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Gardens In Louisbourg Site
Les jardins de Louisbourg
Les jardins français du
dix-huitième siècle comptent parmi les plus raffinés et les plus harmonieux
jamais créés, l'apogée d'un art qui s'est perfectionné au fil des siècles
à travers les cultures anciennes. Leurs précurseurs, les jardins de la
Renaissance italienne, alliaient harmonie et perfection des proportions. Les
voyageurs qui visitaient l'Italie admiraient beaucoup la façon dont les
jardiniers de ce pays mariaient architecture, sculpture, fleurs, verdure, arbres
et plans d'eau pour former un tout parfaitement équilibré. Pendant les deux siècles
suivants, les architectes ont adapté ce style de jardins; les Anglais en ont préféré
une expression plus libre pour incorporer les éléments du milieu naturel dans
la conception de leurs jardins, et les Hollandais en ont réduit les dimensions
imposantes pour en agrémenter leurs propriétés plus petites. C'est toutefois
les Français qui ont perfectionné l'art du jardin jusqu'à son apogée avec la
construction des jardins de Versailles, commandés par Louis XIV et conçus par
Le Nôtre. Il a fallu 50 ans pour les aménager et le roi lui-même en établit
un plan pour que les visiteurs puissent profiter de ces jardins.
Le jardin à la française se fonde sur les quatre principes suivants :
logique, ordre, discipline et beauté. Son aménagement rigoureux reflète les
trois premiers principes, tandis que sa beauté réside dans l'agencement des
plantes au sein de cet aménagement. Les architectes-jardiniers privilégiaient
les formes géométriques et symétriques et attachaient une importance toute
particulière au contraste des verts, à la hauteur des plantes et à la différence
des textures du feuillage.
Le jardin à la française obéissait à des règles qui en régissaient
les dimensions et la disposition des plantes. Le terrain était agencé en carrés
ou en rectangles qui étaient divisés en parterres de même taille par un réseau
de larges sentiers. Les parterres étaient surélevés et bordés de plantes
aromatiques, de buissons ornementaux ou de fleurs. Ces parterres étaient divisés
en plus petits compartiments qui comprenaient à leur tour d'autres
compartiments et formes parfaitement symétriques. Tous les jardins, de grande
ou de petite taille, étaient aménagés selon ce plan. L'ouvrage intitulé
<<La Nouvelle Maison Rustique>>, et publié en France dans les années
1750, donne des règles et des dimensions très précises, et notamment la
largeur des sentiers, des parterres et des compartiments. Ces règles régissaient
également l'aménagement des potagers, des vergers, des jardins d'agrément et
des jardins de plantes médicinales de l'époque.
Le jardin à la française du dix-huitième siècle n'était pas
seulement perfectionné sur le plan de la conception, mais également sur le
plan technique. Les jardiniers français transformaient les matières organiques
en compost, faisaient venir de la terre végétale de régions plus fertiles, se
servaient de serres et de couches chaudes, pratiquaient la rotation des cultures
et utilisaient des plaques de gazon pour faire les pelouses. Leurs pratiques
perfectionnées, dont Versailles était le modèle, ont influencé le jardinage
dans toute l'Europe et, éventuellement, dans le Nouveau Monde.
Ce style de jardin particulièrement complexe ne pouvait se «
transplanter » tel quel dans une colonie, et il a fallu adapter la notion du
jardin à la française « par excellence » aux
conditions qui prévalaient à Louisbourg. Le jardinage dans la ville
fortifiée se bornait surtout à la culture du potager, et ce pour des raisons
évidentes. La plupart des parcelles de terre à l'intérieur des murs de la
ville étaient de petite taille et ne se prêtaient donc qu'à la culture du
potager, fort utile. Qui plus est, un grand nombre de plantes que les colons
avaient l'habitude de faire pousser en France ne pouvaient survive à Louisbourg
vu la saison de croissance humide et courte. Enfin, comme le sol mince et acide
et l'été de courte durée ne permettaient pas une agriculture à grande échelle,
c'est surtout la nécessité de survivre qui a déterminé le type de jardinage
pratiqué dans la colonie.
Comme Louisbourg dépendait de sources extérieures (France, Québec,
Acadie et Nouvelle-Angleterre) pour le gros de son approvisionnement alimentaire,
tout ce qui pouvait être cultivé sur place était donc particulièrement apprécié.
En 1744, à la suite de la déclaration de la guerre entre la France et la
Grande-Bretagne, les corsaires ennemis et une mauvaise récolte au Québec incitèrent
les résidants de Louisbourg à tirer davantage parti de leurs petits jardins.
Le jardin classique de l'ingénieur en chef de Louisbourg, Étienne Verrier, reflète bien la position sociale importante dont jouissait ce dernier au sein de la société coloniale. La formation artistique de l'ingénieur transparaît dans les larges sentiers de gravier, la disposition symétrique des parterres et le cadran solaire servant de point central. En même temps, la forte concentration de légumes, d'herbes et de plantes médicinales traduit le côté utilitaire qu'il faut donner au jardin
Le jardin conçu pour l'officier Michel De Gannes est plus sobre que celui de l'ingénieur. De Gannes, né dans la colonie et père de six enfants, possède un jardin plus utilitaire que beau, tout en étant aménagé selon les principes du jardin à la française. Les sentiers sont toutefois plus étroits et les parterres surélevés sont délimités par de simples planches.
Une fois la conception des jardins terminée, les chercheurs se sont de
nouveau penchés sur les sources du 18e siècle pour choisir un
assortiment de plantes adaptées. <<La Nouvelle Maison Rustique>>
contenait la liste des plantes potagères les plus cultivées à l'époque, et
il était fort plausible que des semences de ces plantes aient pu être amenées
de la mère patrie à Louisbourg. Le recensement de l'Île Royale effectué en
1752 s'est également révélé fort utile, puisqu'il mentionne que des choux,
des navets, des fèves, des pois, des potirons et des racines de toutes sortes
étaient cultivés dans diverses parties de l'île. Les livres de cuisine de l'époque
donnent également une bonne idée des légumes et des herbes qui entraient
couramment dans la composition des plats. Nous savons, par exemple, que la pomme
de terre ne faisait pas partie du régime alimentaire courant au 18e
siècle, et que la tomate fut considérée comme bonne à manger que bien
longtemps après.
Les listes de plantes provenant de la Nouvelle-Angleterre pouvaient également
être des sources utiles en raison des échanges commerciaux qui se faisaient à
l'époque entre Louisbourg et les colonies américaines. De même, l'analyse de
semences trouvées au cours de fouilles archéologiques a révélé que certains
produits alimentaires étaient disponibles, même si on ne peut déterminer
s'ils étaient cultivés sur place ou importés. Comme au 18e siècle
les agents royaux encourageaient les expériences tentées
avec les espèces indigènes, il y a toutes les raisons de penser qu'on
aurait pu transplanter des plantes du Nouveau Monde dans les jardins pour en
connaître les vertus et l'utilité.
Des herbes et des plantes médicinales de toutes sortes sont cultivées
et utilisées à Louisbourg, comme elles l'ont été il y a 250 ans. Certaines
entraient dans la préparation des médicaments, d'autres servaient de teintures
et de produits de beauté, ou étaient utilisées lors de cérémonies
religieuses ou dans la cuisine. En fait, beaucoup de ces herbes et de ces
plantes avaient été apportées dans le Nouveau Monde par les colons sous forme
de semences, de boutures et de racines. Un certain nombre d'entre elles poussent
d'ailleurs aujourd'hui à l'état sauvage au Cap-Breton, comme la ciboulette,
l'aulnée, le carvi, la chicorée, le panais et l'angélique.
L'angélique est particulièrement intéressante car, introduite jadis
par les Français, elle est considérée aujourd'hui comme une mauvaise herbe
nuisible. Il y a deux siècles cependant, on la considérait comme une plante à
usages multiples fort utile. En médecine, l'angélique était un remède contre
le rhume, la bronchite chronique, la pleurésie, la colique, le rhumatisme et
les troubles rénaux; on l'utilisait aussi pour empêcher la contagion et
purifier le sang. On s'en servait également beaucoup en cuisine; ces tiges
confites, soit trempées dans du sucre, faisaient des friandises; coupées,
elles pouvaient se préparer comme les asperges. Ses feuilles, fraîches ou séchées,
pouvaient se mettre dans les soupes ou les ragoûts; on en faisait aussi de la
tisane. Tout comme aujourd'hui, l'angélique était alors une plante aromatique
qui avait une valeur marchande puisqu'elle servait à parfumer les vins et les
liqueurs; on l'utilisait même parfois dans la fabrication de parfums. Il ne
faut pas oublier non plus ses racines, qui donnaient une teinture jaune clair.
La saponaire ou herbe à savon est une autre plante fort utile cultivée
dans les jardins de Louisbourg. Elle contient une substance active, la saponite,
qui mousse comme du savon quand on fouette ses feuilles ou ses racines. Elle
possède la propriété de nettoyer en douceur, et on s'en sert aujourd'hui dans
des laboratoires de conservation pour nettoyer de vieux matériaux fragiles.
La rhubarbe ne servait qu'à des fins médicales au 18e siècle,
et ce n'est qu'à la fin de la seconde moitié de ce siècle qu'on commença à
en faire des tartes et des confitures. On ne faisait pas non plus le même usage
du houblon il y a 200 ans. Aujourd'hui, le houblon sert uniquement à la
fabrication de la bière, mais, à l'époque, on le buvait sous forme de tisane,
comme somnifère ou pour soigner les pulsions sexuelles anormales.
Les utilisations faites des plantes sont à la fois multiples et
fascinantes, et leur longue histoire est profondément ancrée dans la
tradition, la légende et la superstition. L'aménagement de jardins d'époque
à la Forteresse-de-Louisbourg fournit une occasion d'interpréter et de faire
revivre cet aspect de la culture et des traditions françaises dans le Nouveau
Monde au 18e siècle.