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Researching the Fortress of Louisbourg National Historic Site of Canada
  Recherche sur la Forteresse-de-Louisbourg Lieu historique national du Canada

QUAY DE LOUISBOURG I:
ETUDE SUR SA CONSTRUCTION, SON USAGE ET SON HISTOIRE,
DE 1716 À 1760

PAR

RODRIGUE LAVOIE

(Under the Direction of: W. Stevenson, B. Pothier)

(Maps and Plans drawn by Rodrigue Lavoie and Angela Brown)

(Assembled by Lynda Smith)

November, 1965

(Fortress of Louisbourg Report H B 5 R)

Presently, the illustrations are not included here.
For these, please consult the original report in the archives of the Fortress of Louisbourg

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Table des Matières

DEUXIÈME PARTIE


Dans cette seconde section de mon rapport, j'entends traiter certains points particuliers concernant le quai, aspects qui sont-fort intéressants, mais qui se trouvent peut-être un peu perdus dans l'amas de renseignements et de description de la première partie.

Ces aspects se classent en trois groupes: urbanistes, militaires et commerciaux. Dans la première section, j'entends établir la relation entre le quai et le plan de la ville: emplacement, rues qui y aboutissent, relation entre ces rues et la localisation des cales, apport urbanistique du quai. De plus, je serai amené à considérer les problèmes que causait le quai, tels le niveau des maisons sises derrière le quai, etc. La seconde relation est celle qui met en rapport le quai et la fortification. J'y traiterai jusqu'à quel point et dans quel sens le quai constituait un apport défensif. Enfin, la troisième concerne le commerce: les problèmes y sont nombreux; il y a d'abord les cales; il y a aussi le carenage, que l'on peut, voire que l'on doit considérer comme un aménagement tant relatif  au quai qu'au commerce ou à la pêche; il y a aussi le problème de l'entretien du quai; enfin, et surtout, il y a ce fait significatif que le quai de Louisbourg n'est pas un quai en eau profonde, ce qui n'a pas été souligné dans la première partie puisque cela ne touchait pas la construction du quai comme telle.

Il y a sans doute aussi d'autres points qui peuvent entrer dans ce schéma, mais je ne les ai pas à l'idée pour l'instant. D'ailleurs aujourd'hui mon style fait quelque peu pitié et je ne suis guère en forme pour écrire.

Enfin à ce rapport s'ajoutera un appendice qui résumera dans ses traits essentiels la construction du quai: ce sera une description, qui indiquera les mesures que nous avons trouvées pour chacune des parties du quai, localisera ces parties, décrira autant qu'il est possible leur construction et les matériaux utilisés.

Le quai et les fonctions de la ville

D'une construction tardive et éphémère, le quai de Louisbourg n'en est pas moins une des parties essentielles de ce poste français du Cap Breton. Plus qu'un simple aménagement destiné à faciliter le service maritime, il fait véritablement corps avec la ville et les fortifications. Même, il constitue l'une des parties de Louisbourg qui manifeste le mieux et le plus pleinement les différents aspects qui ont dominé la vie de la ville-forteresse et de ses habitants.

En tant que ville, Louisbourg constitue très certainement un cas particulier sous le Régime Français: [1] la symétrie quasi parfaite de ses rues et le peu de modifications apportées au plan de la ville de 1717 à 1760 [2] indiquent à mon sens que Louisbourg a été établi suivant un plan défini et préconçu et ce plan inclut aussi le quai. [3] Par ailleurs, Louisbourg fut une forteresse, unique en son genre en Amérique du Nord, et le quai, "le plus long front de la place", au dire de Franquet, [4] n'a pu que faire partie intégrante des fortifications. Enfin, les buts fondamentaux de l'établissement de Louisbourg furent avant tout économiques: vraisemblablement, et même si aucune étude n'est venue le démontrer encore, la recherche du contrôle des pêcheries du golfe a été à la base de l'établissement de ce poste fortifié le plus proche des "Grands Bancs", refuge des bateaux de pêche français et clé stratégique du golfe. A cet égard, le quai de la ville devait jouer un rôle essentiel. L'histoire de Louisbourg se réduit à cette triple perspective: ville sévèrement urbanisée, forteresse unique sur ce continent, clé commerciale d'une riche région de pêcheries. [Nous devons je crois faire ici la part du principe et de la pratique. Certes, pour ce qui regarde les rues on s'est tenu rigoureusement au plan. Par ailleurs, à l'intérieur des "isles", pour l'aménagement des places, etc. ou s'en écartait avec moins de scrupule. (Pothier)]

Comment le quai répondait-il à cette triple exigence?

Le quai et la ville

Le quai de Louisbourg se situe vis-à-vis cette zone de la ville qui fut la plus anciennement occupée. L'alignement particulier des rues et des établissements de ce secteur indique hors de tout doute que cette partie fut aménagée avant que l'on eût mis en éxécution le plan général de la ville, ébauché par l'ingénieur de Verville en 1717. [5] D'ailleurs, l'existence des établissements de la rue du Quay et des rues adjacentes est certaine en 1713, 1714 et 1716, et malgré de nombreuses tentatives, tant de Verville lui même que de son successeur verrier, tentatives qui se poursuivent jusqu'au delà des années 1730 et suivantes, [6] rien ne put corriger cette anomalie.

Cependant, dès la première ébauche d'un plan d'ensemble, devenue définitive avec les plans de 1723, [7] de tels écarts ne furent plus tolérés. Dès 1717, de Verville détermina l'emplacement du quai projeté [8] et désigna l'espace qui devait être réservé à cet aménagement: aucune construction ne devait être tolérée à moins de 10 toises "de la plus haute mer". Confirmée par les ordonnances de 1717 et de 1721, [9] cette législation fut respectée à peu près fidèlement, [10] bien que la construction du quai fût retardée d'une vingtaine d'années.

En 1731, cependant, l'étendue de soixante pieds réservée pour le quai se trouvait passablement diminuée: le ressac de la mer, [11] il aidé du fait que les habitants allaient y puiser le gravier nécessaire à leurs constructions, [12] avait peu à peu rongé le rivage et cet espace, selon Verrier, se trouvait réduit de moitié. On y voyait donc un danger pour les établissements de la côte, à moins que l'on élevât très bientôt une digue pour arrêter ces dégradations continuelles. [13]

Verrier proposa donc un plan et une estimation pour un quai [14] établi à demi-marée, parallèle à l'alignement des maisons, ses ailes suivant la côte en ligne droite et joignant les autres parties de la Fortification. Après de nombreuses modifications, on tomba d'accord pour construire un quai qui fût fonctionnel en même temps qu'il respectât l'harmonie du plan de la ville et y ajoutât un certain élément de beauté.

Fonctionnel, le quai l'était réellement: son mur, élevé à une dizaine de pieds, [15] arrêtait la vague et mettait un terme aux dégradations du rivage, pendant que son terre-plein, établi de niveau, [16] constituait une place large et propre, à l'abri des coups de lame. Par ailleurs, le quai jouait un rôle important: les ouvertures pratiquées dans le mur aux endroits des cales permettaient en même temps de drainer les rues de la ville. [17] Des rigoles, en pente, étaient pratiquées dans le terre-plein depuis l'extrémité des rues et en écoulaient les eaux. Enfin, l'écluse pratiquée vis-à-vis le grand étang, sur la face droite, laissait écouler les eaux à marée basse. [18] Ainsi, le quai contribuait à l'urbanisme de la cité: son mur élevé protégeait le territoire de la ville et permettait l'établissement d'une place de 10 toises de large sur toute l'étendue du quai, et, par les soins de l'ingénieur prévoyant, les ouvertures des cales devenaient un précieux atout d'hygiène et de propreté.

Ces avantages n'étaient pas obtenus au détriment de l'harmonie et de la beauté. Comme pour le reste de la ville, le plan original était soigneusement respecté, et même l'on tirait parti de l'originalité de l'alignement de cette partie de la ville. D'une part, en effet, l'on avait pris soin de situer les cales vis-à-vis les rues: pour des motifs évidemment utilitaires, l'écoulement des eaux et le drainage de la ville, rues et cales sont en étroite relation. [19] Ceci crée en même temps une heureuse harmonie entre la ville et les aménagements du port. Il en est de même pour la rue Dauphine qui oblique vers l'ouest juste avant sa jonction avec la rue du Quay: ce biais fait que cette rue rejoint, en évitant l'étang, la face droite du quai et débouche sur la cale de l'Etang, exactement comme le font les rues devant la courtine. Toutefois, la rue ne tombe pas perpendiculairement sur le quai, contrairement aux autres.

Enfin, le quai participe au donné architectural de la ville. Bien sùr, on doit regretter que le redent de la rue Toulouze n'ait pas été établi. En même temps qu'il aurait constitué une place pour décharger les marchandises du Roi, juste devant les magasins royaux, il aurait constitué le site d'une statue de Louis XIV érigée pour commémorer la mémoire du fondateur de la forteresse. [20] Du moins construisit-on la Porte Frédéric, [21] à l'entrée de la cale Toulouze, face à cette rue. Cette porte constitue l'entrée de la ville du côté de la mer. Construite de bois, son style correspond vraisemblablement à l'architecture des bâtiments royaux de la ville et des autres portes.

En relation avec la ville, le quai constitue avec le plan et le style de celle-ci une heureuse composition, à la fois utile et harmonieuse. Les aménagements du quai desservent en même temps les exigences de l'urbanisme et de l'hygiène de la ville. Son alignement, la large place qu'il crée, son raccord avec les rues qui y débouchent, et même un élément architectural contribuent à joindre la beauté et l'harmonie à l'utilité.

Bien sûr, ces objectifs restaient secondaires, mais il faut reconnaître que l'on a su façonner un ensemble élégant tout en satisfaisant les nécessités essentielles.

Le quai et la fortification

Bien sûr, dans une ville fortifiée, destinée à être la base de défense d'un vaste territoire et la clé de toute une région économique, la fortification tient une place prépondérante dans les préoccupations des ingénieurs. Evidemment, de ce côté, défendue par la Batterie de l'Ile de l'Entrée, la Batterie Royale et la pièce de la Grave, la ville semblait n'avoir pas besoin d'une protection exagérée. Malgré tout, en supposant que l'ennemi pût pénétrer jusque dans le port, certaines parties de ce front de près de 300 toises de long n'étaient guère défendues par ces pièces, ou se trouvaient trop éloignées de la portée du fusil.

En tant que mur défensif, le quai constituait, de l'avis de Franquet, l'une des plus solides constructions de la place; et du fait que sa maçonnerie avait été revêtue de madriers, c'était l'une des seules à ne point tomber en ruines. [22] Cette précaution de Verrier s'était donc avérée efficace, et dès 1751, Franquet proposait que l'on fit de même pour tous les autres ouvrages, même ceux du côté de la terre. [23] Cependant, pour la défense elle-même, le mur du quai n'était pas assez élevé. De nombreux témoignages, celui de Knowles en 1746, [24] celui de Franquet en 1751, [25] et d'autres critiques après le siege de 1758, [26] en font foi. Toute la ville se trouvait découverte de ce côté. Pour y remédier, les Anglais rehaussèrent le mur d'une palissade de piquets. [27] Pour sa part, Franquet proposa deux projets pour l'élever à une vingtaine de pieds, épaissir son parapet, le percer d'embrasures temporaires à toutes les 10 toises, afin de présenter une meilleure défense de ce côté. 28

De fait, tel que construit en 1742, le quai n'était muni d'embrasures qu'aux seuls flancs, à l'exception de deux embrasures percées à l'extrémité de la face droite en prolongement de la pièce de la Grave. Les trois embrasures de chaque flanc battaient le devant du quai et semblaient suffisantes pour en empêcher l'approche.

Verrier aurait voulu en faire un élément de défense plus efficace par l'adjonction d'un redent en face de la rue Toulouze et d'un môle s'avançant perpendiculairement dans le port depuis l'angle du flanc droit. [29] Munis de canons, ces deux aménagements auraient fourni une meilleure défense. De son côté, Franquet projetait de rehausser le mur et de le percer d'embrasures sur toute l'étendue de la courtine. Le coût trop élevé de ces améliorations semble avoir été la cause principale de leur rejet.

Malgré tout, bien qu'il ne fût pas proprement défensif, le quai se trouvait à constituer un élément de la fortification de Louisbourg. Il fermait la ville du côté du port en joignant l'éperon de la porte Dauphine et la batterie de la Grave. Sa palissade de piquets en rendait l'escalade plus ardue, et même si sa faible hauteur laissait la ville découverte, il faut bien dire qu'il en était de même pour chacune des autres parties des fortifications. [30] Enfin, le quai avait été conçu comme une partie des fortifications, et construit comme tel: son mur était surmonté d'un parapet, et la banquette à l'arrière permettait d'y disposer des hommes pour en défendre l'approche.

Ouvrage de grande étendue, le quai complétait l'enceinte de la ville. Comme élément de fortification, il ajoutait une ceinture de sécurité derrière les avants-postes de la batterie de l'Ile de l'Entrée, et les navires de guerre mouillés dans le port devaient normalement suffire à en empêcher l'accès. De plus, ses flancs battaient cette partie du port que ne pouvaient atteindre les canons de la batterie de la Grave et de l'éperon de la porte Dauphine. D'une heureuse composition et en harmonie avec la ville, le quai lui ajoutait encore un élément de résistance à un siège. Reste à savoir s'il répondait aux exigences du commerce et de la navigation, dont il était l'objet essentiel.

Le quai et le commerce

Louisbourg devait être un poste commercial de première importance. De fait, certaines années, il s'y fit un commerce fort lucratif et les pêcheries rapportèrent d'excellents profits aux négociants de la métropole. La réputation de forteresse imprenable qu'avait Louisbourg en faisait un refuge pour le pêcheurs français qui venaient sur ces côtes. Dans cette perspective, un port facile et sûr et un quai dûment aménagé étaient essentiels pour la prospérité d'un tel poste.

En ce qui touche le port, la nature y avait pourvu. Son ouverture sur la mer se refermait en un goulet étroit encore réduit par la présence de l'Ile de l'Entrée qui, en plus de permettre l'installation d'une batterie à cet endroit stratégique, réduisait la violence des vagues et de la mer. De cette façon, le port se trouvait bien abrité et constituait une baie bien protégée des intempéries dans laquelle les bateaux petits et grands pouvaient mouiller en toute sécurité.

Evidemment, il ne pouvait être question d'établir un quai en eau profonde à cet endroit: les sondes effectuées dans le port indiquent des profondeurs maxima de neuf brasses, et une telle profondeur ne se rencontre qu'assez loin au large du quai. A proximité de celui-ci, et sur une étendue de plus de trois cent pieds en face du quai, la profondeur de l'eau ne dépasse pas deux brasses. [31] Enfin, la constitution du lit de la mer à cet endroit, presque entièrement vaseux et sablonneux, [32] mais on ignore sur quelle profondeur, aurait pu permettre certaines tentatives de dragage; de toute façon, une telle perspective ne semble jamais avoir été entrevue, puisqu'il n'en est fait aucune mention dans les documents.

Pour les besoins du commerce, le quai de Louisbourg était muni de cales pour le déchargement des marchandises. Les chaloupes, petites et grandes, pouvaient les atteindre facilement durant toute la durée de la navigation. Les innovations des Anglais, généralisées par Franquet, permettaient à un plus grand nombre de chaloupes d'y accéder aussi bien à marée basse qu'à marée haute: seule la cale Dauphine n'avait que 18 pouces d'eau à son extrémité à marée basse. Toutes les autres étaient d'un accès continu.

D'autre part, un vaste terre-plein, auquel on pouvait accéder par les ouvertures des cales, constituait une place suffisante pour y déposer les marchandises. Et, pour garantir le bon usage de ces divers aménagements, des ordonnances étaient publiées régulièrement et le capitaine du port était chargé de les faire respecter. [33]

Enfin, il fallait aménager un lieu où les navires avariés pussent être carénés. Le quai du carenage fait donc, à cet égard, partie de ce vaste ensemble, même s'il est séparé du quai de la ville et des divers aménagements qui le constituent. Le quai du carenage se situait dans l'anse du même nom, au nord-est du port. Il semble avoir été construit à peu près de la même façon que les cales, c'est-à-dire sur pilotis enfoncés dans le sol. [34] Pour être établi à une profondeur d'eau suffisante pour que les navires puissent s'en approcher, on avait dû le placer à quelque, soixante pieds du rivage, et l'eau venait derrière. [35] On dut donc porter sa largeur prévue de vingt pieds à trente-quatre pieds, car le rivage se trouvait trop éloigné pour qu'on y disposât les divers instruments de carenage. [36] Jusqu'en 1745 au moins, il semble bien avoir rempli son usage.

Dans le même ordre d'idées, St-Ovide de Brouillan proposa que l'on fit du grand étang un havre pour les embarcations de dimensions réduites. Ces dernières y auraient trouvé un abri en cas de mauvais temps et un lieu de garage pendant la saison d'hiver. [37] Mais ce projet ne fut pas réalisé.

Ainsi, grâce à des cales améliorées et entretenues en bon état, à un terre-plein vaste et dégagé, à un port d'accès facile et bien abrité, le transit des marchandises trouvait à Louisbourg toutes les facilités. Un quai de carenage bien équipé pouvait accueillir les navires à réparer et répondait aux nécessités urgentes. Tout ceci manifeste la préoccupation que l'on portait à la pêche et à la navigation. Le quai, évidemment, devait rencontrer et satisfaire les exigences des marchands et des navigateurs puisque nulle part on ne trouve de plainte de la part de ces derniers. Tout porte donc à croire que le quai de Louisbourg rencontrait les objectifs maritimes pour lesquels principalement il avait été construit.

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