précipitée, n'aurait pas du donner naissance à une mode typique, reflet d'une culture: ceci résulterait d'un long murissement, et à Louisbourg le temps a manqué. Pour ceux qui en ont les moyens, administrateurs, commerçants, on suit, mais de loin, ce qui se passe en métropole; les autres de condition plus humble, sont à la remorque des premiers qu'ils imitent tôt ou tard. A les regarder de cette façon, on finit par voir dans le langage de leur costume, l'expression du milieu où elles vivaient, ces "Louisbourgoises" du XVIIIème siècle...

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